À l’attention des 7 Ordres professionnels de santé suivants :
Ordre national des médecins ;
Ordre national des pharmaciens ;
Ordre national des chirurgiens-dentistes ;
Ordre national des sages-femmes ;
Ordre national des infirmiers ;
Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes ;
Ordre national des pédicures-podologues.
Copie adressée à :
Monsieur le Président de la République, Emmanuel
MACRON ;
Monsieur le Premier ministre, Jean CASTEX ;
Monsieur le Ministre des solidarités et
de la santé, Olivier VÉRAN ;
L’Assemblée nationale ;
[au] Sénat ;
la haute autorité de santé (HAS) ;
l’agence nationale de sécurité du médicament
(ANSM).
Dans le cadre de la vaccination contre la Covid-19, et de façon
unanime, vous avez décidé d’adresser aux « soignants » ce qui
pourrait être qualifié d’injonction.
Faisant suite à cette injonction, en date du 7 mars 2021, qui a été diffusée
publiquement sous le titre « Les Ordres des
professions de santé appellent l’ensemble des soignants à se faire vacciner », j’ai l’honneur de vous soumettre, dans ce qui suit, quelques observations
qu’appelle, de ma part, votre initiative dont j’ai appris l’existence par voie
de presse. La présente lettre ouverte ne présume pas du sens de ma décision personnelle (de se vacciner ou non).
Un tel communiqué au contenu autoritaire, diffusé publiquement par vos
soins, pourrait laisser penser que des soignants seraient des "enfants
capricieux", indisciplinés et irresponsables. Il livre les soignants au lynchage
public notamment sur les réseaux sociaux. Il les stigmatise. Ces soignants ne
font pourtant que s’interroger, de façon légitime, sur le rapport
bénéfice/risque de ces vaccins contre la Covid-19. Ils s’interrogent d’abord pour
l’intérêt des patients ; et ensuite pour leurs propres intérêts concernant
leurs propres corps.
Ladite injonction appelle « d’une seule
voix l’ensemble des soignants à se faire vacciner. A la fois parce que cela
relève de leur devoir déontologique, protéger leurs patients en toutes circonstances,
et parce que qu’il est impératif qu’ils puissent eux-mêmes se protéger contre
le virus, ainsi que leurs proches, et freiner la propagation de l’épidémie ».
Vous affirmez que « le vaccin
Astra Zeneca (…) est sûr et son efficacité est amplement démontrée (…) ». Vous ne semblez exprimer aucune nuance, aucun doute, aucune réserve,
aucune prudence.
Le doute jaillit pourtant de notamment les propos, en date du 18
février 2021, du Ministre des solidarités et de la santé, lui-même ; des
écritures du Ministère des solidarités et de la santé adressées (les 22, 25 et
26 février 2021) au juge administratif (le Conseil d’État) afin de justifier le
maintien de l’enfermement des personnes âgées pourtant vaccinées ; des
écritures de la haute autorité de santé (HAS), de celles de l’agence nationale
de sécurité du médicament (ANSM), de celles de Santé publique France, etc.
Pas plus tard que le 25 février 2021, et concernant notamment ce vaccin
de la firme Astra Zeneca, la revue indépendante Prescrire rappelle l’absence « de nouvelles
données décisives sur l’efficacité ». Elle soutient que « l’Agence
suisse du médicament a fait savoir début février 2021 que : « les
données soumises (…) sont encore insuffisantes pour permettre l’octroi d’une
autorisation » pour » ce vaccin. Elle
ajoute que « Fin février 2021, ce vaccin n’est
pas autorisé aux États-Unis d’Amérique ».
Ces vaccins contre la Covid-19 ne bénéficient d’ailleurs que d’une autorisation
de mise sur le marché (AMM) qualifiée de « conditionnelle ». Je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que cela veut dire.
Si ce que vous affirmez est exact, il suffira alors à une personne de se vacciner
pour qu’elle soit protégée. De plus, les mesures barrières, les masques (dont
les masques chirurgicaux, FFP2)… sont une alternative puisque leur efficacité a été promue
par les autorités sanitaires depuis plusieurs mois. Pourquoi alors vouloir obliger
les soignants à se vacciner ?
Une telle communication sur ces vaccins, qui sont des médicaments, heurte
plusieurs dispositions du Code de la santé publique notamment ; que vous
connaissez parfaitement.
Par ailleurs, par « décision du 2
février 2018 relative aux bonnes pratiques de pharmacovigilance », et au visa des dispositions législatives et réglementaires, le
directeur général de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est
venu, dans un « document
unique », rappeler le cadre légal appliqué à la
pharmacovigilance en France. Ces « bonnes pratiques » sont intégrées au Code de la santé publique. Elles consacrent justement les règles d’une « communication » portant « sur la
sécurité d’emploi des médicaments » et notamment ceci :
« La communication est un outil de gestion
des risques essentiel pour atteindre les objectifs de la pharmacovigilance
en termes de promotion du bon usage et de prévention des risques. Elle peut s’adresser
aux professionnels de santé, aux patients et aux usagers du système de santé en
général. » ;
« La communication sur la sécurité d’emploi
de médicaments suit les principes énoncés (…), en particulier la communication :
est claire et adaptée aux destinataires afin de répondre à leurs
attentes ; est présentée de manière objective et non trompeuse ;
présente toujours le risque en perspective du bénéfice
attendu ; fait état des éventuelles incertitudes ; est
précédée si possible de la consultation des patients et des professionnels de
santé, particulièrement lorsque la situation est complexe ; est cohérente
et coordonnée entre les différents acteurs concernés ; tient compte des
exigences réglementaires en matière de protection
des données individuelles et de confidentialité ; est suivie,
si possible, d’une évaluation de son impact ; ne doit présenter aucun
caractère promotionnel. ».
