vendredi 1 avril 2016

Effets indésirables et résidus médicamenteux : le cas d'un trouble oculaire chez une infirmière


Un cas vécu par une infirmière retient notre attention.

Le premier jour, un samedi, 12h

Il est midi lorsque l’infirmière ressent une gêne au niveau de son œil droit : la sensation d’un « voile ». Elle pense alors à une légère fatigue passagère.

Une heure plus tard, face à un miroir, elle constate un changement de couleur de son œil (bleu devenu noir) : la pupille est totalement dilatée. Il s’agit d’une mydriase unilatérale droite.

A 16h, la situation n’évoluant pas, l’infirmière se dirige vers une polyclinique. Celle-ci l’oriente vers les urgences d’un centre hospitalier. A l’hôpital, un scanner cérébral, avec injection de produits de contrastes, est effectué. Une suspicion d’un léger anévrisme ophtalmique, sans pouvoir le dater, est émise. L’ophtalmologue de garde a été sollicité.

A 23h, à son tour, cet hôpital dirige la patiente vers les urgences d’un centre hospitalier universitaire (CHU). Au CHU, un avis neurochirurgical et un bilan biologique sont prescrits. Dans la nuit de ce samedi à dimanche, la patiente est hospitalisée dans le service de neurochirurgie en vue de la réalisation d’une artériographie.

Le deuxième jour, dimanche soir

Spontanément, sans traitement, l’œil droit redevient quasiment normal. Il retrouve sa couleur.

Le troisième jour

L’artériographie est réalisée.

La patiente est restée à jeun jusqu’à 14h45.

Le soir, les résultats n’ont rien révélé de particulier.

Le quatrième jour

La patiente sort du CHU avec une prescription d’une IRM (imagerie par résonance magnétique) cérébrale à faire dans les quinze jours à venir.

Le vingt-septième (27ème) jour

Le résultat de l’IRM n’évoque rien d’anormal.

La patiente est orientée vers son médecin traitant en vue d’une prescription d’une ponction lombaire. Se sentant en forme et ne souhaitant pas poursuivre les investigations, la patiente refuse.

Le trente-deuxième (32ème) jour

La patiente est informée, par l’un de ses proches, que cette mydriase unilatérale pourrait être liée à un médicament : la scopolamine.

A cet instant, l’infirmière se souvient alors avoir changé deux « patchs » de scopolamine le matin dudit samedi lors des soins qu’elle a dispensés à des patients. Soit quelques heures avant le début de ces ennuis.

Cette infirmière ne prend aucun traitement.

Lien de cause à effet

Il est difficile d’affirmer, avec certitude, un lien de causalité direct entre la manipulation de ce médicament et l’effet indésirable observé chez cette infirmière.

Mais, en plus d’une forte présomption liée à la chronologie des faits et à l’absence d’une étiologie (cause) organique identifiable, il y a lieu de relever que depuis au moins 1986, des cas similaires sont régulièrement rapportés (Cliquer ici).

Des cas de mydriases décrits sous scopolamine (dispositif transdermique -« patch » -)

Il suffit de consulter le dictionnaire VIDAL®2015. Ce dernier indique :

« Œil : troubles de l’accommodation en raison d’une mydriase (parfois unilatérale, en particulier lorsque des traces de substance active restées sur les doigts parviennent aux yeux). Exceptionnellement la mydriase peut provoquer un glaucome aigu (…). Occasionnellement, irritation des paupières. »

Mydriase : un effet indésirable pouvant être observé avec d’autres produits

Des cas de mydriase unilatérale ont été décrits suite à des contacts oculaires notamment avec des médicaments atropiniques et avec des plantes (Belladone, les solanacées, baies de douce-amère).

L’exposition à des résidus médicamenteux : un problème général de santé publique

L’exposition à des résidus médicamenteux est un réel problème de santé publique. Cette pollution peut se faire notamment par contact cutané ou par inhalation de particules présentes dans l’environnement. Les effets indésirables potentiels sont de natures multiples et de gravités variables.

Rappelons, par exemple, les effets cancérogènes et tératogènes de certains médicaments. Ce qui appelle une prudence toute particulière notamment chez les personnes jeunes en âge de procréer et les femmes enceintes.

Ce risque de contamination concerne les patients, leurs entourages et les professionnels de santé amenés à les prendre en charge.

Des mesures utiles de protection, de prévention

Concernant la scopolamine, le VIDAL®2015 rappelle qu’il faut « éviter de toucher le dispositif après qu’il a été appliqué ; se laver les mains et nettoyer le lieu d’application après chaque pose ou retrait d’un dispositif ».

Un simple lavage des mains aurait pu éviter à l’infirmière une telle épreuve (ainsi que les dépenses engagées). Mais, manifestement, le lien entre l’effet indésirable et l’exposition à ce médicament ne semble pas connu de tous.

Cela met en évidence l’importance de l’interrogatoire clinique préalable à toute investigation. « Etes-vous droguée ? » a-t-on d’ailleurs interrogé la patiente (mais sans aller jusqu’à évoquer l’exposition professionnelle à des médicaments).

En l’absence d’une étiologie (cause) pouvant expliquer tel ou tel symptôme ou telle ou telle maladie, les questions devraient s’orienter vers une éventuelle origine médicamenteuse. Une telle origine ne se réduit pas à la seule prise du médicament par le patient.

L’exposition aux médicaments relève donc aussi des thèmes intéressant notamment la gestion des déchets, la protection de l’environnement et la prévention des risques professionnels en lien avec la médecine du travail.






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