Arrêtons de
nous étonner face à un effet indésirable présumé médicamenteux, aussi grave soit-il, constaté
notamment lors d’un essai thérapeutique.
On oublie,
on ignore, que le médicament que l’on consomme a été préalablement testé sur
des animaux et des Hommes (femme et homme).
Un récent
événement indésirable médicamenteux vient de révéler un besoin d’informations. Notamment
sur les étapes qui précédent le dépôt,
par un laboratoire pharmaceutique, d’une
autorisation d’une mise sur le marché (AMM) d’un médicament.
Rien n’est totalement impossible :
le propre de l’expérimentation
Qui pourrait
oser affirmer, avec certitude, qu’aucun décès ne pourrait se produire dans le
cadre d’un essai thérapeutique ?
Il suffit de
consulter les archives et les causes justifiant des interruptions de certains
essais cliniques.
Deux types d’effets indésirables :
une prévisibilité partielle et incertaine
En règle
générale, un effet indésirable en rapport avec une propriété
pharmacologique du médicament est prévisible, dose-dépendant,
fréquent ; et donc relativement détectable avant la commercialisation.
Mais, un
effet indésirable sans rapport avec ladite propriété est, par nature, imprévisible,
dépend de facteurs propres à certains individus (patients),
rare ; et par conséquent difficilement repérable avant la
commercialisation.
Les incontournables tests
préalables à la mise à disposition d’un médicament
Quelle que
soit l’origine d’une molécule prometteuse, découverte sur une paillasse d’un
laboratoire, elle doit subir plusieurs tests préalables à son éventuelle
commercialisation. Ces tests s’échelonnent sur plusieurs années.
La structure chimique du
médicament : un premier indice
Il existe
une relation entre la structure chimique (squelette) d’un médicament et son
activité.
But des tests préalables à la
commercialisation
Ces tests
cherchent à faire connaissance avec cette nouvelle substance. A cerner ses différentes
facettes : son rapport bénéfice / risque (son efficacité, ses effets
indésirables), la dose optimale (efficace, non toxique), les voies
d’administration possibles (orale, injectable, oculaire, rectale, cutanée,
etc.), son devenir dans l’organisme (son trajet, ses transporteurs, ses cibles,
l’organe qui la dégrade et la transforme, celui qui l’élimine de l’organisme,
etc.), son mécanisme d’action (comment elle agit, sur quelle(s) cible(s),
etc.)…
D’abord, des animaux sacrifiés
En premier
lieu, l’expérimentation commence chez l’animal. Elle se déroule chez au moins
deux espèces animales différentes. Dans ce cadre, des animaux sont empoisonnés,
disséqués, tués, puis explorés. A ce niveau, la dose létale, notamment, est
recherchée. Tout comme un éventuel effet tératogène à l’origine de
malformations congénitales (chez les descendants).
De l’animal à l’Homme : une
barrière d’espèces
Les
informations recueillies chez l’animal ne sauraient être aveuglement
transposées chez l’Homme. Car les études menées chez l’animal présentent
plusieurs limites : faible nombre d’animaux traités, le métabolisme
(dégradation, transformation, élimination) du médicament variable selon les
espèces, certains effets n’expriment pas de manifestations anatomiques visibles,
la reproduction de la maladie humaine chez l’animal sujette à caution,
interactions (environnement, alimentation, etc.)…
Des essais autorisés chez l’Homme
: un cadre légal
Cette
barrière d’espèces, entre l’animal et l’Homme permet de justifier les essais
menés chez l’Homme (dits essais cliniques).
Car, aussi
séduisant soit-il, un médicament n’est utile que s’il démontre son intérêt
clinique : chez le patient, dans la vraie vie, en pratique courante. Un
médicament au mécanisme d’action original peut s’avérer sans intérêt chez
l’Homme. Un autre apportera un réel bénéfice alors même que son mécanisme
d’action n’a jamais été complétement élucidé.
Ces essais
cliniques se déroulent en trois phases : phase 1, phase 2 et phase 3. La
première est donc nécessairement la plus dangereuse. Selon la phase, les essais
se déroulent chez le volontaire sain ou chez le malade.
Les protocoles,
complexes, impriment une particulière rigueur qui laisse une place
significative à la pharmacovigilance.
Le début
d’un essai clinique exige des autorisations préalables. Sa mise en œuvre
s’opère dans un cadre suivi. Le contrôle débute avant l’essai et se poursuit même
après la fin de ce dernier.
Consentement libre et éclairé des
personnes « cobaye »
Contrairement
aux animaux, les personnes acceptant de se prêter à ces recherches doivent
donner un consentement libre et éclairé. Elles gardent leur liberté de se
retirer de l’essai à tout moment.
Ce point
interroge le cas d’une personne majeure incapable (trouble mental) ou d’un
mineur (et notamment l’infans).
