lundi 9 juillet 2018

Enquête ANSM LÉVOTHYROX®. Un « effet indésirable : décès à domicile » non retenu par l’enquête : Question adressée au directeur général de l’ANSM


Cholet, le 9 juillet 2018


Monsieur Dominique MARTIN,
Directeur Général,
Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM),



Le « Communiqué » publié, le 6 juillet 2018, sur le site de l’ANSM et intitulé « L’ANSM publie les résultats des enquêtes nationales de pharmacovigilance sur les spécialités à base de lévothyroxine » nous transmet le « rapport finalisé le 04/07/2018 ».

En lisant rapidement ce rapport, le cas « Effet indésirable : décès à domicile » attire l’attention. Dans cette « Observation », il est affirmé notamment ceci (cf. page 18 dudit rapport) :

« La cause du décès est inconnue chez cette patiente de 61 ans. (…) La patiente ne prend plus de LÉVOTHYROX®NF [nouvelle formule] depuis le 9/10/2017, soit 15 jours avant le décès. (…)
Conclusion : Responsabilité de la prise de LÉVOTHYROX®NF non envisageable dans le décès car médicament interrompu 15 jours avant. (…) »

Cette justification interpelle.

En effet, et sauf erreur de ma part qu’il conviendrait alors de bien vouloir excuser, il est en général admis qu’il faudrait environ un temps avoisinant 5 demi-vie pour qu’un médicament soit presque totalement éliminé de l’organisme.

La « demi-vie de la lévothyroxine est de 6 à 7 jours. » (cf. Résumé des caractéristiques du produit (RCP), version du VIDAL® 2018)

Par conséquent, il faudrait environ 5 x (6 à 7 jours), soit 30 à 35 jours pour que la lévothyroxine soit presque totalement éliminée de l’organisme.

C’est ainsi que le délai de « 15 jours avant », avancé comme argument pour ne pas envisager la responsabilité de la prise de LÉVOTHYROX®NF dans ce décès, m’est incompréhensible.

Vous serait-il possible de m’éclairer sur ce point ?



En vous remerciant,

Bien cordialement,

Docteur Amine UMLIL
Pharmacien des hôpitaux, praticien hospitalier
Unité de pharmacovigilance
Coordination des vigilances sanitaires
CTIAP (centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques) : http://ctiapchcholet.blogspot.com/
Centre hospitalier de Cholet
1, rue Marengo
49325 CHOLET Cedex








dimanche 8 juillet 2018

Pharmacovigilance : des pratiques qui menacent l’efficience du système d’alerte sanitaire et donc la sécurité des patients


Quatre exemples, non exhaustifs, appellent à s’interroger, de façon urgente, sur l’efficacité, voire l’efficience, du système d’alerte dans le domaine du Médicament. Ce processus nous semble menacé. Et par conséquent, c’est la sécurité des patients qui pourrait être compromise. D’où cette nouvelle alerte.

Ces exemples traitent les cas suivants :

1)  1er juillet 2018 : « Plus de 80 000 cas suspectés d’effets indésirables concernant 19 médicaments » non transmis aux agences du médicament. « Firmes pharmaceutiques : impunité organisée »

2)  6 juillet 2018 : Des patients « obligés » de continuer à prendre un médicament à base de valsartan, malgré la présence d’une « impureté probablement cancérogène chez l’homme »

3)  9 avril 2018 : Plusieurs vaccins « défectueux » non retirés du marché

4)  Dans un hôpital public aussi : « impunité organisée »


Exemple n°1

1er juillet 2018 : « Plus de 80 000 cas suspectés d’effets indésirables concernant 19 médicaments » non transmis aux agences du médicament. « Firmes pharmaceutiques : impunité organisée »

En ce début du mois de juillet 2018, la revue Prescrire publie un article sous le titre « Firmes pharmaceutiques : impunité organisée ». Cet article nous informe qu’une « inspection menée en 2012 » a révélé « que la firme Roche n’avait pas analysé ni transmis aux agences du médicament plus de 80 000 cas suspectés d’effets indésirables concernant 19 médicaments. »

Pour avoir adopté une « attitude humble et repentante », la firme a « cherché, avec succès » l’obtention de « la clémence des autorités européennes ». Les poursuites « s’arrêtent donc ». La firme « n’aura pas à payer les près de 700 millions de dollars d’amende en jeu ».

