« Si les
personnes suivent les prescriptions éducatives au prix de frustrations vitales
d’importance, on peut se demander si les bienfaits sanitaires produits en aval
- de qualité essentiellement probabiliste d’ailleurs – valent une telle
mutilation. » (S. FAINZANG, L’éthique est-elle risquée ? La
Santé de l’Homme, 2000)
Les décisions actuelles ne provoqueraient-elles pas une dénaturation de la notion de « Santé » ?
Dans la continuité de la réflexion proposée dans notre article (du 20 août 2020) intitulé « Covid-19 : trois mois après le
dé-confinement, des informations utiles », d’autres interrogations
méritent d’être soulevées. En particulier, cette maladie Covid-19, liée au
coronavirus (Sars-CoV-2), interroge le sens de la vie ; sa gestion
actuelle appelle à discuter notamment ce qu’est le sens du mot « Santé », ou plus
précisément : que veut dire « être
en bonne santé » ?
En plus des incohérences soulignées dans notre article du 20 août
2020, de nouvelles décisions sont, pour le moins, étonnantes.
Quelques nouvelles
incohérences
Le port du masque est déjà obligatoire, à l’extérieur, dans certaines villes ; mais, il ne sera
obligatoire dans les entreprises, à l’intérieur
en milieu clos, qu’à partir du 1er septembre 2020. Le risque à l’intérieur
est pourtant plus élevé qu’à l’extérieur.
Une préfecture aurait établi un arrêté concernant le port du
masque à l’extérieur. Face à la contestation enregistrée, elle aurait finalement
publié un communiqué censé modifier cet arrêté : les deux écrits semblent
souffrir d’un défaut de motivation.
Ce virus serait surprenant : dans les bars et restaurants, il
serait plus actif (plus virulent) à partir de 23h00 ; et dans les stades
de football amateur, il aurait une préférence et un tropisme pour le spectateur
« assis ». C’est ainsi que,
par exemple, un communiqué diffusé, le 29 août 2020 par la Ligue de Football
des Pays de la Loire, précise que « les
spectateurs debout [sont] à nouveau autorisés » ; mais sauf
sur « le territoire de la
Mayenne » où « le huis clos
reste en vigueur jusqu’au 31 août ». Ce huis clos aurait été levé dans
le département de la « Sarthe »
(qui est classé en zone rouge) ; mais il reste maintenu dans le
département de la « Mayenne »
(qui ne serait plus en zone rouge)…
D’ailleurs, les critères actuels utilisés pour classer tel ou tel
département dans la zone rouge sont-ils les mêmes que ceux utilisés au début de
l’épidémie ? N’aurait-on pas opéré, de façon discrète, un changement de
ces critères ?
Le fameux « R zéro »
serait-il un indicateur pertinent ? Cet indicateur supposerait que le
virus diffuse de façon homogène dans la population et que tous les individus
présenteraient la même susceptibilité à ce virus. Remarquons qu’actuellement,
on nous parle plutôt du « R effectif ».
Comme le relèvent souvent les juges, la contradiction des motifs
équivaut à leur absence. Et les médias ne contribueraient-ils pas à "diffuser
ce virus" ?
Le fondement d’une
décision : une condition de sa crédibilité
En matière de santé publique notamment, des décisions et des
injonctions contradictoires qui imposent à la population des contraintes, qui
restreignent des libertés fondamentales, sans se fonder sur des preuves
scientifiques solides et
indépendantes ne risqueraient-elles pas de porter atteinte à la crédibilité
des décideurs et d’accentuer davantage la méfiance de la population envers la
politique de santé publique ?
L’information ne devrait-elle pas mettre à disposition du public
les éléments relatifs aux bénéfices mais également aux risques de telle ou
telle mesure : le port du masque ; le dépistage systématique ;
les produits hydro-alcooliques ; etc. ? Le code de la santé publique
consacre le droit de toute personne à une information « loyale, claire et appropriée » ; équilibrée. L’information
est la condition de la validité du recueil du consentement libre et éclairé de
la personne. D’une création jurisprudentielle, elle a reçu une consécration
légale nationale et internationale. L’information est un droit ; le
consentement, lui, est une liberté fondamentale : information et
consentement relèvent du respect de la dignité de la personne humaine.
