samedi 28 septembre 2019

Institutionnalisation de l’« enfant sans père ». Extension de la PMA aux « couples de femmes et aux femmes seules » : vers l’ouverture de la GPA ?...


« C’est en cherchant à substituer un ordre théoriquement rationnel au long travail des siècles que l’homme de la raison abstraite ruine ce qu’il devrait conserver et tyrannise ceux qu’il aspire à libérer. » (Raymond Aron)
Hier, 27 septembre 2019, selon les médias, l’article du texte de bioéthique qui permet l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules a été adopté par l’assemblée nationale. Les résultats du vote indiquent : 55 voix « pour », 17 voix « contre », 3 « abstentions ».
Le présent article n’entend pas prendre position « pour » ou « contre » ce qui vient d’être adopté par ces députés, et ce qui a été qualifié d’« innovation radicale » par l’académie nationale de médecine. Son but est de fournir à nos lecteurs des informations et quelques éléments de réflexion qui s’inscrivent dans l’équilibre décrit par ledit Raymond Aron.

Nombre de députés présents lors du vote à l’assemblée nationale : quel quorum ?

Sur un total de 577 députés, seulement 75 étaient présents lors du vote. C’est exactement le même nombre de présents que nous avions relevé lors du vote de la loi consacrant l’extension, cette fois, de l’obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins (lire notre article du 20 décembre 2017 intitulé : « De 3 à 11 vaccins obligatoires : lettre au Président de l’Assemblée nationale demandant la saisine du Conseil constitutionnel »).
Il semblerait même qu’une députée, opposée à cette extension, n’ait pu participer au vote. Car, elle serait arrivée en retard, après ledit vote.
Dans cet article du 20 décembre 2017, nous écrivions notamment ceci :
« Ce constat amène à soulever la question du quorum requis pour qu’une loi soit valablement adoptée par le Parlement auquel le Conseil constitutionnel a confié la protection de notre santé. Peut-on sérieusement considérer que 13% des députés pourrait prétendre constituer ledit « législateur » ? Cette loi serait-elle valablement votée alors même que 87% des députés auraient déserté l’Assemblée nationale ? Quelle est donc la définition de ce législateur ?
Le contrôle de constitutionnalité a priori qui pourrait être actionné par 60 députés semble exclu. Il est, en effet, difficilement imaginable de voir ces députés, absents au moment du vote, venir ensuite prendre part à la saisine du Conseil constitutionnel par voie d’action.
Cette situation prive les citoyens, ayant confié leurs voix à leurs représentants, d’une possibilité de recours effectif. Elle fait prendre le risque de voir le corpus juridique irrigué par une disposition inconstitutionnelle latente, notamment de fait.
Etc. »

Un premier argument de la ministre des solidarités et de la santé, Madame Agnès BUZYN

Dès hier, Madame la ministre des solidarités et de la santé a exprimé, dans un tweet, l’argument suivant : « Permettre à toutes les femmes d’accéder à la PMA, c’est possible grâce à la science ; c’est souhaitable pour notre société, pour la diversité des familles et de tout ce qu’elles ont à offrir ». Elle est contente : « Heureuse que l’Assemblée nationale vienne de voter en faveur de la PMA pour toutes ! ».
Avec cet argument, le techniquement possible deviendrait un droit exigible. En réalité, cet argument pourrait puiser sa source originelle dans la définition même de la santé telle qu’elle est retenue par l’OMS (organisation mondiale de la santé) en 1946 : « État de complet bien-être physique, psychologique et social » et non pas l’absence de maladie ou d’infirmité. Une telle définition est vue par certains comme une « sensation que le commun des mortels peut connaître brièvement pendant l’orgasme ou sous l’influence des drogues » (Petr SKRABANEK, La fin de la médecine à visage humain, Odile Jacob, 1995). Eu égard à cet « état de complet bien-être (…) social », le médecin ne pourrait plus rien refuser. La médecine deviendrait le serviteur d’un « désir » social. Elle ne serait plus uniquement un moyen censé traiter ou prévenir telle ou telle pathologie, telle que l’infertilité. D’autres exemples le démontrent bien avant l’ouverture de cette PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.
L’enfant deviendrait donc un produit accessible grâce à la « science ». Dès sa conception, cet « enfant sans père » n’aurait plus besoin de ce père. Il en serait donc privé dès l’origine.

