dimanche 4 décembre 2016

Déclaration des « événements indésirables graves associés à des soins » (EIGAS) : commentaire suite au décret n°2016-1606 du 25 novembre 2016


Le récent décret, publié le 27 novembre 2016, est ainsi intitulé : « Décret n°2016-1606 du 25 novembre 2016 relatif à la déclaration des événements indésirables graves associés à des soins et aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients ». Ce décret est pris en application de l’article 161 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Ce texte soulève plusieurs interrogations :

Un titre confus à l’origine d’un lapsus

Le titre du décret pourrait laisser penser que les « événements indésirables graves » ne sont pas uniquement associés à « des soins ». Ils seraient également associés « aux structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients ».

Le terme « associé » et lien de causalité

A priori, le choix du terme « associé » ne serait pas anodin. Il ne présumerait d’aucun lien de causalité qui pourrait « lier » l’événement indésirable grave aux soins.

Une déclaration à l’agence régionale de santé (ARS) puis à la haute autorité de santé (HAS)

Ces « événements indésirables graves associés à des soins » (EIGAS) doivent être déclarés au « directeur général » de l’agence régionale de santé (ARS) par notamment « tout professionnel de santé » ou « tout représentant légal d’établissement de santé, d’établissement ou de service médico-social ». Cette déclaration se fait en deux parties : une première sans délai ; et une seconde (complémentaire) dans les trois mois. La voie électronique est prévue.

À son tour, Le directeur général de l’ARS transmet cette déclaration à la haute autorité de santé (HAS). Cette dernière élabore un rapport annuel qui sera envoyé au ministre chargé de la santé. Ce rapport sera rendu public.

Une définition de l’EIGAS exigeant deux critères cumulatifs

Cette définition, créée par l’article R.1413-67 du code de la santé publique, exige deux critères cumulatifs pour pouvoir identifier un EIGAS :

1.  Il faut que cet EIGAS soit un événement « inattendu » ;

2.  Il faut que cet EIGAS ait les « conséquences » suivantes : « décès », « mise en jeu du pronostic vital » ; « survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent y compris une anomalie ou une malformation congénitale ».

L’absence de l’un de ces deux critères exclurait donc l’existence d’un EIGAS.

Le terme « conséquences » retenu par la définition de l’EIGAS et lien de causalité

Un EIGAS est « un événement inattendu (…) et dont les conséquences sont le décès (…) ». Cette définition établirait-elle une présomption simple d’un lien de causalité entre l’événement inattendu et ses conséquences ?

La consécration implicite d’une routine : « pas de morts, pas d’actions » ou l’acceptation des systèmes latents d’erreurs graves

Il faudrait donc lesdites « conséquences » (décès, mise en jeu du pronostic vital, séquelles) pour pouvoir actionner le signalement voulu par ce décret. Or, un événement peut être grave sans nécessairement entraîner de telles conséquences dramatiques : par exemple, une erreur grave interceptée à temps telle que celle d’une dose toxique ou celle de l’oubli de l’administration d’un traitement. Même en l’absence de ces conséquences, l’erreur doit interroger l’organisation.

Dans les secteurs de l’aviation, de l’aérospatial, de l’aéronautique, du nucléaire, etc., il faudrait espérer qu’une erreur grave, même sans conséquence, conduit, obligatoirement et sans délai, à l’identification d’un sérieux dysfonctionnement du système et à la mise en place, de façon effective, d’actions correctives et préventives.

L’admission des mesures correctives « envisagées » : autant dire l’inertie

Dès la première page du décret, il est facilement lisible qu’après la déclaration de ces EIGAS, les mesures « correctives » simplement « envisagées » sont acceptées. Avec un tel niveau d’exigence, l’inertie risque de l’emporter.

Une définition de l’EIGAS : une quasi-copie de la définition livrée par la pharmacovigilance mais excluant les critères de l’« hospitalisation » et de la « prolongation de l’hospitalisation »

En pharmacovigilance, l’article R.5121-152 du code de la santé publique, lui, définit « l’effet indésirable grave », associé à un ou plusieurs médicaments, comme étant un effet indésirable « létal », ou susceptible de « mettre la vie en danger », ou entraînant une « invalidité ou une incapacité importantes ou durables », ou « provoquant ou prolongeant une hospitalisation », ou se manifestant par une « anomalie ou une malformation congénitale ».

Le décret semble s’inspirer de cette définition en lui ôtant simplement les deux critères de l’« hospitalisation » et de la « prolongation de l’hospitalisation ».

