vendredi 6 avril 2018

Un rappel aux professionnels de santé. Anticoagulants oraux Anti-vitamine K (AVK) : Ne plus débuter un traitement par la Fluindione (PRÉVISCAN®)


Quelle molécule (principe actif) choisir pour commencer un traitement par un médicament anticoagulant oral Anti-vitamine K (AVK) ?

En France, ces AVK commercialisés sont classés en deux groupes :
1.     Les dérivés coumariniques : la warfarine (COUMADINE®), acénocoumarol (SINTROM® ; MINI-SINTROM®) ;
2.     Les dérivés de l’indanedione : la fluindione (PRÉVISCAN®).

Le risque hémorragique est le principal effet indésirable commun à ces deux groupes. Mais, ces deux classes se distinguent au niveau d’un autre effet indésirable grave et imprévisible : le risque immuno-allergique qui semble plus fréquent et plus grave avec la fluindione (PRÉVISCAN®), et plus généralement, avec les dérivés de l’indanedione.

Ce risque immuno-allergique, connu depuis de nombreuses années, peut se manifester, en début de traitement, par notamment des effets indésirables graves et imprévisibles au niveau de la peau, des reins, du foie, du sang, des poumons, de la température (fièvre)… Il peut conduire à un syndrome d’hypersensibilité touchant plusieurs organes (Dress : Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms), à des séquelles (même après l’arrêt du traitement), à la mise en jeu du pronostic vital, voire au décès. Ces réactions d’hypersensibilité ne dépendent pas de la dose administrée. Ces accidents immuno-allergiques apparaissent surtout lors des premiers mois de traitement (environ lors des 6 premiers mois). Cet effet indésirable conduit le médecin à arrêter rapidement le médicament chez le patient tout en mettant en place le traitement nécessaire. Ce médicament devient alors contre-indiqué, de façon définitive et absolue, chez le patient. La surveillance se poursuit même après l’arrêt de ce médicament.

Le 19 juin 2017, l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) semblait, enfin, répondre à cette question dans un point d’information intitulé : « PRÉVISCAN® (fluindione) et risque immuno-allergique ». Elle recommande de commencer un traitement par un médicament du premier groupe (les dérivés coumariniques) : la warfarine (COUMADINE®), acénocoumarol (SINTROM® ; MINI-SINTROM®). Toutefois, « compte tenu des risques liés au changement de traitement, la poursuite du traitement par fluindione [PRÉVISCAN®], chez les patients traités par cette molécule depuis plus de 6 mois et bien équilibrés, peut être privilégiée en fonction de l’analyse de risque réalisée par le praticien : risques liés au changement de thérapeutique par rapport aux risques propres à la fluindione [PRÉVISCAN®] (le risque immuno-allergique est réduit au-delà de 6 mois de traitement). »
Dans une lettre, en date du 30 mai 2017, adressée aux professionnels de santé, il est précisé notamment qu’« une altération de la fonction rénale persistait chez 43% des patients notamment avec apparition d’une insuffisance rénale chronique ou aggravation d’une insuffisance rénale chronique préexistante. A noter que dans 43% des cas, l’arrêt de la fluindione [PRÉVISCAN®] a été tardif, probablement par méconnaissance du lien de causalité avec ce médicament. »

Le PRÉVISCAN® (fluindione) est l’AVK le plus prescrit en France. Cette molécule est commercialisée uniquement en France depuis près d’un demi-siècle. Il est prudent de ne plus l’instaurer chez des nouveaux patients. Ce risque immuno-allergique semble amorcer la fin de vie de ce médicament ; de cette curiosité française…

Il est aussi prudent de rappeler qu’aucun patient ne doit arrêter son traitement sans l’accord de son médecin.

La warfarine (COUMADINE®) devrait constituer le médicament de référence lorsqu’un traitement par AVK doit être initié. Car, c’est l’AVK le mieux évalué.

Enfin, quel que soit le médicament, la surveillance (notamment clinique et biologique) s’impose. Et les effets indésirables constatés appellent une déclaration en pharmacovigilance.


N.B. : Selon les seules données en notre possession, la Sécurité sociale aurait remboursé, en 2001, près de 16 millions d’euros pour la fluindione, 3 millions d’euros pour l’acénocoumarol, et 1 million d’euros pour la warfarine.