« 80% : proportion des prescriptions hors
AMM [autorisation de mise sur le marché] en
pédiatrie hospitalo-universitaire. »
Il ne s’agit donc pas d’un seul médicament, mais de « 80% » des médicaments
pédiatriques, destinés aux enfants, qui font l’objet de ce qui pourrait être qualifié de « bricolage ». Ce « bidouillage » dure depuis de
très nombreuses années ; et ne manque pas de générer des risques sérieux
aussi bien (et surtout) pour le patient (les enfants) que pour le prescripteur,
le pharmacien, les autres professionnels de santé et la collectivité notamment.
1. Un constat des
académies de médecine et de pharmacie : repris par les deux ordres
professionnels concernés (des médecins et des pharmaciens)
« 80% : proportion des prescriptions hors AMM en
pédiatrie hospitalo-universitaire. » Telle
est l’affirmation qui vient d’être livrée, de façon conjointe, par l’ordre
national des médecins et l’ordre national des pharmaciens en ce mois de
septembre 2020. Dans un document intitulé
« La
prescription et délivrance de médicaments hors AMM », ces deux ordres
professionnels ne font que reprendre des chiffres publiés, en novembre 2018, par
les académies de médecine et de pharmacie.
2. Une confirmation de
la réflexion proposée en juin 2020 dans le journal Le Point
Ce constat vient donc confirmer la réflexion qui a été
publiée, le 7 juin 2020, par notamment le journal Le Point sous le titre « Ce qui est refusé au professeur Didier Raoult est permis à d’autres ». Une analyse qui relève
notamment une « différence de
traitement » et constate que « l’exigence
et la rigueur opposées à l’hydroxychloroquine contrastent terriblement avec les
libertés accordées à d’autres médicaments ».
Depuis plusieurs années, les autorités ad hoc sont informées de la dangerosité
de cette situation concernant l’utilisation de ces médicaments chez les
enfants.
3. Une utilisation « empirique »
des médicaments « pédiatriques » tolérée malgré des conséquences
potentiellement « graves » relevées par notamment le ministère des
solidarités et de la santé, lui-même
Il y a plus de quatre ans, un autre document, publié le 13 juin 2016 sur le
site du ministère des solidarités et de la santé (mis à jour le 10 novembre
2016), intitulé « Les médicaments pédiatriques » affirme ce qui
suit :
« En Europe, plus de 50% des médicaments prescrits aux
enfants et adolescents n’ont pas fait l’objet d’une évaluation et d’une
autorisation d’administration spécifiques à ces classes d’âge. L’étroitesse
du marché visé et la difficulté à mener des travaux de recherche chez l’enfant n’incitent
pas en effet les entreprises pharmaceutiques à engager des essais cliniques
dans ces classes d’âge. Or, plus de 20% des Européens en 2010 sont des enfants,
représentant plus de 100 millions de personnes. »
Quant aux patients (enfants) des pays pauvres…
Ce document admet l’utilisation de l’« empirisme »
dans ce cas (chez les enfants) :
« Pour certaines maladies ou certains troubles, notamment les
pathologies graves, les enfants ne bénéficient pas de traitements adaptés à
leur âge. Les médecins sont donc souvent
amenés à prescrire aux enfants des médicaments conçus pour les adultes en
adaptant de manière empirique
la posologie (en divisant la dose préconisée pour l’adulte) ou le mode
d’administration (en écrasant un comprimé par exemple). »
N.B. : Or, nous avons déjà révélé au public la dangerosité potentielle inhérente à ces
pratiques consistant à écraser certains comprimés : « Ecraser ou mâcher un
comprimé peut s’avérer un geste dangereux voire mortel. Ouvrir une gélule et
avaler son contenu peut rendre le médicament inefficace. (…) ».
(Cf. livre « Ce que devient le médicament dans le
corps humain. Conséquences en matière de soins. Collection « Connaître le
médicament », Tome 1. Éditions BoD, juin 2016 ; ainsi que la réunion d’information indépendante
destinée au public qui a été organisée le 30 janvier 2020 au centre hospitalier
de Cholet)
Le ministère des solidarités et de la santé a
conscience de la dangerosité de ces pratiques :
Ce même document ministériel de 2016 soutient : « Les
conséquences peuvent être graves car les organes, le métabolisme et le
système immunitaire évoluent régulièrement de la naissance à l’adolescence.
Chaque tranche d’âge présente donc des caractéristiques physiologiques,
biologiques et pharmacologiques qui lui sont propres, susceptibles de modifier
le mode d’action d’un médicament. »
Ce document ministériel de 2016 poursuit en
soulignant la position des laboratoires pharmaceutiques :
« Or, les entreprises pharmaceutiques sont peu enclines à
développer des médicaments pédiatriques pour plusieurs raisons. D’une part
l’étroitesse du marché : l’investissement
nécessaire est très lourd et la rentabilité n’est pas assurée si la
maladie est peu fréquente. D’autre part, les travaux de recherche nécessaires
au développement du médicament pédiatrique, notamment les essais cliniques, se
heurtent à des difficultés d’ordre
technique (formulation et appareils non adaptés à chaque catégorie d’âge
pédiatrique), logistique (participation de l’enfant aux essais) et éthique
(l’enfant est une personne vulnérable). »
Cette utilisation hors AMM ne concerne pas que les
médicaments pédiatriques.
