mercredi 23 mai 2018

« Affaire LÉVOTHYROX® » : Réplique aux arguments opposés à notre hypothèse


Le 18 mai 2018, dans le cadre de l’« affaire LÉVOTHYROX® », une mise au point nous semblait nécessaire suite à la publication, par la presse, de notre hypothèse émise en 2017. Des références bibliographiques ont été transmises au laboratoire fabricant et aux autorités ad hoc. Notre position, décrite dans cette mise au point, est maintenue.

En premier lieu, un constat est fait : des personnes compétentes semblaient ignorer l’effet inhibiteur enzymatique du citron vert, de l’orange amère ou de Séville. Seul celui du Pamplemousse était connu ; et par conséquent, les réponses que j’ai reçues se basent sur les données relatives au Pamplemousse.

À ces réponses, nous répliquons par des données publiées notamment par la revue indépendante Prescrire (La Revue Prescrire 2012 ; Tome 32 ; N°347 ; 674-679).

Première réponse obtenue : l’effet inhibiteur enzymatique du Pamplemousse est dû aux furanocoumarines

Notre réponse : En réalité, de nombreuses substances sont en cause. Le jus de Pamplemousse « contient de nombreux composés (flavonoïdes, furanocoumarines, sesquiterpènes, triterpènes) dont la teneur varie considérablement en fonction de la variété du pamplemousse, de la maturité du fruit, des conditions climatiques, de l’origine du fruit et des procédés de fabrication du jus de pamplemousse. Aucun de ces composés n’a été impliqué comme seule cause de l’effet inhibiteur du jus de pamplemousse sur le métabolisme de certains médicaments. Ainsi, aucun des flavonoïdes ni aucun des furanocoumarines contenus dans le pamplemousse pris isolément ne provoque plus de 40% d’inhibition de l’isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450. » De même, « il n’y a pas que le jus à prendre en compte (…) D’autres produits à base de pamplemousse sont parfois impliqués (…) : fruit frais entier, confiture, jus du fruit lyophilisé, poudre du pamplemousse entier, extrait de pépins de pamplemousse, extrait de la peau (zeste et peau) ».

Deuxième réponse obtenue : Le potentiel effet inhibiteur enzymatique de l’acide citrique n’est pas confirmé par les études de bioéquivalences qui ont permis de confirmer la biodisponibilité de la nouvelle formule par rapport à l’ancienne formule

Notre réponse : L’équipement enzymatique « varie largement d’une personne à une autre. Combinée à la variabilité de la composition du jus de pamplemousse, cette variabilité fait qu’il est difficile de prévoir l’ampleur des effets cliniques des interactions médicamenteuses avec le jus de pamplemousse ». En matière d’interactions médicamenteuses, les études de pharmacocinétique « apportent des données utiles ». Mais, ces études « montrent une grande variabilité interindividuelle des effets du jus de pamplemousse sur les concentrations plasmatiques d’un médicament associé » au jus de pamplemousse. Il y a lieu de distinguer les études « in vitro » et celles « in vivo ». Des « dizaines de médicaments » sont plus ou moins concernés. Les auteurs « d’un ouvrage britannique de référence dans le domaine des interactions médicamenteuses » ont listé « environ 40 médicaments (…) Les données vont de la simple observation à 1 à 2 études pharmacocinétiques par principe actif. » La revue poursuit en indiquant que « des effets indésirables cliniques sont rarement rapportés dans les comptes rendus des études de pharmacocinétique chez des volontaires bien portants ».

Troisième réponse obtenue : seuls les cytochromes sont évoqués dans l’argumentaire qui nous est opposé

Notre réponse : De plus en plus de données « impliquent des transporteurs, tels que les transporteurs d’anions organiques ou la glycoprotéine P, dans des interactions entre médicaments et jus de pamplemousse ». En 2012, les effets de ces transporteurs étaient « encore mal connus ». Plusieurs transporteurs existent : la glycoprotéine P ; des transporteurs d’anions organiques (OAT) qui assurent le transport de petites molécules anions ; des polypeptides transporteurs d’anions organiques (OATP) qui assurent le transport de plus grosses molécules ; et des transporteurs de cations organiques (OCT). En 2011, dans l’espèce humaine, au moins 11 OATP avaient été répertoriés et rangés en 6 familles et sous-familles. Dans les reins humains, au moins 4 types de transporteurs d’OAT ont été recensés. Selon les ouvrages de référence dans le domaine des interactions médicamenteuses, une liste « non exhaustive » des principaux médicaments connus pour être substrats et inhibiteurs des divers transporteurs a pu être établie. Or, il se trouve que « des hormones thyroïdiennes sont des médicaments-substrats » de ces transporteurs (OATP). Là encore, il existe une « grande variabilité entre les personnes » en termes d’équipements en ces différents systèmes de transport. De nombreux organes en sont équipés : foie, reins, cerveau, placenta, yeux, poumons, intestins. Il n’est pas exclu que des substrats ou des inhibiteurs « soient communs aux OAT et OATP ». Le jus de pamplemousse est un inhibiteur de ces transporteurs (OATP et OAT).
Ces OAT et OATP « contribuent à l’excrétion tubulaire rénale de ces anions, ce qui diminue leur concentration plasmatique. Cependant, ces transporteurs anioniques contribuent aussi à l’absorption intestinale des anions, ce qui au contraire tend à augmenter leurs concentrations plasmatiques. »… La revue précise notamment : « sans qu’on puisse en comprendre le mécanisme » en jeu pour certains médicaments.

Une conclusion de la revue Prescrire

La revue préconise : « Informer les patients prenant un médicament à marge thérapeutique étroite ».

Elle ajoute que « la gravité des quelques observations publiées est à elle seule une bonne raison de ne pas consommer de jus de pamplemousse au cours d’un traitement médicamenteux ; surtout quand il s’agit d’un médicament à marge thérapeutique étroite… ».

Rappelons que la lévothyroxine est justement un médicament à marge thérapeutique étroite. La revue ajoute : « Il n’est pas exclu que d’autres jus (jus d’orange en particulier) soient aussi à l’origine d’interactions médicamenteuses… ».

Une autre publication évoquant la « L-thyroxine » et lesdits transporteurs « OATP »

« Grapefruit juice lowered the oral bioavailability of several medications transported by OATP1A2 (acebutolol, celiprolol, fexofenadine, talinolol, L-thyroxine) wile orange juice did the same for others (atenolol, celiprolol, ciprofloxacin, fexofenadine) ».

(Fruit juice inhibition of uptake transport : a new type of food-drug interaction ; David G. Bailey ; British Journal of Clinical Pharmacology ; 70:5 ; 645-655)     

La question est donc la suivante

Pourrait-on transposer ce raisonnement au citron et à ses composés tels que l’acide citrique ?








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