Une définition imprécise de l’un des éléments constitutifs de l’EIGAS : l’introduction d’un zeste de subjectivité, d’incertitude et d’arbitraire ; le témoin de l’absence d’un référentiel ad hoc

Comme développé ci-dessus, l’événement « inattendu » constitue la moitié de la définition de l’EIGAS. Or, le décret reste muet sur ce critère. Son contenu n’est pas précisé : qu’est-ce qu’un événement « inattendu » ? inattendu par qui : le directeur, le médecin, le pharmacien, le préparateur en pharmacie, l’infirmier, l’informaticien, le service du transport, le service d’entretien, le service technique, etc. ? Autant d’intervenants ne peut que générer une divergence d’interprétations. Cette imprécision témoigne de l’absence d’un référentiel adéquat.

En pharmacovigilance, ce critère d’« inattendu » est bien défini, à l’article R.5121-152 du code de la santé publique, de façon objective : « un effet indésirable dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne correspondent pas aux informations contenues dans le résumé des caractéristiques du produit mentionné à l’article R.5121-21. » Ce résumé des caractéristiques du produit est notamment la fiche contenue dans le dictionnaire, non exhaustif, des médicaments : le VIDAL®.

Comment identifier donc un EIGAS « inattendu » ? Cette question en suspens injecte de la subjectivité lors de l’appréciation d’un tel EIGAS. Elle ouvre le champ à l’incertitude et à l’arbitraire.

L’inclusion de l’événement indésirable grave « médicamenteux » dans ce panel global de l’EIGAS : un même effet générant plusieurs déclarations ; des doublons ; confusion avec la pharmacovigilance notamment ; des interfaces à éclaircir

Comme démontré ci-dessus, les critères déclenchant une déclaration en pharmacovigilance, d’un événement indésirable grave (EIG) présumé d’origine médicamenteuse, sont donc plus précis (l’événement inattendu est défini) et couvrent un champ plus large (n’excluant pas les critères de l’hospitalisation et de sa prolongation).

Le décret génère donc des doublons dans le système d’alertes. Un professionnel de santé devrait-il passer son temps à déclarer, le même événement, dans plusieurs directions ?

Pourquoi ne pas prévoir des liens, des ponts, entre les organes chargés de recueillir telle ou telle déclaration relative aux différentes vigilances sanitaires réglementaires déjà existantes ? D’ailleurs, le décret ne méconnaît pas ces dernières puisqu’il précise dans son article R.1413-68 ceci : « sans préjudice des déclarations obligatoires prévues aux articles R.1123-38 [recherche biomédicale], R.1211-46 [article abrogé par décret n°2016-1622 du 29 novembre 2016] [Biovigilance], R.1221-49 [Hémovigilance et sécurité transfusionnelle], R.1333-109 [Rayonnements ionisants], R.1341-12 [Toxicovigilance], R.5121-161 [Pharmacovigilance], R.5212-14 [Matériovigilance], R.5222-12 [Réactovigilance] et R.6111-12 [Infections nosocomiales] ainsi que de la déclaration à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé des événements indésirables liés à un produit mentionné à l’article L.5311-1. »

Les interfaces entre ce nouveau système déclaratif, créé par ce décret, et les vigilances sanitaires réglementaires déjà existantes appellent un éclaircissement du contenu et des contours.

Un constat : l’ignorance de l’« identitovigilance »

Relevons un constat : l’« identitovigilance » ne semble toujours pas faire partie des vigilances sanitaires réglementaires alors que les erreurs d’identité des patients peuvent générer des conséquences graves voire mortelles.

Une tendance à inverser l’économie générale de la gestion des risques et à pervertir le système qualité ad hoc

 Le signalement d’un événement indésirable n’a de sens que dans le cadre d’un processus déjà sécurisé visant à minimiser l’erreur évitable. Dans ce cas, ce signalement trouve un réel intérêt :

1.  Il permet d’identifier rapidement un décalage, un dérapage, dans l’une des étapes du processus sécurisé ;

2.  Il aide au repérage des failles qui n’auraient pas été identifiées lors de cette sécurisation : des dysfonctionnements qui se sont révélés lors de la pratique. Ce n’est pas un hasard si un nouvel avion fait l’objet de nombreux essais lors d’une phase préalable à toute mise en circulation.