Un deuxième argument de la ministre des solidarités et de la santé, Madame Agnès BUZYN

Selon la ministre des solidarités et de la santé, ce père « peut être une femme, évidemment ; ça peut être une altérité qui est trouvée ailleurs dans la famille, on le voit, ça peut être des oncles, ça peut être une grand-mère. Je crois que les enfants ont besoin d’amour, tout nous démontre aujourd’hui que ce qui compte c’est la sérénité et l’amour autour de l’enfant, et ça toutes les familles peuvent le garantir ».
On voudrait juste du sperme, mais pas du père.

Une non prise en compte des résultats de la consultation citoyenne lors des états généraux de la bioéthique

Lors des états généraux de la bioéthique, une forte proportion de citoyens a exprimé son hostilité à l’ouverture de cette PMA aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes célibataires : 90% ont dit « Non » à cette extension ; et 88% ont souligné l’importance du rôle du père pour un enfant.

Une déconsidération de l’avis de l’académie nationale de médecine

Le 18 septembre 2019, l’académie nationale de médecine a exprimé sa position officielle : « l’extension de l’AMP [assistance médicale à la procréation = PMA] aux couples de femmes et aux femmes seules relève davantage d’une loi sociétale (…) que de la loi de bioéthique (…) ». Elle souligne que « si l’invocation de l’égalité des droits de toute femme devant la procréation est compréhensible, il faut aussi au titre de la même égalité des droits tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère (…) Sur ce point, il y a donc une rupture volontaire d’égalité entre les enfants. A ce titre, la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant ». Elle ajoute que le « principe de précaution [est] si souvent évoqué pour des sujets d’importance moindre ». Selon cette académie, cette « disposition est contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, ratifiée par la France. Celle-ci mentionne le droit de l’enfant à connaître ses parents en insistant sur le « bien de l’enfant » comme sur son « intérêt supérieur » ». Elle estime « que, de plus en plus malmenée par les évolutions sociétales, la figure du père reste pourtant fondatrice pour la personnalité de l’enfant comme le rappellent des pédopsychiatres, pédiatres et psychologues qui demeurent dans leur majorité pour le moins réservés sur cette innovation radicale ». Elle conclut : « Dans tous les cas d’extension de l’AMP, on ne peut méconnaître la question de l’altérité et celle de la différence homme-femme ».

