Suite
à notre article, intitulé « Décès d’un
nourrisson et UVESTÉROL®D : et si c’était lié à l’un des excipients [propylèneglycol] ? »
et publié le 16 janvier 2017 (Cliquer ici), APM
International interroge l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)
en date du 27 janvier 2017.
La
réponse qui nous est donnée par l’ANSM semble fragilisée par le nouvel article
de la revue Prescrire qui vient de
paraître en ce 1er février 2017(1).
APM International : « Amine
UMLIL, pharmacien au centre hospitalier de Cholet (Maine-et-Loire) a contacté
son agence régionale de santé (ARS) Pays-de-la-Loire, l’ANSM (…) pour que soit
envisagé la piste de la responsabilité de l’excipient propylèneglycol, ayant
trouvé dans la littérature scientifique des cas documentés de toxicité en
pédiatrie. »
Premier argument de l’ANSM :
« Cet excipient est présent
dans une vingtaine de spécialités pédiatriques, principalement des antiviraux,
selon l’agence. »
Réplique de la revue Prescrire :
« Graves
surdoses en propylène glycol (…) Une série d’observations publiées par l’Agence
étatsunienne du médicament (FDA) chez des nouveau-nés montre la gravité
de ces effets en cas de dose élevée à cet âge. 10 nouveau-nés dont 8 prématurés
exposés au propylène glycol, ainsi qu’à l’éthanol, contenus dans la
solution buvable Kaletra®, une association antirétrovirale à base de lopinavir + ritonavir, ont souffert de :
troubles cardiaques (blocs auriculoventriculaires complets, bradycardies,
cardiomyopathies, un choc cardiogénique mortel), acidose lactiques,
insuffisances rénales aiguës, dépressions du système nerveux central, troubles
respiratoires. Des atteintes hépatiques et des hémolyses ont aussi été
rapportées. (…) »
Deuxième argument de l’ANSM :
« Les effets décrits dans ces
articles [soulevés par nos soins],
consultés par APMnews, résultent d’un effet systémique ce qui n’est pas
compatible avec la vitesse d’apparition des malaises associés à la prise d’Uvestérol »,
pour Caroline Semaille. »
Un constat :
La
réponse de l’ANSM se focalise sur les « malaises »,
alors que notre article s’intéresse à l’arrêt cardiorespiratoire qui serait
la cause du décès du nourrisson dans le cas d’espèce. Par ailleurs, cette
réponse manque de précisons.
Réplique de la revue Prescrire :
« Les
jeunes enfants, les nourrissons, notamment les prématurés, ont des fonctions
rénales et métaboliques immatures et sont donc à risque élevé d’intoxication
par le propylène glycol. »
Autrement
dit, ces jeunes enfants éliminent plus lentement le propylène glycol ce qui
pourrait les exposer à un surdosage lors d’une prise notamment répétée de l’UVESTÉROL®D.
Un extrait de la fiche
toxicologique n°226 « Propylène-glycol » : base de données de l’INRS
en date du 02/2016 :
« Toxicité
chronique : L’administration par voie orale, parentérale ou transcutanée
(sur lésion préexistante) (…) acidose métabolique (lactique) avec trou ionique
et osmolaire avec ou sans coma ; élévation de l’osmolalité plasmatique,
parfois à l’origine d’arrêt cardio-respiratoire de mécanisme physiologique
inconnu (…) ; hémolyse au décours d’injection parentérale. Des
intoxications médicamenteuses ont été décrites chez l’enfant à type d’insuffisance
rénale aiguë ou de crises convulsives (…). »
Une
telle insuffisance rénale pourrait, elle aussi, favoriser une accumulation du
propylèneglycol et donc un surdosage chez l'enfant.