Mais, un système déclaratif qui voit le jour sur le chantier d’un circuit désordonné ne peut que générer des perturbations supplémentaires. Le signalement d’un EIGAS ne saurait constituer, à lui seul et à titre principal, le moyen de sécurisation. En pareilles circonstances, il ne servirait qu’à alimenter et entretenir des fonctions parasites et à s’éloigner davantage des fondamentaux requis, par la réglementation en tout premier lieu. Il générera une dispersion des moyens. Il aboutira à l’établissement de nouveaux rapports qui viendront rejoindre une pile déjà significative de documents émanant notamment de ce qui serait devenu la mode des états des lieux, des audits, des indicateurs incompréhensibles, des statistiques, etc.

Quel est donc l’intérêt, pour le patient notamment, d’un signalement lorsque le processus n’est pas encore sécurisé ? A contrario, quel est l’intérêt de ce signalement quand l’erreur est purement humaine alors que le circuit est bien sécurisé ?

L’exemple de l’un des processus les plus meurtriers (environ 18.000 morts par an) : le circuit du médicament
Si l’on ne prend que l’exemple des soins médicamenteux qui pourrait prétendre au statut du processus le plus dangereux, ce processus (le circuit du médicament) n’est toujours pas sécurisé dans certains (peut-être la quasi-majorité des) établissements de santé (publics et privés). En effet, cette sécurisation ne sera atteinte, ou plutôt approchée, que lorsque l’obligation, dictée depuis au moins 1991, sera mise en œuvre de façon effective et rigoureuse. Cette mesure est la dispensation à délivrance nominative prévue par l’articleR.4235-48 (ancien article R.5015-48) du code de la santé publique : elle prévoit notamment la préparation des traitements, de chaque patient, par les pharmacies des établissements de santé.
Une préparation des traitements, de chaque patient, par les pharmacies : un abaissement du risque d’erreur de 25%-45% à 2%-7%
Dès 2004, on pouvait lire notamment ce qui suit :
« Si le standard correct était mis en œuvre (…) [c’est-à-dire le standard exigé par la réglementation depuis au moins 1991], on estime que le taux d’erreurs relatives au médicament, erreurs de moment d’administration exclues, serait de l’ordre de 2% à 7% des doses administrées ; alors qu’en distribution globale des médicaments par les pharmacies aux services hospitaliers, c’est-à-dire le système majoritaire dans les établissements de santé français, ce taux varie entre 25% et 45% des doses administrées. » (Revue Prescrire, « Iatrogénèse. Effets indésirables médicamenteux : à la recherche de l’évitable », mars 2004, Tome 24, n°248, page : 227 »
L’indispensable contrôle infirmier : une obligation absolue constituant un double contrôle ; à ne pas négliger sous aucun motif
Lorsque le standard pharmaceutique est valablement appliqué, le risque d’erreurs subsiste. Et c’est pour cette raison que cette même réglementation a rendu également obligatoire le contrôle infirmier. Situé au bout du processus, juste avant l’administration du médicament, ce contrôle ne peut être zappé sous aucun motif. C’est la dernière barrière de sécurité comme cela est modélisé depuis longue date. La pharmacie ne peut « contrôler elle-même » les médicaments qu’elle prépare. Puisque la tâche de préparation est fastidieuse et abrutissante par la répétition du geste et par le volume conséquent des médicaments à préparer (quasiment à la chaîne).
L’irréductible facteur humain : l’illusion d’un risque zéro même en cas d’informatisation, de robotisation…
Il est temps d’expliquer à toute personne, à tout patient potentiel, que le risque zéro n’existe pas. Que dès lors qu’il met un pied dans un établissement de santé, il prend, paradoxalement mais réellement, un risque irréductible associé aux soins.
Il est, par exemple, vain et illusoire de vouloir faire croire que l’informatisation et la robotisation des processus permettraient de supprimer le risque d’erreur. Car, c’est toujours l’Homme qui programme l’ordinateur, alimente le robot et gère l’environnement de ces machines. Pis encore, cette informatisation et robotisation pourraient même aggraver la situation initiale. La robotisation, par exemple, revient à se substituer à l’industrie pharmaceutique et à s’imposer les normes de production de qualité industrielle. Une chimère dans un établissement de santé français.
Le signalement : le voile d’un système d’erreurs graves et latentes
Dans un tel contexte (un circuit du médicament ne respectant pas la réglementation déjà existante), le signalement n’a aucun intérêt pour le patient notamment. Il n’aurait pour effet que de dessiner une image sécurisante mais trompeuse. L’analyse « des causes immédiates et des causes profondes » exigée par ce décret aboutira, à coup sûr, aux mêmes conclusions ; et « les actions correctives » voulues par ce décret reviendront toujours aux mêmes sources : appliquer le standard voulu par le législateur.

