dimanche 17 janvier 2016

Essais cliniques et médicaments : informations d'ordre général


Arrêtons de nous étonner face à un effet indésirable présumé médicamenteux, aussi grave soit-il, constaté notamment lors d’un essai thérapeutique.

On oublie, on ignore, que le médicament que l’on consomme a été préalablement testé sur des animaux et des Hommes (femme et homme).

Un récent événement indésirable médicamenteux vient de révéler un besoin d’informations. Notamment sur les étapes qui précédent le dépôt, par un laboratoire pharmaceutique, d’une autorisation d’une mise sur le marché (AMM) d’un médicament.

Rien n’est totalement impossible : le propre de l’expérimentation

Qui pourrait oser affirmer, avec certitude, qu’aucun décès ne pourrait se produire dans le cadre d’un essai thérapeutique ?

Il suffit de consulter les archives et les causes justifiant des interruptions de certains essais cliniques.

Deux types d’effets indésirables : une prévisibilité partielle et incertaine

En règle générale, un effet indésirable en rapport avec une propriété pharmacologique du médicament est prévisible, dose-dépendant, fréquent ; et donc relativement détectable avant la commercialisation.

Mais, un effet indésirable sans rapport avec ladite propriété est, par nature, imprévisible, dépend de facteurs propres à certains individus (patients), rare ; et par conséquent difficilement repérable avant la commercialisation.

Les incontournables tests préalables à la mise à disposition d’un médicament

Quelle que soit l’origine d’une molécule prometteuse, découverte sur une paillasse d’un laboratoire, elle doit subir plusieurs tests préalables à son éventuelle commercialisation. Ces tests s’échelonnent sur plusieurs années.

La structure chimique du médicament : un premier indice

Il existe une relation entre la structure chimique (squelette) d’un médicament et son activité.

But des tests préalables à la commercialisation

Ces tests cherchent à faire connaissance avec cette nouvelle substance. A cerner ses différentes facettes : son rapport bénéfice / risque (son efficacité, ses effets indésirables), la dose optimale (efficace, non toxique), les voies d’administration possibles (orale, injectable, oculaire, rectale, cutanée, etc.), son devenir dans l’organisme (son trajet, ses transporteurs, ses cibles, l’organe qui la dégrade et la transforme, celui qui l’élimine de l’organisme, etc.), son mécanisme d’action (comment elle agit, sur quelle(s) cible(s), etc.)…

D’abord, des animaux sacrifiés

En premier lieu, l’expérimentation commence chez l’animal. Elle se déroule chez au moins deux espèces animales différentes. Dans ce cadre, des animaux sont empoisonnés, disséqués, tués, puis explorés. A ce niveau, la dose létale, notamment, est recherchée. Tout comme un éventuel effet tératogène à l’origine de malformations congénitales (chez les descendants).

De l’animal à l’Homme : une barrière d’espèces

Les informations recueillies chez l’animal ne sauraient être aveuglement transposées chez l’Homme. Car les études menées chez l’animal présentent plusieurs limites : faible nombre d’animaux traités, le métabolisme (dégradation, transformation, élimination) du médicament variable selon les espèces, certains effets n’expriment pas de manifestations anatomiques visibles, la reproduction de la maladie humaine chez l’animal sujette à caution, interactions (environnement, alimentation, etc.)…

Des essais autorisés chez l’Homme : un cadre légal

Cette barrière d’espèces, entre l’animal et l’Homme permet de justifier les essais menés chez l’Homme (dits essais cliniques).

Car, aussi séduisant soit-il, un médicament n’est utile que s’il démontre son intérêt clinique : chez le patient, dans la vraie vie, en pratique courante. Un médicament au mécanisme d’action original peut s’avérer sans intérêt chez l’Homme. Un autre apportera un réel bénéfice alors même que son mécanisme d’action n’a jamais été complétement élucidé.

Ces essais cliniques se déroulent en trois phases : phase 1, phase 2 et phase 3. La première est donc nécessairement la plus dangereuse. Selon la phase, les essais se déroulent chez le volontaire sain ou chez le malade.

Les protocoles, complexes, impriment une particulière rigueur qui laisse une place significative à la pharmacovigilance.

Le début d’un essai clinique exige des autorisations préalables. Sa mise en œuvre s’opère dans un cadre suivi. Le contrôle débute avant l’essai et se poursuit même après la fin de ce dernier.

Consentement libre et éclairé des personnes « cobaye »

Contrairement aux animaux, les personnes acceptant de se prêter à ces recherches doivent donner un consentement libre et éclairé. Elles gardent leur liberté de se retirer de l’essai à tout moment.