Serait-il
éthiquement acceptable de soumettre un enfant à de telles recherches ?
L’enfant est-il en mesure de donner ledit consentement libre et éclairé ?
C’est sans doute un des facteurs limitants qui pourraient expliquer le fait que
les enfants seraient « les oubliés » de l’industrie pharmaceutique.
Quel bénéfice individuel ?
Quel
bénéfice pourrait espérer notamment un volontaire sain ? Ce dernier ne
serait-il pas confronté au seul dénominateur du rapport bénéfice /
risque ?
La personne « cobaye » serait-elle
la seule à être rémunérée ?
Les
établissements de santé, leurs professionnels, recevraient-ils, eux aussi, une
rémunération en acceptant d’accueillir des essais cliniques ?
Liens et conflits d’intérêts
Les essais
cliniques pourraient représenter un cadre susceptible de mettre en évidence des
liens et des conflits d’intérêts. Il y aurait lieu de s’interroger sur leur déclaration.
Maladies rares : à la
frontière des essais cliniques
Un
médicament, non encore mis sur le marché, peut se voir délivrer une A.T.U. :
autorisation temporaire d’utilisation. C’est le cas, par exemple, dans
certaines maladies rares qui ne disposent pas d’un traitement.
Si au
cours d’un essai clinique, le médicament testé laisse présumer un bénéfice
supérieur au risque, cette A.T.U. peut être délivrée par l’agence nationale de
sécurité du médicament. Un suivi rigoureux est également la règle en pareilles
circonstances.
Au-delà du produit testé, un
circuit du médicament spécial à sécuriser
Un
médicament faisant l’objet d’un essai clinique suit une gestion hospitalière
particulière. Son circuit est différencié par rapport à celui des autres
médicaments.
Mais, l’accident
peut également émaner des lacunes habituellement observées dans le circuit classique
d’un médicament mis sur le marché.
Un accident
médicamenteux survenu dans le cadre d’un essai clinique appelle donc à
s’interroger sur l’organisation des circuits logistique et d’information ayant
permis l’acheminement du produit depuis sa livraison par le fournisseur
jusqu’au patient ; sur les rôles respectifs de chacun des acteurs
principaux du circuit du médicament : le prescripteur, le pharmacien, le
préparateur en pharmacie, l’infirmier.
A l’issue des essais cliniques,
une éventuelle autorisation de mise sur le marché : un profil bénéfice /
risque éternellement sous surveillance (Phase 4)
Comme
l’expérimentation animale, les essais cliniques (chez l’Homme), une fois les
trois phases terminées, présentent généralement des limites aussi bien
qualitatives que quantitatives.
Autant dire
que l’autorisation de mise sur le marché ne pourrait représenter une totale
garantie du profil bénéfice / risque du jeune médicament mis à disposition. Ce
dernier sera, enfin, confronté à la vraie vie. Celle d’une large population
dont les patients ne sont pas triés avec des critères bien précis. Le code de
la santé publique parle d’ailleurs de « données
acquises de la science », en constante évolution.
Durant toute
sa vie, le médicament, qu’il soit jeune ou ancien, sera surveillé. C’est la
finalité même de la pharmacovigilance. Celle-ci représente la phase 4 d'évaluation d’un médicament.
Quatre exemples extrêmes
La tolcapone
(Tasmar®) a été suspendue du marché deux mois seulement après sa
commercialisation en 1998, à cause d’hépatites fulminantes fatales.
L’amineptine
(Survector®) a été retiré 21 ans après sa commercialisation en 1978 malgré des
cas graves de pharmacodépendance observés depuis longtemps.
Il a fallu
aussi 60 ans pour découvrir la néphrotoxicité (toxicité pour le rein) des
fortes doses des analgésiques comme la phénacétine.
Au milieu du
siècle dernier, un médicament, le thalidomide, avait donné naissance à des
enfants ressemblant à des phoques ; d’où le nom de phocomélie attribuée à
cette malformation congénitale. Retiré depuis, ce médicament a fait son retour
et est actuellement prescrit dans certaines pathologies bien ciblées, sous
étroite surveillance…
Une question, une perspective :
acceptation des risques, à la recherche d’une idée nouvelle
Quelles sont
les limites de l’acceptation des risques par les personnes, notamment les
volontaires sains, se prêtant à des recherches biomédicales ? Des risques
susceptibles de générer des dommages corporels.
Enfin, devrait-on
envisager une nouvelle méthode susceptible de nous aider à faire franchir au
moins la zone sensible de la phase 1 des essais cliniques ?
Mais, à ce
jour, ladite méthode serait-elle accessible à l’Homme avec ses faiblesses, ses
passions, ses imprudences, son inquiétude, son impatience… ?
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