Un
cas vécu par une infirmière retient
notre attention.
Le premier jour, un samedi, 12h
Il
est midi lorsque l’infirmière ressent une gêne au niveau de son œil
droit : la sensation d’un « voile ». Elle pense alors à une
légère fatigue passagère.
Une
heure plus tard, face à un miroir, elle constate un changement de couleur de
son œil (bleu devenu noir) : la pupille est totalement dilatée. Il s’agit
d’une mydriase unilatérale droite.
A
16h, la situation n’évoluant pas, l’infirmière se dirige vers une polyclinique.
Celle-ci l’oriente vers les urgences d’un centre hospitalier. A l’hôpital, un
scanner cérébral, avec injection de produits de contrastes, est effectué. Une
suspicion d’un léger anévrisme ophtalmique, sans pouvoir le dater, est émise.
L’ophtalmologue de garde a été sollicité.
A
23h, à son tour, cet hôpital dirige la patiente vers les urgences d’un centre
hospitalier universitaire (CHU). Au CHU, un avis neurochirurgical et un bilan
biologique sont prescrits. Dans la nuit de ce samedi à dimanche, la patiente est
hospitalisée dans le service de neurochirurgie en vue de la réalisation d’une
artériographie.
Le deuxième jour, dimanche soir
Spontanément,
sans traitement, l’œil droit redevient quasiment normal. Il retrouve sa couleur.
Le troisième jour
L’artériographie
est réalisée.
La
patiente est restée à jeun jusqu’à 14h45.
Le
soir, les résultats n’ont rien révélé de particulier.
Le quatrième jour
La
patiente sort du CHU avec une prescription d’une IRM (imagerie par résonance
magnétique) cérébrale à faire dans les quinze jours à venir.
Le vingt-septième (27ème) jour
Le
résultat de l’IRM n’évoque rien d’anormal.
La
patiente est orientée vers son médecin traitant en vue d’une prescription d’une
ponction lombaire. Se sentant en forme et ne souhaitant pas poursuivre les investigations,
la patiente refuse.
Le trente-deuxième (32ème) jour
La
patiente est informée, par l’un de ses proches, que cette mydriase unilatérale
pourrait être liée à un médicament : la scopolamine.
A
cet instant, l’infirmière se souvient alors avoir changé deux « patchs »
de scopolamine le matin dudit samedi lors des soins qu’elle a dispensés à
des patients. Soit quelques heures avant le début de ces ennuis.
Cette
infirmière ne prend aucun traitement.
Lien de cause à
effet
Il
est difficile d’affirmer, avec certitude, un lien de causalité direct entre la
manipulation de ce médicament et l’effet indésirable observé chez cette
infirmière.
Mais,
en plus d’une forte présomption liée à la chronologie des faits et à l’absence
d’une étiologie (cause) organique identifiable, il y a lieu de relever que depuis
au moins 1986, des cas similaires sont régulièrement rapportés (Cliquer ici).
Des cas de mydriases
décrits sous scopolamine (dispositif transdermique -« patch » -)
Il
suffit de consulter le dictionnaire VIDAL®2015. Ce dernier indique :
« Œil :
troubles de l’accommodation en raison d’une mydriase (parfois unilatérale,
en particulier lorsque des traces de substance active restées sur les doigts
parviennent aux yeux). Exceptionnellement la mydriase peut provoquer un
glaucome aigu (…). Occasionnellement, irritation des paupières. »
Mydriase : un
effet indésirable pouvant être observé avec d’autres produits
Des
cas de mydriase unilatérale ont été décrits suite à des contacts oculaires notamment
avec des médicaments atropiniques et avec des plantes (Belladone, les solanacées,
baies de douce-amère).
L’exposition à des
résidus médicamenteux : un problème général de santé publique
L’exposition
à des résidus médicamenteux est un réel problème de santé publique. Cette
pollution peut se faire notamment par contact cutané ou par inhalation de
particules présentes dans l’environnement. Les effets indésirables potentiels
sont de natures multiples et de gravités variables.
Rappelons,
par exemple, les effets cancérogènes et tératogènes de certains médicaments. Ce
qui appelle une prudence toute particulière notamment chez les personnes jeunes
en âge de procréer et les femmes enceintes.
Ce
risque de contamination concerne les patients, leurs entourages et
les professionnels de santé amenés à les prendre en charge.
Des mesures utiles
de protection, de prévention
Concernant
la scopolamine, le VIDAL®2015 rappelle qu’il faut « éviter de toucher le
dispositif après qu’il a été appliqué ; se laver les mains et
nettoyer le lieu d’application après chaque pose ou retrait d’un
dispositif ».
Un
simple lavage des mains aurait pu éviter à l’infirmière une telle épreuve
(ainsi que les dépenses engagées). Mais, manifestement, le lien entre l’effet
indésirable et l’exposition à ce médicament ne semble pas connu de tous.
Cela
met en évidence l’importance de l’interrogatoire clinique préalable à
toute investigation. « Etes-vous
droguée ? » a-t-on d’ailleurs interrogé la patiente (mais sans
aller jusqu’à évoquer l’exposition professionnelle à des médicaments).
En
l’absence d’une étiologie (cause) pouvant expliquer tel ou tel symptôme ou
telle ou telle maladie, les questions devraient s’orienter vers une éventuelle origine
médicamenteuse. Une telle origine ne se réduit pas à la seule prise du
médicament par le patient.
L’exposition
aux médicaments relève donc aussi des thèmes intéressant notamment la gestion
des déchets, la protection de l’environnement et la prévention des risques professionnels en lien avec la
médecine du travail.
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