Dans le cadre de la Covid-19, le Conseil d’État a rendu hier, soit le 3
mars 2021, une décision en urgence qui vient livrer quelques enseignements. Il
est particulièrement intéressant de lire les arguments présentés (les 22, 25 et
26 février 2021) par le ministère des solidarités et de la santé dans le cadre
de cette instance ; des arguments concernant l’efficacité des vaccins
contre la Covid-19.
Le ministère des solidarités et de la santé avait diffusé « des recommandations » à l’attention des établissements d’hébergement des personnes âgées
dépendantes (EHPAD) notamment. Ces recommandations, concernent les mesures de
protection à adopter à l’égard des résidents de ces EHPAD, de leurs proches et
des professionnels de santé et équipes soignantes qui y interviennent. Une « fiche », datant du
28 janvier 2021, serait la dernière recommandation diffusée sur le site de ce ministère.
Ces recommandations prévoient que, dans ces EHPAD notamment, « les sorties dans les familles et pour des
activités extérieures sont suspendues temporairement jusqu’à nouvel ordre ». Cette interdiction est contestée par les enfants d’une résidente. Ces
derniers saisissent donc, en urgence, le juge des référés auprès du Conseil
d’État car ils considèrent que ces restrictions portent une atteinte grave
et manifestement illégale à une liberté fondamentale : celle d’aller et
venir. Ces enfants relèvent que « de telles
mesures d’enfermement (…) s’appliquent de manière indifférenciée aux résidents sans
distinguer selon qu’ils sont vaccinés ou non (…) ». Cet argument oblige ainsi les parties et le juge à aborder la question
de l’efficacité des vaccins contre la Covid-19.
Et là, le juge relève l’argumentation avancée par le ministère des
solidarités et de la santé dans le cadre de cette instance : « L’administration fait néanmoins valoir, d’une part
l’existence d’études récentes invitant à la prudence quant à l’absence
de contagiosité des personnes vaccinées, d’autres part, l’incertitude
scientifique sur l’immunité conférée par la vaccination en cours à l’égard des
variants du virus, enfin la survenue de foyers de contamination de résidents et
de personnels dans certains EHPAD où la campagne de vaccination a eu lieu ». Autrement dit, le ministère de la santé, lui-même, semble remettre en cause l’efficacité
des vaccins contre la Covid-19 en se fondant notamment sur
des études « récentes ».
Mais, le juge rappelle à ce ministère les informations qui ont
été diffusées auprès de la population.
D’abord, le juge rappelle les « objectifs » d’une instruction interministérielle, en date du 15 décembre 2020, du
ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l’intérieur ;
instruction ayant précisé le cadre de mise en œuvre de la première étape de
la campagne nationale de vaccination qui était affichée comme étant l’une
des mesures prises pour lutter contre l’épidémie : « la stratégie nationale de vaccination Covid-19 a
pour objectifs principaux de faire baisser la mortalité et les formes
graves de la maladie, de protéger les Français et notre système de santé et
de garantir la sécurité sanitaire de tous les patients ».
Puis, le juge relève ce qui a été affirmé par la haute autorité de
santé (HAS) dans un avis rendu public le 30 novembre 2020 qui « définit comme personnes prioritaires pour la
vaccination des personnes susceptibles de développer les formes graves de la
maladie. La première étape de la campagne de vaccination concerne ainsi (…) les
personnes âgées résidant » dans ces EHPAD
notamment.
Ensuite, le juge rappelle aussi les affirmations que cette HAS a tenues
dans un autre avis en date du 23 janvier 2021 : « la
Haute autorité de santé présente cependant comme une connaissance scientifique
acquise à ce stade « la réponse immunologique satisfaisante et une
efficacité vaccinale similaire à celle retrouvée chez les personnes les plus
jeunes » chez les personnes âgées pour les deux vaccins à ARN Messager en
cours d’utilisation. En outre, selon les informations données sur le site du
ministère « les vaccins permettent de prévenir lors d’une contamination le
développement d’une forme grave de la maladie » et les cas constatés de
nouvelles contaminations dans quelques établissements ne concerneraient en
réalité que les personnes n’ayant reçu qu’une dose ».
Le ministère des solidarités et de la santé se trouve donc face aux
informations, pour le moins inexactes et contradictoires, qui ont été diffusées
par ses soins et par la haute autorité de santé notamment.
Le juge n’a sans doute pas eu connaissance d’une autre contradiction concernant,
par exemple, l’efficacité du vaccin COMIRNATY° (Tozinaméran) : ladite
haute autorité de santé avait relevé « qu’en raison d’un
manque de puissance, il n’est pas possible de conclure spécifiquement chez les
patients de plus de 75 ans », mais la vaccination
a commencé dans cette population…
Le juge de l'évidence a donc décidé d’accueillir favorablement la demande des enfants
de cette résidente : il a prononcé la suspension de ces recommandations
qui « prescrivent d’interdire les sorties
des résidents des EHPAD » (cf. Ordonnance du 3 mars 2021, N°449759). Et alors que ces requérants n’avaient sollicité
que « 3 000 euros » au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, le
juge met à la charge de l’État la somme de « 3 500
euros » qui doit être versée à ces enfants.
De plus, lors de la conférence de presse tenue le 18 février 2021,
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé avoue que la preuve n’est
pas apportée que ces vaccins contre la Covid-19 préviennent contre
notamment les formes « graves » de cette maladie. (cf. cette conférence à partir de 34min 44s : cliquer ici)
Cette décision du Conseil d’État vient confirmer davantage les analyses
proposées par le CTIAP du centre hospitalier de Cholet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire