Le valsartan est un
médicament appartenant à la famille des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine
II ; ces médicaments sont appelés « sartans » ou
« ARA2 ». Le valsartan est « utilisé
dans la prise en charge de l’insuffisance
cardiaque, dans l’hypertension
artérielle et en post infarctus du
myocarde récent ».
Affaire Valsartan :
rappel du contexte actuel
Le 6 juillet 2018,
l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié un point
d’information, sous le titre « Rappel de certains médicaments à base
de valsartan », révélant la présence d’un « (…) défaut qualité affectant
certaines spécialités à base de valsartan et de valsartan/hydrochlorothiazide.
Il s’agit d’une impureté retrouvée dans la substance active fabriquée par la société chinoise
Zhejiang Huahai Pharmaceuticals. Cette impureté est la N-nitrosodiméthylamine
(NDMA), substance classée comme probablement cancérogène
chez l’homme (…) ».
Dans un document « questions/réponses à destination des
patients sur le rappel de certains médicaments » daté du 22 août 2018,
l’ANSM informe : « (…) Suite à une évaluation
préliminaire, l’EMA [agence européenne des médicaments]
estime qu’il pourrait y avoir un cas supplémentaire de
cancer pour 5 000 patients ayant pris les médicaments concernés par
le défaut de qualité (…) ».
Le 22 août 2018, l’ANSM
publie également sur son site internet la « Conduite à tenir dans un contexte de
tensions d’approvisionnement des médicaments à base de valsartan – Point d’information ». Cette publication nous permet d’accéder au
dossier « Valsartan : priorisation des prescriptions et dispensations dans
un contexte de fortes tensions d’approvisionnement – Lettre aux professionnelsde santé » ; et de lire que « les professionnels de santé concernés ont reçu le courrier
ci-joint (21/08/2018) ». Ce courrier est destiné aux
« médecins généralistes,
cardiologues, néphrologues, internistes, urgentistes, gériatres, pédiatres,
endocrinologues, pharmaciens d’officine et pharmaciens hospitaliers ».
Cette lettre du 21
août 2018 (cf. pièce jointe ci-dessous) nous transmet notamment les « recommandations de la HAS et de la SFHTA
(voir logigramme au verso) ». Ce logigramme, daté de septembre
2016, est intitulé : « Prise en charge de l’hypertension
artérielle de l’adulte, hors grossesse ».
Recommandations de la HAS et
de la SFHTA diffusées par l’ANSM : des interrogations
Ces recommandations
de la HAS (haute autorité de santé) et de la SFHTA (société française
d’hypertension artérielle) appellent quelques
interrogations que nous soumettons à l’ANSM.
Quelle
place accorder aux sartans (valsartan notamment) au sein de l’arsenal
thérapeutique ?
Il est, par
exemple, surprenant de voir la place accordée à ces médicaments de la famille
des sartans au sein de l’arsenal thérapeutique. En effet, ces recommandations
placent ces sartans (tel que le valsartan) au même niveau que les
« inhibiteurs de l’enzyme de conversion » (IEC) : « IEC
ou ARA2 ». Or, et sauf erreur de notre part, il nous semble que aussi bien la
logique du raisonnement pharmacologique que les données d’évaluation clinique
plaideraient pour proposer l’affirmation
suivante : les
sartans (ou ARA2) sont moins bien évalués que les IEC. Et par conséquent, ces sartans devraient être prescrits en deuxième intention.
En 1998, la revue
Prescrire soutenait d’ailleurs que « le valsartan est un antihypertenseur de seconde intention sans
"Plus" » ; que sa
capacité « à prévenir les complications de l’hypertension artérielle n’est
pas démontrée, et son utilisation est donc moins bien validée que celle des
diurétiques et des bêtabloquants ». Elle ajoute que « dans le traitement antihypertenseur
de seconde intention (échec des diurétiques et des bêtabloquants, toux gênante
sous IEC), le valsartan (TAREG®, NISIS®) n’a pas d’avantage démontré sur le
losartan (COZAAR®) qui appartient au même groupe pharmacologique ».
Des
recommandations qui ne concernent que « l’hypertension artérielle chez
l’adulte, hors grossesse »
Que disent les
recommandations de la HAS et de la SFHTA quant à la place du valsartan dans la
prise en charge de l’hypertension chez « les enfants et les adolescents âgés
de 6 à 18 ans » ?
Que disent les
recommandations quant à la place du valsartan dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et du post infarctus récent ? Les
mentions légales (résumé des caractéristiques du produit (RCP), version du VIDAL® 2018) du valsartan confirment
que ce médicament doit être utilisé en seconde intention en cas d’insuffisance
cardiaque : « Traitement des
patients adultes présentant une insuffisance cardiaque symptomatique en cas
d’intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), en cas
d’intolérance aux bêtabloquants, comme traitement additionnel à un IEC quand
les antagonistes de l’aldostérone ne peuvent pas être utilisés (…). »
En 2010, la revue Prescrire affirmait que « dans
l’insuffisance cardiaque et le post-infarctus récent, le valsartan est une option après les IEC ».
Des « essais cliniques
truqués » et des « publications rétractées par les revues
concernées » : « un auteur japonais mis en cause » a
« démissionné »
En 2013, nous avons
appris, en lisant notamment la revue Prescrire, qu’« en raison de fraudes sur les données cliniques, plusieurs publications d’essais portant
sur le valsartan (TAREG® (de Novartis) ou autre) ont été rétractées par les revues concernées (…) Les résultats publiés en
2009 d’un essai (…) Début 2013, cet article (et d’autres du même auteur
japonais) a été rétracté par la revue European
Heart Journal de la Société européenne de cardiologie, en raison de « problèmes cruciaux » (…) L’université
japonaise, dont l’auteur mis en cause a démissionné, a révélé après enquête que
des données brutes avaient été falsifiées
pour augmenter les bénéfices en prévention de l’angor et des AVC (accidents
vasculaires cérébraux). L’enquête a révélé aussi qu’une des personnes
impliquées dans l’essai travaillait pour
Novartis, ce que ne précisait pas
l’article lors de sa publication (…) Suite à cette première affaire, le Lancet a rétracté un article portant sur
un autre essai réalisé au Japon sur
le valsartan, encore avec l’implication non révélée d’une personne travaillant
pour la firme Novartis (…) ».
Le risque de cancer serait-il
lié uniquement à ce défaut qualité identifié dans certaines spécialités à base
de valsartan ? Ou serait-il lié aux sartans en général ?
En juin 2018, soit avant la révélation de la présence de
ladite « impureté (…) substance
classée comme probablement cancérogène chez l’homme » dans certaines spécialités
à base de valsartan, la revue Prescrire a informé qu’ « un surcroît de cancers est apparu dans une méta-analyse
d’essais cliniques ayant évalué des
sartans » ; cette revue parle de « sartans » sans
préciser lesquels…
Lettre aux professionnels de
santé du 21 août 2018 : non signée par l’Ordre national des pharmaciens
Ledit courrier du
21 août 2018 précise notamment « (…)
l’ANSM, en lien avec les sociétés savantes et les ordres nationaux concernés, a mis en place un contingentement selon
les recommandations de la HAS et de la SFHTA (…) ».
Or, force est de
constater que seul l’Ordre national des Médecins est associé à la signature de
cette lettre. Il aurait été utile d’associer également l’Ordre national des
pharmaciens.
Conclusion
Il serait
souhaitable que les recommandations des autorités ad hoc soient concordantes d’une part avec les mentions légales
disponibles dans le RCP des médicaments (version VIDAL®), et d’autre part (et
surtout) avec les analyses effectuées notamment par des revues indépendantes
telles que la revue Prescrire.
La solution auxdites « tensions
d’approvisionnement des médicaments à base de valsartan »
annoncées se trouve, peut-être et simplement, dans la lecture critique et indépendante
des données d’évaluation clinique et dans le respect de la logique du
raisonnement pharmacologique.
Rappel aux patients
Enfin, il est
rappelé aux patients qu’il ne faut pas arrêter son traitement sans l’accord du
médecin.
Pièce jointe : lettre aux
professionnels de santé du 21 août 2018 « Valsartan : priorisation
des prescriptions et dispensations dans un contexte de fortes tensions d’approvisionnement »
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