Exemple n°2

6 juillet 2018 : Des patients « obligés » de continuer à prendre un médicament à base de valsartan, malgré la présence d’une « impureté probablement cancérogène chez l’homme »

Le 6 juillet 2018, l’ANSM publie un « point d’information » sur son site sous le titre « Rappel de certains médicaments à base de valsartan ». Ce médicament, le valsartan, est « utilisé dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, dans l’hypertension artérielle et en post infarctus du myocarde récent ». Le nombre de personnes concernées pourrait donc être conséquent.

L’ANSM parle de « Rappel » et dans le même temps, elle ordonne aux patients concernés de ne pas rapporter leurs médicaments défectueux à la pharmacie en vue d’un échange : « Pour autant, les patients traités par ces spécialités ne doivent pas arrêter d’eux-mêmes leur traitement ni rapporter leur boîtes à la pharmacie. » Et alors même que « des spécialités à base de valsartan non concernées par ce défaut » existent. Pourtant, l’ANSM indique la raison de ce retrait de lots défectueux :

Il s’agit d’un « (…) défaut qualité affectant certaines spécialités à base de valsartan et de valsartan/hydrochlorothiazide. Il s’agit d’une impureté retrouvée dans la substance active fabriquée par la société chinoise Zhejiang Huahai Pharmaceuticals. Cette impureté est la N-nitrosodiméthylamine (NDMA), substance classée comme probablement cancérogène chez l’homme (…). »

L’ANSM renvoie les patients vers leur médecin ou leur pharmacien : « Pour toute question, les patients peuvent se rapprocher de leur médecin ou de leur pharmacien. » Mais, comment ce médecin ou ce pharmacien pourrait-il expliquer à son patient qu’il pourrait continuer à prendre un médicament contenant une impureté « probablement cancérogène chez l’homme » ? L’ANSM est priée de nous indiquer l’explication à fournir aux patients pour les convaincre de continuer à prendre ce produit malgré son caractère potentiellement nuisible.

Comment convaincre ces femmes et ces hommes alors que l’ANSM nous précise que « les productions de la substance active de cette société ont été arrêtées et les spécialités contenant cette substance active commercialisées en France ont été placées en quarantaine par les laboratoires fin juin 2018 » ; que « les États Membres de l’Union Européenne ont décidé collectivement et de manière concertée un rappel des lots des spécialités impactées par ce défaut sur l’ensemble du territoire européen » ; et que « les laboratoires, en accord avec l’ANSM, procèdent aujourd’hui au rappel auprès des officines, grossistes-répartiteurs et pharmacies hospitalières françaises des spécialités potentiellement affectées par ce défaut » ?

Dans ce point d’information, l’ANSM nous indique qu’« il n’existe pas de risque aigu pour le patient ». Mais, en aucun moment, elle ne cite le mot : risque « chronique ». Un risque chronique se produit lors d’une utilisation notamment prolongée d’un médicament. Or, le valsartan est utilisé dans des pathologies chroniques. Ce caractère probablement cancérogène serait-il ce risque « chronique » encouru ? Serait-ce le seul ?

Une autre question jaillit. L’évaluation du risque, notamment « chronique », nécessite la connaissance de la durée du traitement pris par un patient. Or, la date exacte de commercialisation de ces lots défectueux, contaminés par ladite impureté probablement cancérogène chez l’Homme, n’est pas communiquée par ce point d’information de l’ANSM.

À l’Étranger, prenons l’exemple du Maroc. Dans un communiqué de presse du même jour, soit le 6 juillet 2018, le Ministère de la Santé rappelle les lots défectueux en donnant un autre conseil aux patients : « Recommandations pour les patients : « (…) Si vous utilisez l’un des médicaments cités ci-dessus, il est important de consulter votre médecin pour le remplacer par un autre médicament à base de valsartan d’une source différente ou par un traitement alternatif. Il est important de ne pas interrompre votre traitement. Si vous avez des questions au sujet de votre traitement, parlez-en à votre pharmacien ou à votre médecin. » !

Prenons un autre exemple. En appliquant le principe de précaution, L’Espagne va dans le même sens que le Maroc. Dès le 5 juillet 2018, l’Agence espagnole des médicaments donne les recommandations suivantes aux patients : « Si usted está utilizando alguno de los medicamentos incluidos en el Anexo, no interrumpa el tratamiento y acuda a su médico para la sustitución del medicamento que están tomando por otro con la misma composición que no esté afectado por este defecto de calidad. » Elle donne des recommandations aux médecins : « Deben revisar los tratamientos en curso y en el caso de tener pacientes en tratamiento con alguna de las presentaciones afectadas sustituirla por otro medicamento con la misma composición que no esté afectado. (…) ». Elle donne des recommandations aux pharmaciens : « Ante una prescripción de una de las presentaciones afectadas, indiquen al paciente que no interrumpa el tratamiento y acuda al médico para que le prescriba uno de los medicamentos no afectados. »

L’Espagne, le Maroc seraient-ils plus prudents que la France ?