De nouvelles structures régionales « d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients » dotées de la personnalité morale : l’épaississement des mille-feuilles administratives aspirant des compétences internes

Le décret prévoit la mise en place, sous l’égide des agences régionales de santé (ARS), de nouvelles « structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients ».

Selon ce texte, cette structure « apporte (…) une expertise médicale, technique et scientifique aux établissements de santé (…) ».

Ce qui soulève une question : de quoi sont composés alors lesdits établissements de santé ?

Un établissement de santé ne possède-t-il pas déjà, en son sein, ladite « expertise médicale, technique et scientifique » ?

Quels seront les membres de cette nouvelle structure régionale ? Celle-ci va-t-elle aspirer et puiser, et ainsi disperser, les compétences internes aux établissements de santé ?

La Qualité ne se décrète pas. Elle est un ingrédient intrinsèque à chacun des gestes quotidiens que tout professionnel de santé est amené à effectuer dans l’intérêt du patient, notamment. Elle n’est pas une tâche supplémentaire à effectuer. Elle se confond avec le geste.

Le secret médical, la gestion des plaintes, la dimension pénale : le silence du texte

Le décret prévoit « la mention de l’information du patient et, le cas échéant, de sa famille, de ses proches ou de la personne de confiance qu’il a désignée ». Autant dire que le risque pénal est sérieux.

On ne voit pas très bien comment les « conditions qui garantissent l’anonymat du ou des patients et des professionnels concernés » pourraient résister à ce risque pénal.

Le décret n’aborde pas non plus la question relative à la gestion des plaintes éventuelles.

Conflit entre le système qualité et la dimension pénale : la question d’une charte de non-punition

Un système qualité ad hoc fait du signalement un moyen d’amélioration des pratiques en permettant le repérage des dysfonctionnements. Et, il garantit la non-punition de la personne à l’origine de l’erreur.

Suite à ce signalement des EIGAS, stigmatiser une personne qui a commis une erreur reviendrait à anéantir ce système d’alerte.

Or, le volet pénal ne semble pas prendre en considération une telle approche.

Le décret reste silencieux sur ce point. Une charte de non-punition serait-elle prévue ? Car la punition est, dans une certaine limite, contraire au but poursuivi par le système qualité. Et qu’en est-il de la distinction entre l’erreur et la faute ?

Toutefois, apprendre par l’erreur ne consiste pas à encourager la négligence, l’imprudence et l’incompétence.

Le signalement administratif parfois détourné, en pratique, à des fins de « délation » et de « règlement de compte »

Dans la pratique, il a déjà été constaté qu’un système administratif de signalement peut être utilisé à des fins étrangères au but poursuivi par le système qualité : « délation », « règlement de compte », « moyen de pressions », « chantage », etc.

Le décret n’apporte pas de garanties permettant l’éviction d’un tel détournement.

L’évaluation de l’exhaustivité des signalements des EIGAS

Le signalement de nature spontanée a déjà montré ses limites. Les causes de la sous-notification sont connues.

Comment donc s’assurer que tous les EIGAS seront signalés ? Comment éviter les notifications sélectives ?

L’absence de la première partie du manuel-qualité : des moyens d’abord

Dans un établissement de santé, tout manuel-qualité ad hoc commence par une première partie intitulée : « Engagement qualité de la direction ».

Dans ce document, la direction s’engage notamment à mettre à disposition les moyens nécessaires à l’accomplissement des fonctions et des tâches. Ces moyens répondent à des besoins réels qui ne doivent pas se confondre avec certains désirs.

Ces moyens visent d’abord à sécuriser les processus.

Ce même raisonnement appelle à s’appliquer à toutes les directions, y compris celles des agences régionales de santé (ARS), et pas seulement aux directions internes aux établissements de santé. D’autant plus que l’hôpital public est entré dans l’ère des groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Un financement orienté vers un objectif subsidiaire

Le décret prévoit des modalités de « financement » desdites nouvelles « structures régionales d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients ».

Or, cet argent aurait pu venir irriguer, en priorité, les actions principales ciblant la sécurisation des processus et les conditions de travail dans les établissements de santé.

À notre avis, l’urgence est à la « promotion » de la sécurisation des circuits avant celle de la « déclaration ». C’est le moyen optimal qui permet d’atteindre le but voulu par le législateur : « améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients et de prévenir la survenue des événements indésirables associés à des soins, tout au long du parcours de la prise en charge du patient ».