Une ignorance de l’avis de juristes

Ladite extension de la PMA pourrait fragiliser des principes fondamentaux tels que celui de l’indisponibilité du corps humain, la non patrimonialité du corps humain, la gratuité des dons, le principe d’égalité entre homme et femme. En droit interne, le Conseil d’État constate notamment que « le cadre juridique repose sur des dispositions législatives introduites par les trois lois de juillet 1994, révisées à deux reprises, qui ont dégagé ou réaffirmé des principes fondateurs. Il s’agit des principes de primauté de la personne humaine, de respect de l’être humain dès le commencement de la vie, de l’inviolabilité , de la non patrimonialité du corps humain ainsi que de l’intégrité de l’espèce humaine ». Le Conseil constitutionnel considère que ces principes « tendent à assurer le respect du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ». Mais, ces principes ne semblent pas avoir été élevés au rang constitutionnel. Des juristes ont alerté sur cette extension de la PMA. Par exemple, un professeur agrégé des facultés de droit, soutient notamment ce qui suit :
« Une minoration des obstacles juridiques » ;
« Une lecture « technicienne » du droit » ;
« « Une invocation » du modèle français bioéthique » ;
« Une ignorance des répercussions juridiques » ;
« Une nouvelle dégradation de l’ordre juridique » ;
« Un morcellement du droit bioéthique » ;
« Une fâcheuse impression de « bricolage » voire d’arbitraire politique » ;
« Il est difficile de comprendre les raisons obscures qui ont inspiré ce parti pris » ;
« Il ne manquera pas d’alimenter des accusations dénonçant le manque de transparence voire d’honnêteté des institutions publiques » ;
« Il contribuera pour l’avenir à éloigner un peu plus les citoyens des « décideurs » et de la classe politique et à les dissuader de participer à d’autres « consultations citoyennes » ;
« Ces sentiments négatifs ne peuvent qu’être confrontés par la lecture du second rapport du CCNE (comité consultatif national d’éthique) » ;
« Il risque d’en ressortir que la consultation populaire n’a servi à rien et que seul compte l’avis des « experts » ;
« Experts non dénués d’arrière-pensées politiciennes (…) CCNE qui (…) apparaît de plus en plus souvent divisé et risque de perdre sa crédibilité auprès de l’opinion » ;
« Elles oublient que les normes juridiques sont indissociables d’un contexte qui leur donne un sens et qui détermine leur portée » ;
« Faisant abstraction de l’histoire et de la cohérence des principes directeurs » ;
« Sont donc prises en compte comme évolutions sociétales » des pratiques illégales, sans fondement » ;
« Ce constat n’en fait que mieux ressortir que l’on essaie légitimement de protéger la nature dans l’intérêt de l’humanité et des générations futures mais que l’on est incapable d’assurer la protection directe de ces dernières contre les « apprentis sorciers » de tous ordres » ;
« En dissociant sexualité et procréation et en faisant de l’enfant le produit de technologies scientifiques n’ouvrait-on pas la voie à une revendication de procréation ? » ;
« Tel est d’ailleurs déjà le cas lorsqu’on tolère que des PMA et des GPA (gestation pour autrui) soient réalisées à l’étranger et que l’on en tire pourtant les conséquences en acceptant l’inscription des enfants ainsi conçus à l’état civil. Paradoxalement, l’intérêt supérieur de l’enfant efface la violation de la loi française alors qu’il semble insuffisant pour fonder l’interdiction de faire naître des enfants sans père » ;
« Peut-on considérer comme un équilibre satisfaisant le fait d’inciter tacitement ceux qui veulent enfreindre la loi pénale de le faire à l’étranger et de leur permettre d’obtenir en France ce que d’autres, plus respectueux de la loi ou moins fortunés, se voient interdire ? » ;
« Alors qu’au nom de la protection de l’environnement ou des consommateurs, on impose une « traçabilité » pour les animaux ou les produits végétaux, celle-ci n’aurait aucune portée pour les lignées humaines » ;
« En cas d’extension de la PMA, les enfants de femmes seules ou de couples de femmes seraient beaucoup plus enclins à rechercher leur père… » ;
« Un recours accru au diagnostic préimplantatoire pouvant déboucher sur un eugénisme au moins indirectement « organisé » par l’État » ;
« On n’échapperait plus à la « marchandisation » du corps humain. Une logique « sauvage » du marché est déjà omniprésente sur internet » ;
« Certains arguments fondés sur le désir d’enfant et le principe d’égalité en faveur de la PMA vaudraient aussi pour la GPA » ;
« L’enfant est soumis à un parcours fragmenté entre ses origines génétique, gestationnelle et sociale » ;
« On peut avoir le sentiment de nager en pleine hypocrisie » ;
« Il ne resterait plus que la catégorie des hommes seuls, ou en couple qui souffriraient d’une « discrimination » » ;
« Dès lors que l’on accepte de perpétuellement remettre en question des principes séculaires, voire millénaires, chaque palier franchi annonce le suivant dans ce qui serait une perpétuelle course au « progrès » où le possible devient l’exigible » ;
« Les débats sont aussi révélateurs » ;
« Etc. ».

Les arguments de la ministre des solidarités et de la santé, Madame Agnès BUZYN : transposables à la GPA (gestation pour autrui), à moins de manquer de logique

À l’avenir, certains pourraient se fonder sur les mêmes arguments, avancés publiquement par notamment la ministre des solidarités et de la santé (cf. ci-dessus), pour revendiquer leur « droit » à l’enfant :
« Permettre à [tous les hommes] d’accéder à la [GPA], c’est possible grâce à la science ; c’est souhaitable pour notre société, pour la diversité des familles et de tout ce qu’elles ont à offrir » ;
La mère « peut être [un homme], évidemment ; ça peut être une altérité qui est trouvée ailleurs dans la famille, on le voit, ça peut être des [tantes], ça peut être [un grand-père]. Je crois que les enfants ont besoin d’amour, tout nous démontre aujourd’hui que ce qui compte c’est la sérénité et l’amour autour de l’enfant, et ça toutes les familles peuvent le garantir ».
On voudrait juste louer l’utérus, mais sans la mère…

Le « désir » des adultes à avoir un enfant supplanterait alors le « droit de l’enfant » et son « intérêt supérieur ».

N.B. : Un incident, pour le moins surprenant, lors d’un vote d’un amendement par l’assemblée nationale.

Publiquement, des députés dénoncent le fait suivant : un amendement est « adopté » alors que la majorité des députés aurait voté « contre ». Leur demande de vérification est refusée par le président de cette assemblée.

Enfin, désormais, il reste à connaître notamment la position du Sénat.







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