Exemple n°3

9 avril 2018 : Plusieurs vaccins « défectueux » non retirés du marché

Au mois d’avril 2018, l’ANSM constate la « défectuosité » de plusieurs vaccins. Elle décrit les risques encourus par la population. Mais, elle décide de ne pas retirer ces lots défectueux alors même que, là encore, des lots conformes sont disponibles. Elle a décidé d’écouler les stocks de ces produits défectueux jusqu’à la date prévue (fin 2019). Par ailleurs, elle tente de transférer la responsabilité de la décision sur les professionnels de santé. (Lire notre alerte publiée le 1er juillet 2018)

Notre alerte a été reprise par Ouest-France dans sa première page « France » (nationale), version papier du 4 juillet 2018. La version internet, du 3 juillet 2018, est disponible.

Exemple n°4

Dans un hôpital public aussi : « impunité organisée »

L’exemple d’un établissement public de santé mérite d’être cité. Un système organisé prive le responsable de la pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires d’accéder aux fiches de signalements des événements indésirables liés au circuit du médicament. Les auteurs de ces obstacles ont été investis de grandes responsabilités.

La revue Prescrire, qui dénonce l’« impunité organisée » des « firmes pharmaceutiques » serait, pour le moins, étonnée d’apprendre que depuis plusieurs années, un système organisé dans un hôpital interdit au responsable de la pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires d’accéder à une copie des fiches d’incidents signalant des événements indésirables observés lors de l’administration des médicaments à des patients hospitalisés notamment. Ces signalements sont effectués par des soignants auprès de la sous-direction chargée de la Qualité.

Au sein de cet hôpital, les auteurs de ce système diffusent des informations, écrites, en décalage avec les dispositions légales et réglementaires en vigueur dans le domaine de la pharmacovigilance.

Par exemple, en 2011, une personne diffuse publiquement, et y compris lors d’une séance de la commission médicale d’établissement, la fausse information suivante : « l’erreur médicamenteuse est distincte de la pharmacovigilance qui s’intéresse aux événements inévitables et fait l’objet de déclarations séparées. » Cette affirmation inexacte vient ainsi anéantir les actions menées dans cet établissement en matière de pharmacovigilance. Elle passe outre la procédure approuvée, de longue date, par l’établissement lui-même. Cette contre-vérité est clairement contredite par notamment les quatre arguments suivants :

1)  L’article R.5121-151 du code de la santé publique : « La pharmacovigilance comporte le signalement des effets indésirables suspectés d’être dus à un médicament ou à un produit mentionné à l’article R.5121-150, y compris en cas de surdosage, de mésusage, d’abus et d’erreur médicamenteuse tels que définis à l’article R.5121-152, ainsi que la surveillance des effets indésirables liés à une exposition professionnelle et le recueil des informations les concernant. Pour les médicaments faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché ou d’un enregistrement, cela s’entend dans les cas d’utilisation conforme ou non conforme aux termes de cette autorisation ou de cet enregistrement ; le recueil, l’enregistrement, l’évaluation et l’exploitation de ces informations dans un but de prévention ou de réduction des risques et au besoin pour prendre des mesures appropriées. (…) » ;

2)  Les Bonnes pratiques de pharmacovigilance que le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est venu rappeler dans sa « Décision du 2 février 2018 » ;

3)  L’Ordre national des pharmaciens. En effet, dans une production datant de juin 2017 et intitulée « La responsabilité du pharmacien : de la fabrication du médicament à sa dispensation, agir dans l’intérêt du patient », l’Ordre professionnel rappelle « l’attitude » à adopter « face aux événements indésirables » :

« Quid de l’attitude des professionnels – et donc du pharmacien – face aux erreurs et événements indésirables ? L’article 9 [de l’arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé] énonce que « toute personne impliquée directement ou indirectement dans la prise en charge médicamenteuse est tenue de déclarer les événements indésirables, erreurs médicamenteuses ou dysfonctionnements liés à la prise en charge médicamenteuse ». Il est, d’autre part, indiqué dans l’article que la direction de l’établissement met en place une organisation chargée d’analyser les causes des événements déclarés et de proposer, pour chaque déclaration analysée, des actions d’amélioration afin d’accroître la sécurité. Toutefois, cette « déclaration interne » qui s’inscrit dans le cadre du système d’assurance qualité de l’établissement n’exonère pas les professionnels de santé de leurs obligations déclaratives en matière de pharmacovigilance. »