 













vendredi 11 novembre 2016

SEROPLEX (escitalopram) : les interrogations d'un pédopsychiatre


Question d’un pédopsychiatre

Voici donc la question qui nous est posée par un pédopsychiatre : « Le seroplex [escitalopram] c’est bien toléré, ou cela donne-t-il beaucoup d’effets secondaires [effets indésirables], voire paradoxaux ? »

Réponse proposée

Ce médicament (escitalopram) est un antidépresseur appartenant à la classe des antidépresseurs dits inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS).

C’est aussi presque un « jumeau » [l’énantiomère S, isomère lévogyre] d’un autre médicament (citalopram, SEROPRAM®).

En clair, le citalopram contient, en lui-même, l’escitalopram. Ils ont globalement la même efficacité et le même profil d’effets indésirables que les autres antidépresseurs IRS. Mais, en 2016, en terme de risque, ces deux médicaments sont associés notamment à :

-     un risque plus important de troubles cardiaques :

Il est constaté un allongement de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme (ECG) plus élevé qu’avec les autres antidépresseurs IRS. Ce risque est dose-dépendant. Cet allongement de l’intervalle QT expose à un risque de torsades de pointe (un trouble du rythme cardiaque parfois mortel). Ce risque (troubles du rythme ventriculaire et arrêts cardiaques) est identifié depuis 2011 par les agences américaine, britannique et française du médicament.

-     des effets indésirables plus graves en cas de surdosage comparativement aux autres antidépresseurs IRS.

-     plus de convulsions avec le citalopram.

L’escitalopram a été mis sur le marché juste avant la fin du brevet protégeant le citalopram. Cette stratégie commerciale semble vouloir limiter la concurrence des génériques du citalopram qui pointaient à l’horizon. Au lieu de prescrire ces génériques, la stratégie consiste à convaincre les médecins de prescrire le nouveau produit (escitalopram) présenté sous ses meilleurs jours ; bien que ce dernier ne soit qu’une « extraction » du premier (citalopram). Il était aussi, pour le moins, étonnant de voir la position (premier avis de 2004) de la commission française de la transparence.

En 2016, la prudence appelle à orienter le choix vers d’autres options. Tout en prenant en compte les effets du sevrage auxquels peut s’exposer un patient suite à l’arrêt d’un IRS.

Par ailleurs, il semble important d’informer le patient (et sa famille) également sur le risque concernant d'une part les anomalies du sperme associées au traitement par IRS, et d'autre part un éventuel effet perturbateur endocrinien pouvant expliquer un ralentissement de croissance.

Enfin, il y a lieu de rappeler le risque suicidaire notamment chez les enfants et adolescents traités par des antidépresseurs.






samedi 5 novembre 2016

Premier anniversaire du CTIAP : extrait du bilan


Notre projet est prêt depuis 2007. (Cliquer ici)

Environ un an après le lancement effectif (Cliquer ici), en juillet 2015, du centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutiques (CTIAP) du centre hospitalier de Cholet, il est constaté notamment :

-     Une consécration législative d’un « service public » ayant « pour mission la diffusion gratuite et la plus large des informations relatives à la santé et aux produits de santé (…). » C’est l’œuvre d’un nouvel article (L.1111-1-1) du code de la santé publique créé par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi « Touraine ». (Cliquer ici)

-     Le premier article, publié par le CTIAP en septembre 2015 (Cliquer ici), est versé en justice comme une preuve scientifique, dans un conflit opposant des professionnels de santé. Je suis invité à venir témoigner devant les juges lors d'une audience à venir. Ce conflit est extérieur à la région Pays-de-la-Loire.

-     Le deuxième article, publié en octobre 2015 (Cliquer ici), concernant l’euthanasie est relayé par la presse auprès du public (Cliquer ici).

-     Dans son numéro de novembre 2016 (Tome 36 N°397, page 832), la revue indépendante « Prescrire » publie un article intitulé « Dispositifs transdermiques de scopolamine : mydriases [troubles oculaires] unilatérales chez des soignants ». Elle vient ainsi confirmer un cas similaire, publié quelques mois plus tôt (avril 2016), par le CTIAP du centre hospitalier de Cholet. (Cliquer ici)

Ce n’est pas la première fois que la revue « Prescrire » vient rejoindre notre analyse. (Cliquer ici)

-     En septembre 2016, le contenu de l’article publié en juin 2016 (Cliquer ici) est ainsi apprécié de l’Étranger : « Went to get this book « Ce que devient le médicament dans le corps humain : Conséquences en matière de soins » (…) With the contents were very interesting. This made for all ages. Bestseller book version of New York Times. Along with a lot of amazing things and easy to understand, simple and brief explanation. With an attractive cover and compatible format of (…) Come on to get it !!! ».