Questions supplémentaires
(que toute personne devrait se poser)
Actuellement, dans le cadre de cette Covid-19, la décision
politique semble se fonder principalement sur le résultat d’un test. En plus
des questions proposées dans notre article du 20 août 2020, chaque personne est
invitée à se poser les questions supplémentaires suivantes (non exhaustives) :
Un test positif signerait-il, mécaniquement et systématiquement, l’existence
de la maladie ? À l’inverse, un test négatif garantirait-il l’absence de
cette maladie ?
Notre article du 20 août 2020 discute du test de dépistage (RT-PCR).
Concernant, cette fois, le test sérologique (recherchant des anticorps), l’absence
de ces anticorps voudrait-elle dire, nécessairement, que la personne concernée n’a
jamais rencontré (hébergé) le virus ?
De façon générale (ne concernant pas uniquement la Covid-19), ces
anticorps sont-ils le seul moyen de défense dont dispose le corps humain ?
Ces anticorps sont-ils toujours protecteurs, neutralisants… et pendant combien
de temps ? Leur absence, ou leur disparition, signifie-telle que la
personne n’est plus protégée ? Quels sont les autres moyens de défense
immunitaire (immunité cellulaire...) et leurs modalités d’action ? À quel
moment cette immunité humorale (liée aux anticorps) intervient-elle lors d’un
processus infectieux ? Quelle est l’importance de cette immunité humorale
(anticorps) par rapport à l’ensemble des moyens de défenses immunitaires
équipant un organisme humain ? De façon imagée et à titre pédagogique, pourrait-on
affirmer que ces anticorps ne seraient que l’équivalent des « agents des forces spéciales »
pour une armée (qui compte avant tout l’armée de Terre, l’armée de l’Air, la Marine…) ?
La question devient encore plus aiguë lorsqu’elle soulève
l’incertitude du test et sa fiabilité : lorsque ce test génère des « faux positifs » (la personne
est déclarée positive à tort) et des « faux
négatifs » (le test est négatif alors que la personne est porteuse du
virus).
Un article du JIM (journal international de médecine), publié le 25
août 2020 sous le titre « Dépistage
et traçage : nouveaux couacs à la française ? », met en
évidence certaines limites et conséquences de la stratégie adoptée ; des
inconvénients constatés par des professionnels de santé, et qui commencent à
exaspérer nos concitoyens (« Foutez-moi
la paix »).
Un test biologique n’est qu’un « critère
intermédiaire ». Il n’atteint sa pleine utilité que lorsqu’il va dans
le même sens que les critères cliniques (de morbidité (complications) et de
mortalité).
Mais, remarquons que la communication et la rigueur, appliquées à
la Covid-19, contrastent avec le bas bruit, voire le silence, observé dans d’autres situations
(générant souvent, et de façon constante et durable, plus de victimes que la Covid-19) ; elles semblent brusquement s’arrêter, du moins s’atténuer, aux portes des autres comportements à risque : tabagisme,
alcoolisme, mésusage des médicaments, mauvaise hygiène de vie (mauvaise
alimentation, manque d’exercice physique, etc.), logements insalubres,
pollution, accidents de la route, etc.
Les déterminants de
la santé
Dans les facultés et hautes écoles françaises, nous apprenons que « les atteintes à la dignité ont un
pouvoir pathogène identique à celui des microbes et des parasites » (Rapport
Marmot, 2010). Et l’une des premières interventions en santé publique
concernait une épidémie de choléra à Londres : l’histoire du docteur John
SNOW et de la pompe à eau de Broad Street (c’est de façon délibérée que le
présent article ne détaille pas cette histoire : informer c’est aussi inviter
le lecteur à effectuer ses propres recherches).
Les déterminants de la santé s’intéressent à tous les facteurs qui influencent la santé de la population. Dans
ce cadre, le système de soins ne compte que pour 25%, l’environnement social et économique pour 50%, la biologie et le
patrimoine génétique pour 15%, et l’environnement physique pour 10% (Canadian institue for advanced research,
cité par the conference board of Canada).
L’éducation pour la
santé cherche à améliorer d’abord les relations humaines, plus que la
modification des comportements
Selon un auteur : « L’éducation
pour la santé a pour but de faciliter la rencontre entre les compétences des
professionnels de la santé et les compétences de la population ; de cette
rencontre naissent de nouvelles compétences qui contribuent à rendre plus
autonomes les partenaires de l’action éducative. La connaissance scientifique de l’être humain ne trouve son sens
qu’en étant confrontée à la connaissance qu’ont les gens d’eux-mêmes et de leur
réalité de vie. L’éducation pour la santé vise donc l’amélioration des
relations humaines plutôt que la modification des comportements. » (B.