4. D’autres médicaments
prescrits hors AMM
En ce mois de septembre 2020, les deux ordres
professionnels (ci-dessus mentionnés) rappellent également que cette utilisation
hors AMM concerne d’autres médicaments. Par exemple, elle est de l’ordre de « 34% »
en « gériatrie dans le traitement de
la douleur » ; et de façon globale sur « l’ensemble des prescriptions » concernant les
médicaments, elle est estimée à « 20% ».
Le fondement de l’AMM est également discutable.
5. Le fondement d’une
prescription médicale : les « données acquises de la science »
plus que l’« AMM »
Le code de la
santé publique (CSP) invite le médecin à prescrire les médicaments en se
fondant sur notamment les « données acquises de la science »
et non pas l’AMM :
« Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le
médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus
appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance
morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la
qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des
avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations
et thérapeutiques possibles » (article R.4127-8 du
CSP) ;
« Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le
médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux,
dévoués et fondés sur les données acquises
de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers
compétents » (article R.4127-32 du CSP).
Or, l’AMM qui reste un cadre important à respecter, tout comme les recommandations des
autorités ad hoc, n’est pas toujours conforme à ces
données acquises de la science.
Le récent exemple du Remdesivir (EKLURY®) : le
laboratoire, lui-même, se désiste
Dans le cadre de la Covid-19 (liée au Sars-CoV-2), le
Remdesivir est l’un des concurrents de l’Hydroxychloroquine. Mais, pour
l’instant et pour ces deux produits, la preuve clinique attendue, permettant
d’apprécier rigoureusement le rapport bénéfice/risque, n’est toujours pas
accessible.
Concernant le Remdesivir, il suffit de consulter ce qui vient d’être publié par
la haute autorité de santé (HAS). En effet, le 17 septembre 2020, la HAS publie
un document qui nous informe qu’« en date du 31 août 2020, le
laboratoire Gilead a retiré sa demande de remboursement de la spécialité
VEKLURY (remdesivir) ». L’absence de remboursement d’un médicament
signe, presque mécaniquement, son absence d’intérêt.
Des AMM discutables
Comme indiqué dans notre analyse publiée en juin 2020,
plusieurs médicaments « sont régulièrement
mis sur le marché, parfois selon une procédure accélérée devenue de plus en
plus fréquente, alors qu’ils n’apportent rien de nouveau ; alors que le
rapport bénéfice/risque n’est pas suffisamment évalué. Certains de ces produits
sont même plus dangereux qu’utiles. (…) ».
Par ailleurs, les données acquises de la science
s’acquièrent plus rapidement que les mises à jour de certains documents validés
par l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament). Nous pensons en
particulier au RCP (résumé des caractéristiques du produit) disponible
notamment dans le VIDAL®.
Le VIDAL® : parfois des anomalies pouvant
exposer les patients à des risques graves
Le VIDAL® est un dictionnaire non exhaustif des
médicaments. Il est pourtant, en pratique, l’outil de base auquel a accès un
médecin. Malheureusement, comme tout document, son contenu n’est pas à l’abri
de distorsions. Le fait qu’il soit validé par l’ANSM n’exonère point le
professionnel de santé d’une lecture vigilante et critique. Par exemple, en
2003, « 55% » des anomalies
détectées exposaient les patients à un risque d’erreurs médicamenteuses, dont
certaines potentiellement graves. Au 15 février 2003, seulement 22% des
anomalies signalées avaient été corrigées par l’AFSSAPS (agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé ; actuellement ANSM) ; 14%
n’avaient fait l’objet d’aucune modification malgré l’édition d’une nouvelle
version du RCP, et 64% des RCP erronés n’avaient pas encore été mis à jour (Résumés des caractéristiques des
médicaments : gare aux incohérences ! Rev Presc 2004 ; 24
(246) : 65).
Conclusion
Notre conclusion est donc la même que celle proposée
dans la réflexion publiée par Le Point
au mois de juin 2020.
La présente analyse est une nouvelle preuve de ladite
différence de traitement. L’audible agitation observée dans le cas de
l’Hydroxychloroquine (en situation d’urgence) contraste avec le visible silence
constaté dans le cas des autres médicaments (en situation normale, en pratique
courante) tels que ceux destinés aux enfants.
Le principal concerné (le patient, le public) est en
droit d’attendre un minimum de méthode, de rigueur, de cohérence, d’objectivité,
de crédibilité…
Autre lecture proposée
« Quelques astuces pour présenter un « nouveau »
médicament comme une « innovation » : alors que ce produit
n’apporte rien de plus » : cliquer ici