4)  Le procès-verbal de la commission médicale d’établissement du 28 septembre 2017 : « (…) la notification des cas observés dans le cadre du mésusage et de l’erreur médicamenteuse notamment. »

En mars 2018, ces freins dressés contre la pharmacovigilance sont toujours d’actualité. Un écrit diffusé informe les membres de la commission du médicament, ainsi que les autres médecins et pharmaciens, de la date et de l’ordre du jour de la réunion programmée en avril 2018. C’est ainsi que le responsable de la pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires, qui n’est plus invité à cette commission, découvre l’existence d’un « bilan événement indésirable médicamenteux 2017 ». Or, ces « événements » indésirables médicamenteux n’ont jamais été transmis à ce responsable de la pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires. À nouveau, ce dernier demande une copie de l’intégralité des fiches signalant ces événements indésirables. Demande refusée.

Ce responsable de la pharmacovigilance et de la coordination des vigilances sanitaires espère alors pouvoir récupérer au moins ledit « bilan événement indésirable médicamenteux 2017 » présenté lors de cette séance de la commission du médicament du mois d’avril 2018. Il attend donc le compte-rendu habituellement diffusé. Il le demande. Mais, les auteurs de ces obstacles innovent : le compte-rendu de cette séance est finalement diffusé, mais sans le point correspondant à ce « bilan événement indésirable médicamenteux 2017 » ; et alors même que ce compte-rendu indique ce point dans la page relative à l’ordre du jour.

En 2010, pour entraver la déclaration en pharmacovigilance d’un effet indésirable grave, une autre personne a même osé remettre en cause, et par écrit, la définition même d’un effet indésirable.

Pendant toutes ces années, ce responsable de la pharmacovigilance n’a cessé d’alerter les organes compétents au sein de l’établissement ainsi que les autorités ad hoc extérieures à l’hôpital. En vain !

La nouvelle direction avait pourtant tenté de lever ces obstacles. En effet, en 2013, ce responsable de la pharmacovigilance a été informé : « (…) il est prévu que vous soyez destinataire de toutes les fiches ayant trait avec le médicament (…) ». Une décision qui n'a pas été respectée.

Mais, le directeur, lui-même, semble se heurter à de « fortes oppositions ».

Ces résistances croient pouvoir continuer à prospérer en détournant le système légal de la pharmacovigilance nationale. Les données de la pharmacovigilance sont pourtant essentielles à l’amélioration de la connaissance du rapport bénéfice/risque des médicaments.

Contrairement à la firme Roche, aucune procédure ne semble avoir été engagée contre les auteurs de ces agissements. Bien au contraire, ils ont été promus « chef de service », « vice-président de la commission médicale d’établissement », « coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins », « directeur qualité », « membre du directoire », etc.

La firme pharmaceutique, au moins elle, reconnaît sa faute.

Conclusion

Comme l’écrit la revue Prescrire en ce début du mois de juillet 2018 : « On mesure ici toutes ses insuffisances et l’impuissance délibérée des autorités de régulation ».

Après, certains s’étonnent des raisons de la méfiance de la population envers lesdites autorités de régulation.








dimanche 1 juillet 2018

ALERTE. Plusieurs vaccins « défectueux » non retirés du marché


Vendredi 29 juin 2018, je découvre une étonnante « lettre » que le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) aurait adressée « aux professionnels de santé ». Ce courrier, daté du 5 avril 2018 et envoyé sous « l’autorité de » l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), nous informe « de la présence de fuites au niveau des seringues de plusieurs vaccins ».

Cette lettre indique que « le risque potentiel » associé à ces fuites « serait, en théorie, un sous dosage, laissant les sujets insuffisamment protégés contre la maladie après immunisation ».

Donc, des personnes se pensant protégées pourraient ne pas l’être complètement. Espérons qu’elles n’aient pas baissé leur vigilance en négligeant les éventuelles autres mesures de précaution et de prudence.

Plusieurs vaccins sont concernés par ce défaut de qualité : « Boostrix Tetra, Infanrix Quinta, Infanrix Hexa, Fendrix et tous les vaccins de la gamme Havrix, Engerix, Twinrix. »

Cette lettre précise : « Information transmise sous l’autorité de l’ANSM » aux « médecins généralistes, pédiatres, pharmaciens officinaux et hospitaliers, centres de Protection Maternelle et Infantile, centres de vaccination, service de santé des Armées, Services Départementaux d’Incendie et de Secours ».