En 2016, le principe du CTIAP s’étend à d’autres territoires à la demande de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé. (Cliquer ici)






dimanche 25 septembre 2016

L' "antidote" du PRADAXA : une autorisation de mise sur le marché (AMM) prématurée


Le PRADAXA® (dabigatran étexilate) est l’un des « nouveaux » médicaments anticoagulants oraux.

En premier lieu, le lecteur est invité à se rappeler la mise au point effectuée, le 11 décembre 2013, suite au désordre entourant la commercialisation de ces anticoagulants oraux directs. Ils ont été mis en circulation alors qu’ils n’ont pas d’antidotes, notamment. Ce qui rend délicat la gestion d’une hémorragie et complique la prise en charge d’un patient qui nécessite une chirurgie en urgence. (Cliquer ici)

Et voilà qu’en 2016, après une mise à disposition dans le cadre d’une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) de cohorte fin 2015, l’« antidote » du PRADAXA®, tant attendu, arrive sur le marché. Cet antidote est le PRAXBIND® (idarucizumab). Il est produit par la technologie d’ADN (acide désoxyribonucléique) recombinant dans des cellules ovariennes de hamsters chinois. Il ne concerne pas les autres anticoagulants (apixaban, rivaroxaban) qui sont toujours en attente d’un antidote.

Cet « antidote » (PRAXBIND®) a bénéficié d’une procédure accélérée pour l’obtention de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais, cette AMM appelle plusieurs interrogations.

Un premier risque : confusion avec un autre médicament

Les cinq premières lettres de cette dénomination commune internationale (idarucizumab) rappellent celles d’un autre médicament : idarubicine (ZAVEDOS®).

Il y a donc lieu d’être vigilant pour éviter une éventuelle confusion d’autant plus que ces deux produits se conservent au réfrigérateur (entre 2°C et 8°C). Ce risque peut être majoré par l’utilisation de certains logiciels de prescription informatisée qui conduiraient le prescripteur à sélectionner le mauvais médicament dans un menu déroulant.

Le profil des effets indésirables : une discordance d’appréciations entre les autorités ad hoc

Les mêmes informations semblent être différemment interprétées par les différentes autorités.

Dans son avis rendu le 25 mai 2016, la commission de la transparence de la haute autorité de santé (HAS) indique notamment que « 29 patients (23,6%) étaient sortis prématurément de l’étude, principalement en raison d’un événement indésirable ayant conduit au décès (…) » ; que « les EI [effets indésirables] les plus fréquents ont été hypokaliémie (…) délire (…) constipation (…), fièvre (…) et pneumonie (…). » ; que « les EI [effets indésirables] rapportés étaient graves chez 53 patients (…) » ; que « cinq patients ont eu au moins un EI [effet indésirable] qui a été considéré par l’investigateur comme imputable au traitement dont (…) 1 cas d’arrêt cardiaque fatal (…) » ; que « parmi ces décès, un cas a été considéré par l’investigateur comme possiblement imputable à PRAXBIND (…) » ; etc.

Mais dans la rubrique « EFFETS INDÉSIRABLES » du dictionnaire VIDAL® (résumé des caractéristiques du produit - RCP -) de 2016, il est étonnant de lire : « Aucun effet indésirable n’a été identifié. » ! L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) semble s’aligner sur la position de l’agence européenne (EMA). Celle-ci n’a retenu aucun lien de causalité avec l’idarucizumab alors même que, et comme le relève la HAS, « le rapport d’étude clinique mentionne que sept événements indésirables chez 5 patients ont été considérés par l’investigateur comme imputables à PRAXBIND®, dont 1 décès (arrêt cardiaque le jour de l’injection (…) et 1 cas de thrombus (…) ».

Ce n’est que dans une autre rubrique, située quatorze paragraphes plus loin, que ce VIDAL® reprend certains des effets indésirables soulignés par la HAS. Une maigre liste qui, en pratique, aurait peu de chance d’être consultée.

Des céphalées ont également été décrites.

Le VIDAL® indique aussi : « CONTRE-INDICATIONS : aucune ». Tout en soulignant dans la rubrique « MISES EN GARDE / PRÉCAUTIONS D’EMPLOI » les risques liés notamment à une « hypersensibilité » et à l’« intolérance héréditaire au fructose » pouvant entraîner le « décès »

Un excipient potentiellement mortel

Chaque flacon de PRAXBIND® contient 2g d’un excipient à effet notoire : le sorbitol.