SANDRIN-BERTHON, À quoi sert l’éducation pour la santé pour pratiquer
l’éducation du patient ? La Santé de l’Homme, n°383)
Or, depuis le début de cette situation sanitaire liée à la Covid-19,
le lien social et la santé économique sont de plus en plus vulnérables.
Actuellement, certaines décisions sont, pour le moins,
incompréhensibles ; et les imposer par la force (à coup d’obligations) ne
rendraient pas ces décisions plus légitimes, bien au contraire.
Le retour des
méthodes d’une période révolue ?
Il est stupéfiant de voir, par exemple, des CRS mobilisés pour
surveiller le port du masque à l’extérieur.
Pourtant, une distance notable nous sépare d’une période révolue
lors de laquelle l’on pouvait lire le docteur MONNIN, médecin inspecteur des écoles
de la ville de Paris (1886) : « Les écoliers, il faut bien le
dire, sont généralement fort malpropres. Aussi les instituteurs devront-ils à
chaque classe, inspecter la figure, les mains, la tête, le linge et les
vêtements des enfants ; veiller par une visite hebdomadaire complète à ce
que les lavages et les bains leur soient donnés régulièrement ; faire de
fréquents reproches, au sujet de la propreté, non seulement aux
enfants, mais surtout aux parents ; si ces reproches sont inutiles,
recourir aux punitions ; et, finalement, si l’on se heurte, malgré
tout, à l’indocilité et au mauvais vouloir, ne pas hésiter à renvoyer les
enfants dans leur famille ».
La lecture d’autres auteurs pourrait nourrir la réflexion (et
notamment celle de nos dirigeants) :
« Pour assurer
les conditions de travail optimales en termes de rendement et donc de profit, les
classes dirigeantes se sont intéressées à la santé des classes
laborieuses. » (G. HOUIOUX, Brève
histoire de l’éducation pour la santé et de ses approches. Education Santé.
100 ; 1995) ;
Ou : « On
entreprend alors d’apprendre aux pauvres les bonnes manières des
riches. » (JP. DESCHAMPS, Porter un regard nouveau sur l’éducation
pour la santé, Environnement et santé publique ; 1984) ;
Ou encore : « Ton corps appartient à la nation, ton
devoir est de veiller sur toi-même. » (Les 10 commandements de la
santé…des jeunesses Hitlériennes (1939). Cité par J. ATTALI, l’Ordre cannibale,
1979).
Quel est donc le sens du mot « Santé »,
ou plus précisément : que veut dire « être
en bonne santé » ?
« Santé » :
vers une nouvelle définition ?
Il y a donc lieu de s’interroger sur l’effectivité de l’actuelle définition
de la santé. Une définition qui n’a cessé d’évoluer comme le révèlent les
exemples suivants :
« Rien. Il ne
faut que demeurer en repos. La nature, d’elle-même, quand nous la laissons
faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre
inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes
meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. » (Molière, Le Malade imaginaire. Acte III, scène III) ;
« La santé, c’est
la vie dans le silence des organes. »
(René LERICHE, Chirurgien (1879-1955)) ;
« Tout bien portant
est un malade qui s’ignore. La santé est un état précaire qui ne présage rien
de bon. » (KNOCK ou le Triomphe de la Médecine, Jules ROMAINS,
1923) ;
« Etat de complet
bien-être physique, psychologique et social » et non pas l’absence de maladie ou d’infirmité (Organisation
mondiale de la santé (OMS), 1946).
Ce qui compte donc selon l’OMS, c’est de bien vivre avec sa
maladie ou son infirmité. Mais, cette définition actuelle de l’OMS est vue par
certains comme une « sensation que
le commun des mortels peut connaître brièvement pendant l’orgasme ou sous
l’influence des drogues. » (Petr SKRABANEK, La fin de la médecine à
visage humain, Odile Jacob, 1995). Et l’ignorance, par les décisions constatées,
de ces composantes « psychologique »
et « sociale » (figurant
pourtant dans cette définition de l’OMS), semble conforter l’avis de cet
auteur : cette définition de l’OMS serait un idéal (utopique) ;
inapplicable.
Sommes-nous déjà sur la route à destination d’une nouvelle
définition de la « Santé » ?
Si oui, laquelle ?