Cette lettre informe que « depuis juillet 2015 », le laboratoire GSK « a constaté une augmentation du taux de notification » de ces fuites « lors de la fixation de l’aiguille sur l’embout céramique de la seringue ». Ces fuites se sont produites « pendant les phases de préparation ou d’administration » des vaccins concernés.

Ce courrier nous affirme que ces « fuites ne posent pas de problème pour la stérilité du produit ». Sans aucune précision supplémentaire sur ce point.

Cette même lettre indique qu’en « Europe, le taux de survenue » de ces fuites « est faible (2,6 pour 100 000 doses distribuées, allant de 2 à 10 pour 100 000 doses pour les 5 pays ayant rapporté le plus d’incidents) ». Mais, immédiatement après, cette lettre nous informe qu’en réalité, la « fréquence exacte des fuites n’est pas connue et pourrait être plus élevée ».

Au lieu d’ordonner le rappel de tous ces lots de vaccins « défectueux », il a été décidé de poursuivre leur commercialisation jusqu’à épuisement des stocks ; et alors même que des nouvelles seringues, conformes, sont disponibles : « Les nouvelles seringues et les seringues actuelles seront commercialisées concomitamment jusqu’à la fin 2019, date à laquelle les seringues actuelles devraient être épuisées. »

Pis encore, cette lettre nous fait part des « recommandations » qui auraient été « élaborées par des experts de la Commission technique des vaccinations (HAS) [haute autorité de santé] en lien avec l’ANSM. » Pour résumer, ces « recommandations » nous invitent à apprécier l’importance de la fuite à l’œil nu. Ce qui reviendrait à dire que, désormais, la vaccination à la louche serait permise.

Et, ce n’est pas fini.

En effet, en fonction de la taille estimée à l’œil nu de la goutte perdue, le professionnel de santé devrait décider d’administrer, ou non, une nouvelle dose : « Si la fuite de produit est plus importante (figure 1B) ou si une goutte tombe, il est recommandé au professionnel de santé d’administrer une nouvelle dose, le même jour. Si l’administration ne peut pas se faire le même jour, il est recommandé de décaler la nouvelle injection de 3 semaines, afin que cette ré-administration soit efficace. »

Une question : qui prendra en charge cette deuxième consultation en vue d’une nouvelle injection ? En espérant que cette deuxième nouvelle injection aura la chance de croiser une seringue non défectueuse…

Après le risque de sous-dosage ci-dessus évoqué, cette lettre nous alerte sur un « potentiel surdosage » lié, cette fois, à la décision de « revaccination » par ladite deuxième injection.

Bien entendu, cette lettre, validée par l’ANSM, fait peser la responsabilité de cette revaccination sur les professionnels de santé tout en les mettant dans une situation qui ne leur permet nullement d’apprécier, objectivement, le bien-fondé d’une telle revaccination : « La décision d’administrer une nouvelle dose sera prise par le professionnel de santé en considérant d’une part, le rapport bénéfice/risque de l’administration d’une dose supplémentaire, et d’autre part le risque potentiel d’une protection insuffisante si le sujet n’est pas revacciné. »

Je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé, durant tout mon parcours hospitalo-universitaire, le chemin d’une pareille « Lettre aux professionnels de santé ». Et, c’est peu dire…

Par conséquent, le CTIAP entend alerter tout en rappelant la démarche ad hoc qui aurait dû s’appliquer en pareilles circonstances.

La démarche ad hoc qui aurait dû s’appliquer après un tel constat de ce défaut de qualité de ces vaccins

Le CTIAP souhaite notamment :

-     Le retrait, sans délai, de ces lots de vaccins défectueux ;

-     La communication aux professionnels de santé et au grand public des numéros de lots défectueux de ces vaccins ; ainsi que la date exacte du premier signalement alertant sur ce défaut de qualité de ces seringues ;

-     Cette communication permettra d’informer la (les) population(s) ; les personnes concernées pourront alors s’interroger en vérifiant leur statut vaccinal et son efficacité ;

-     Connaître les raisons qui n’auraient pas permis d’alerter les professionnels de santé avant ce 5 avril 2018 ; dans la mesure où ce défaut de qualité était connu depuis au moins « 2015 ».





Pièce jointe : Ladite « Lettre aux professionnels de santé » du 5 avril 2018 publiée, le 9 avril 2018, sur le site de l’ANSM : « Boostrix Tetra, Infanrix Quinta, Infanrix Hexa, Fendrix et tous les vaccins de la gamme Havrix, Engerix, Twinrix : Fuites de seringues »