Dans le corps humain, ce sorbitol est transformé en fructose. À la posologie retenue par l’AMM, la dose de sorbitol injectée peut provoquer des réactions graves voire mortelles chez environ 10% des patients souffrant de ladite intolérance héréditaire au fructose.

Mise en avant d’un mécanisme d’action au détriment des résultats cliniques

Un exemple pour comprendre la suite : chez un patient diabétique, par exemple, à quoi sert un médicament qui ne fait que baisser le taux de sucre dans le sang (glycémie) [critère intermédiaire] si ce médicament est incapable de prévenir les complications liées au diabète [morbidité] et s’il ne peut réduire la [mortalité] ? Or, une des astuces publicitaires classiques visant à présenter, favorablement, un nouveau médicament consiste d’abord à imaginer un mécanisme d’action physiopathologique plausible pour expliquer comment agit ce produit ; et de le tester ensuite uniquement sur un critère intermédiaire ; sans apporter la preuve d’une efficacité sur des critères cliniques de morbi-mortalité.

Un des documents faisant la publicité du PRAXBIND® indique justement ceci : « Découvrez le mécanisme d’action de la nouvelle spécialité Praxbind®, l’agent de réversion spécifique de Pradaxa® ».

Aussi séduisant soit-il, le mécanisme d’action d’un médicament ne saurait constituer une preuve d’un effet clinique significatif.

Les critères principaux d’évaluation du PRAXBIND® sont des tests biologiques et le VIDAL® nous en fournit quelques courbes. La HAS relève d’ailleurs que « le critère principal de jugement utilisé, fondé sur un test de la coagulation, n’est pas un critère de substitution validé. Le choix d’un critère principal clinique eut été plus pertinent. »

Une efficacité clinique non démontrée : une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant la fin de l’essai clinique en cours

L’AMM a été délivrée alors que l’étude clinique de phase III n’est pas encore achevée. Le PRAXBIND® est mis sur le marché sur le fondement de quelques données issues principalement d’une analyse intermédiaire de cet essai clinique non comparatif. Dans certaines situations, le schéma posologique laisse même des questions en suspens.

Cette étude de phase III prévoit le recrutement de 500 patients au final.

Un essai clinique de phase III avec un faible nombre de patients

Au total, seulement 500 patients sont prévus dans cet essai clinique. Alors qu’en général, il faudrait environ :

-     le double (1000 sujets exposés) pour voir apparaître 1 effet indésirable dont l’incidence est de 1/100 ;

-     5000 sujets pour pouvoir observer 1 effet indésirable dont l’incidence est de 1/500 ;

-     10.000 sujets pour espérer détecter 1 effet indésirable dont l’incidence est de 1/1000 ;

-     Etc.

Que penser de cette analyse intermédiaire menée chez 123 patients ?

Risques liés aux modalités de conservation du PRAXBIND®

À température ambiante, le produit n’a qu’une courte stabilité physicochimique. Il présente un risque sérieux de contamination microbienne. « En cas d’utilisation non immédiate, les durées et conditions de conservation avant utilisation relèvent de la seule responsabilité de l’utilisateur » précisent les mentions légales.

En pratique

Le rapport bénéfice/risque du PRAXBIND® est insuffisamment évalué. Son efficacité clinique n’est pas établie. Son profil d’effets indésirables est mal connu.

Sa commercialisation prématurée ne devrait pas encourager les professionnels de santé à banaliser l’utilisation du PRADAXA® et à faire de ce dernier un anticoagulant de référence. (Cliquer ici)

La HAS considère d’ailleurs que cet antidote « n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) dans la stratégie thérapeutique actuelle qui comprend les traitements symptomatiques, chez les patients adultes traités par PRADAXA (dabigatran étexilate) quand une réversion rapide de ses effets anticoagulants est requise pour une urgence chirurgicale ou des procédures urgentes ou en cas de saignements menaçant le pronostic vital ou incontrôlés. »

Il semblerait enfin, selon la HAS, qu’aucune autre étude clinique nouvelle n’est prévue. Mais, peut-être que ladite étude serait déjà en train de se réaliser dans la vraie vie et de façon sauvage : un « essai clinique grandeur nature », à large échelle, qui ne manquerait pas de nous livrer quelques informations dans le cadre de la pharmacovigilance. Cette dernière étant la phase IV d’évaluation du médicament. Tout patient recevant un tel « antidote » deviendrait, de fait et malgré lui, un « Homme-cobaye ».