Ce point interroge le cas d’une personne majeure incapable (trouble mental) ou d’un mineur (et notamment l’infans).

Serait-il éthiquement acceptable de soumettre un enfant à de telles recherches ? L’enfant est-il en mesure de donner ledit consentement libre et éclairé ? C’est sans doute un des facteurs limitants qui pourraient expliquer le fait que les enfants seraient « les oubliés » de l’industrie pharmaceutique.

Quel bénéfice individuel ?

Quel bénéfice pourrait espérer notamment un volontaire sain ? Ce dernier ne serait-il pas confronté au seul dénominateur du rapport bénéfice / risque ?

La personne « cobaye » serait-elle la seule à être rémunérée ?

Les établissements de santé, leurs professionnels, recevraient-ils, eux aussi, une rémunération en acceptant d’accueillir des essais cliniques ?

Liens et conflits d’intérêts

Les essais cliniques pourraient représenter un cadre susceptible de mettre en évidence des liens et des conflits d’intérêts. Il y aurait lieu de s’interroger sur leur déclaration.

Maladies rares : à la frontière des essais cliniques

Un médicament, non encore mis sur le marché, peut se voir délivrer une A.T.U. : autorisation temporaire d’utilisation. C’est le cas, par exemple, dans certaines maladies rares qui ne disposent pas d’un traitement.

Si au cours d’un essai clinique, le médicament testé laisse présumer un bénéfice supérieur au risque, cette A.T.U. peut être délivrée par l’agence nationale de sécurité du médicament. Un suivi rigoureux est également la règle en pareilles circonstances.

Au-delà du produit testé, un circuit du médicament spécial à sécuriser

Un médicament faisant l’objet d’un essai clinique suit une gestion hospitalière particulière. Son circuit est différencié par rapport à celui des autres médicaments.

Mais, l’accident peut également émaner des lacunes habituellement observées dans le circuit classique d’un médicament mis sur le marché.

Un accident médicamenteux survenu dans le cadre d’un essai clinique appelle donc à s’interroger sur l’organisation des circuits logistique et d’information ayant permis l’acheminement du produit depuis sa livraison par le fournisseur jusqu’au patient ; sur les rôles respectifs de chacun des acteurs principaux du circuit du médicament : le prescripteur, le pharmacien, le préparateur en pharmacie, l’infirmier.

A l’issue des essais cliniques, une éventuelle autorisation de mise sur le marché : un profil bénéfice / risque éternellement sous surveillance (Phase 4)

Comme l’expérimentation animale, les essais cliniques (chez l’Homme), une fois les trois phases terminées, présentent généralement des limites aussi bien qualitatives que quantitatives.

Autant dire que l’autorisation de mise sur le marché ne pourrait représenter une totale garantie du profil bénéfice / risque du jeune médicament mis à disposition. Ce dernier sera, enfin, confronté à la vraie vie. Celle d’une large population dont les patients ne sont pas triés avec des critères bien précis. Le code de la santé publique parle d’ailleurs de « données acquises de la science », en constante évolution.

Durant toute sa vie, le médicament, qu’il soit jeune ou ancien, sera surveillé. C’est la finalité même de la pharmacovigilance. Celle-ci représente la phase 4 d'évaluation d’un médicament.

Quatre exemples extrêmes

La tolcapone (Tasmar®) a été suspendue du marché deux mois seulement après sa commercialisation en 1998, à cause d’hépatites fulminantes fatales.

L’amineptine (Survector®) a été retiré 21 ans après sa commercialisation en 1978 malgré des cas graves de pharmacodépendance observés depuis longtemps.

Il a fallu aussi 60 ans pour découvrir la néphrotoxicité (toxicité pour le rein) des fortes doses des analgésiques comme la phénacétine.

Au milieu du siècle dernier, un médicament, le thalidomide, avait donné naissance à des enfants ressemblant à des phoques ; d’où le nom de phocomélie attribuée à cette malformation congénitale. Retiré depuis, ce médicament a fait son retour et est actuellement prescrit dans certaines pathologies bien ciblées, sous étroite surveillance…

Une question, une perspective : acceptation des risques, à la recherche d’une idée nouvelle

Quelles sont les limites de l’acceptation des risques par les personnes, notamment les volontaires sains, se prêtant à des recherches biomédicales ? Des risques susceptibles de générer des dommages corporels.

Enfin, devrait-on envisager une nouvelle méthode susceptible de nous aider à faire franchir au moins la zone sensible de la phase 1 des essais cliniques ?

Mais, à ce jour, ladite méthode serait-elle accessible à l’Homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, son inquiétude, son impatience… ?