Troisième argument de l’ANSM
relatif à l’absence d’information sur cet « effet notoire » du
propylène-glycol :
« Le terme « effet
notoire » n’apparaît ni sur le résumé des caractéristiques du produit
(RCP) [VIDAL®, dictionnaire non exhaustif des médicaments] ni sur le conditionnement extérieur parce que cette obligation s’applique à partir de 200mg/kg/jour, une dose
largement supérieure à celle des produits de la gamme Uvestérol*. »
Réplique de la revue Prescrire :
« Des
doses maximales pour le propylène glycol en tant qu’excipient dans des
médicaments ont été fixées par l’Agence européenne du médicament (EMA) en
novembre 2014 par extrapolation à partir des données animales et analyse des
données cliniques [chez l’Homme] disponibles. Les doses totales journalières,
quelle que soit la voie d’administration, hors voie inhalée, ont été fixées à
1mg/kg par jour chez les nouveau-nés nés à terme et prématurés ; à 50mg/kg
par jour chez les enfants âgés de 29 jours à 5 ans ; et à 500 mg/kg par
jour chez les enfants à partir de l’âge de 5 ans et chez les adultes. » Or
la revue relève notamment que « les seuils fixés par l’EMA sont largement
dépassés lors de l’utilisation de certains médicaments. » Elle donne l’exemple
des « 10 cas d’effets indésirables graves rapportés chez des nouveau-nés
et des prématurés par la FDA en 2011 » en soulignant que « les doses
de propylène glycol administrés variaient de 76 à 451mg/kg par jour. »
Alors que le seuil est fixé à « 1mg/kg par jour ».
Quatrième argument de l’ANSM :
une dose divisée par six
« La dose du propylèneglycol,
un excipient à effet notoire, a été divisée par six »
suite aux « modifications apportées
fin 2014 ».
Un constat :
les doses exactes (initiale et l’actuelle dose) ne sont pas précisées dans la
réponse de l'ANSM publiée par APM International.
Réplique de la revue Prescrire :
« La
quantité de propylène glycol dans les médicaments est rarement précisée
dans les résumés des caractéristiques (RCP) [VIDAL®, dictionnaire non exhaustif
des médicaments]. (…) Malgré les effets indésirables dose-dépendants du
propylène glycol, les quantités contenues dans les médicaments sont difficiles
à connaître. »
Ce
qui est bien le cas de l’UVESTÉROL®D.
Cinquième argument de l’ANSM :
« Au cours de l’analyse des
notifications, personne ni parmi les pédiatres, ni au CRPV [centre régional de
pharmacovigilance] n’a évoqué la possibilité d’une responsabilité de cet
excipient, a rapporté Dominique Martin. »
Question : Quel
accueil l’ANSM pourrait-elle réserver à l’alerte donnée par un pharmacien des hôpitaux,
praticien hospitalier, responsable de la pharmacovigilance, de la coordination
des vigilances sanitaires et du CTIAP (centre territorial d’information
indépendante et d’avis pharmaceutiques) du centre hospitalier de Cholet ?
Accessoirement,
ce pharmacien était notamment à l’origine de la modification de l’autorisation
de mise sur le marché (AMM) d’un médicament de cardiologie : introduction
d’un effet indésirable pulmonaire dans le (RCP) [VIDAL®] de ce produit (cf. présentation
du pharmacien lors de la séance du 7 octobre 2008 lors du comité technique de
pharmacovigilance de l’AFSSAPS (agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé ; nouvelle ANSM)).
Conclusion de la revue Prescrire :
« Le
propylène glycol expose à des effets indésirables graves dose-dépendants. Divers
médicaments en contiennent comme excipient, sans que la quantité précise soit
connue des soignants et des patients faute d’information accessible. Les
formulations ne sont pas toujours adaptées pour les patients les plus
vulnérables. La prise en compte de ces risques par les autorités sanitaires et
les firmes est lente, laissant les patients fragiles, jeunes enfants, patients
insuffisants rénaux, trop peu protégés des dangers du propylène glycol à forte
dose. »
Par conséquent :
Les
cinq arguments avancés par l’ANSM à APM International nous semblent donc
insuffisants : le nombre de médicaments contenant le propylène glycol, l’explication
cinétique, les seuils fixés non respectés en pratique, la méconnaissance de la
dose actuelle du propylène glycol malgré sa division par « six », le
fait que la piste de cet excipient ne soit évoquée que par un pharmacien
hospitalier… Nos questions concernant l’UVESTÉROL®D restent donc en suspens. Le
décès se serait produit alors que l’enfant serait âgé de 10 jours ce qui
permettrait d’envisager également l’hypothèse d’une toxicité plutôt chronique
(par accumulation).
(1) « Propylène
glycol : un excipient aux effets indésirables dose-dépendants » ;
La revue Prescrire, février 2017, Tome 37 N°400, pages 107-108
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