À suivre.






jeudi 8 septembre 2016

Effets indésirables émergents : quelle attitude thérapeutique adopter ?


Il est parfois difficile de prendre une décision face à un éventuel effet indésirable nouveau d’un médicament commercialisé. Un exemple concret permet d’illustrer ce fait.

Une patiente, âgée de 69 ans, souffre d’une polyarthrite rhumatoïde. Elle débute un traitement par abatacept (ORENCIA®) et ressent une amélioration. Ce médicament est un immunodépresseur. La patiente prend d’autres médicaments. Mais, environ trois semaines après l’introduction de l’abatacept, le médecin détecte une occlusion de la veine centrale de la rétine du côté droit.

Cette occlusion, cet accident thromboembolique, n’est pas un effet indésirable connu sous ce médicament. Au niveau de la littérature, les données disponibles n’autorisent nullement d’accuser, avec certitude, ce produit. L’imputabilité de cet effet indésirable à ce médicament reste donc douteuse.

Pour autant, le lien ne pourrait être écarté eu égard à certains signalements enregistrés par le système de pharmacovigilance. Ces signaux, bien qu’ils ne soient pas similaires au cas de cette patiente, méritent l’attention.

En effet, une première base de données repère 5 cas. Dans certains de ces cas, l’évolution est connue et favorable. Chez un de ces patients, le traitement a été arrêté. Chez deux autres, il a été poursuivi avec l’ajout d’un traitement anticoagulant.

Une deuxième base de données enregistre 30 cas de thrombose. L’évolution n’est connue que dans 3 cas ; elle est favorable. Chez 2 patients, le traitement a été arrêté.

Une troisième base de données livre 25 cas de thrombose, 4 cas de thrombose veineuse, 15 cas de thrombose veineuse profonde et 1 cas d’occlusion vasculaire.

Serions-nous face à l’émergence d’un nouvel effet indésirable inconnu à ce jour ? Ou cet effet indésirable serait-il la manifestation d’une autre cause non médicamenteuse ?

Le doute devrait-il bénéficier au patient ou au médicament qui semble soulager ce patient ?

Devrait-on arrêter, dé-prescrire, le médicament suspect ? Ou le poursuivre en ajoutant un autre médicament, en l’espèce un traitement anticoagulant, susceptible de prévenir l’évènement thromboembolique en question ? Un autre médicament avec, par conséquent, le risque inhérent à ses propres effets indésirables.

En pratique, la décision thérapeutique appelle à s’interroger sur l’évaluation du rapport bénéfice / risque de ce médicament et sur la place de ce produit dans l’arsenal thérapeutique disponible. Cette décision doit associer le principal concerné : le patient. Ce dernier doit être informé de façon éclairé.






lundi 5 septembre 2016

CTIAP : la famille s'agrandit


C’est avec satisfaction que je viens de prendre connaissance de ce qui semblerait être « la nouvelle stratégie nationale de santé » qui « a pointé l’impératif de la mise en place d’un service public d’information en santé ». Cette « expérimentation » est « intitulée Médicament Info Service ». À la demande de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des affaires sociales et de la santé, cette expérience aurait débuté, en octobre 2015, dans « 4 régions » en France : Bretagne, Normandie, Paca et Rhône-Alpes. Cliquer ici

Le CTIAP de la ville de Cholet se sent, enfin, moins seul.

En effet, dès le 9 juillet 2015, nous avions annoncé le lancement du « Centre Territorial d’Information Indépendante et d’Avis Pharmaceutiques » (CTIAP) au centre hospitalier de Cholet. Un projet prêt depuis décembre 2007. Cliquer ici

Cette information a été diffusée par plusieurs médias :

-     Ouest-France et le Courrier de l’Ouest (11 juillet 2015) : Cliquer ici

-     La radio RCF Anjou (24 juillet 2015) ;

-     HOSPIMEDIA, l’actualité des territoires de santé (21/08/2015) : Cliquer ici

-     Le quotidien du pharmacien (7 septembre 2015) : Cliquer ici

L’intitulé de l’expérience nationale, « Médicament Info Service », choisi par le ministère de la santé, rappelle presque celui attribué au CTIAP par Ouest-France dès le 11 juillet 2015 : « Médicament : un service d’info indépendant ».

L’initiative Choletaise a-t-elle été portée à la connaissance du ministère de la santé ?

En tout cas, l’agence régionale de santé (ARS) des Pays-de-la Loire, elle, a bien été informée depuis 2007.