Toute personne a le droit à une information claire, loyale et
appropriée avant de donner, éventuellement, son consentement libre et
éclairé. Ce consentement est au rang des libertés fondamentales. Cette
personne, en l’espèce le soignant, a le droit à une information sur notamment
les risques fréquents ou graves même exceptionnels. Cela est consacré par le
droit et par la jurisprudence.
La vaccination est un acte médical. La décision de se vacciner, ou non,
relève du colloque singulier qui unit la personne à son médecin ; médecin
traitant notamment. Les échanges enregistrés dans ce cadre sont protégés, de
façon absolue, par le secret professionnel médical.
Il y a lieu de rappeler que même l’accord du patient ne libère pas
le professionnel de santé de cette obligation de secret médical. Une telle
obligation est-elle respectée eu égard aux chiffres livrés dans votre communiqué :
« 40% des personnels des Ehpad et 30%
des soignants en établissements hospitaliers et de ville » ? Quelles sont exactement les données, de nature médicale, qui ont été communiquées aux autorités administratives ?
Votre injonction contraste avec l’inertie de certains Ordres
professionnels dans d’autres dossiers tels que celui relatif à la chronique
insécurité médicamenteuse à l’origine de près de 20 000 décès par an et depuis
plusieurs décennies ; et dont la moitié (en moyenne) est évitable. À titre accessoire, et pour information, je
saisis cette occasion pour porter à votre connaissance (l’Ordre national des
pharmaciens étant déjà informé) mon mémoire présenté, et soutenu
publiquement, dans le cadre du Master 2 Droit de la Santé. Un diplôme délivré à
la fois par la Faculté de droit de Rennes et par l’EHESP (école des hautes
études en santé publique). Le titre de ce mémoire est :
Le circuit du médicament dans les établissements de
santé
français face aux articles 223-1 et 223-2 du code
pénal
« Des risques
causé à autrui »
Ce mémoire est accessible via le portail documentaire de l’EHESP.
Votre communiqué est d’autant plus choquant lorsque l’on se souvient de
certains constats effectués par la Cour des comptes notamment.
En ce qui me concerne, j’ai choisi d’être et de rester pharmacien ;
à ne pas confondre avec un "épicier de luxe" qui poursuit des
intérêts personnels, catégoriels et corporatistes. Je n'ai pas décidé de faire ce métier,
qui relève d’une profession réglementée, pour "jouer" au supplétif d’une
politique de santé qui fait la promotion du « mésusage » de ces vaccins notamment ; et qui diffuse, publiquement, des
informations en décalage avec les « données
acquises de la science ».
Le pharmacien poursuit un but d’intérêt général. Son indépendance
professionnelle n’est pas là pour assurer son confort, mais pour garantir la
protection du public. Comme cela émane des écritures-mêmes de l’Ordre
national des pharmaciens.
Votre communiqué ne semble pas mentionner vos éventuels liens ou conflits d’intérêts
comme cela est exigé par le Code de la santé publique (article L.4113-13).
Être « soignant » ne fait pas de moi un « esclave » de l’Ordre
professionnel ou de telle ou telle autre entité.
En pareilles circonstances, un « soignant » a également le
droit de disposer, librement, de son corps.
Vous savez aussi pourquoi l’obligation vaccinale contre la grippe, de ces mêmes professionnels de santé, n’a pu prospérer.
Et on dirait que, brusquement, ladite grippe aurait disparu…
Votre injonction soutient « qu’il est
impératif qu’ils [lesdits soignants] puissent eux-mêmes se protéger
contre le virus, ainsi que leurs proches ». Vous seriez donc aussi mieux placés pour nous dicter ce qui est bon pour
notre santé ; et même pour celle de nos proches.
« Ton corps appartient à la nation, ton devoir est
de veiller sur toi-même. » (Extrait des 10
commandements de la santé… des jeunesses Hitlériennes (1939). Cité par
J. ATTALI, l’Ordre cannibale, 1979).
Il est conseillé de lire notamment l’article publié, le 30 août 2020,
sous le titre « Covid-19 :
une épidémie de « malades », ou une épidémie de « tests »
et de « médias » ? ».
Enfin, je vous adresse, à nouveau, la lettre ouverte, en date du 5 mars
2021, qui a été envoyée notamment au Ministre des solidarités et de la santé,
Monsieur Olivier VÉRAN sous le titre « Covid-19. Projet de vaccination « obligatoire » des soignants : lettre ouverte au Ministre des solidarités et de la santé ».
Les soignants ne sauraient constituer le bouc émissaire, d’une
politique de santé défectueuse, que l’on voudrait sacrifier sur la place
publique. D’autant plus que des soignants, qui souhaitent se vacciner, voient
leurs demandes refusées eu égard notamment à la pénurie des vaccins constatée.
Par ces motifs, non exhaustifs que je me réserve le droit de parfaire,
je considère donc que votre injonction est, pour le moins, injustifiée.
Infondée. Elle est préjudiciable à l’image des professionnels de santé ;
voire même surtout à l’image des sept institutions ordinales dont les représentants ont jugé utile d'élaborer et de diffuser, publiquement, ladite
injonction.
Je vous prie de bien vouloir recevoir l’expression de mon profond respect.
Docteur Amine UMLIL
Pharmacien des hôpitaux, praticien hospitalier
Juriste (Droit de la santé)
Extrait du Curriculum vitae
(C.V.)