dimanche 26 août 2018

Affaire Valsartan : questions à l’ANSM suite au courrier du 21 août 2018 adressé aux professionnels de santé


Le valsartan est un médicament appartenant à la famille des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; ces médicaments sont appelés « sartans » ou « ARA2 ». Le valsartan est « utilisé dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, dans l’hypertension artérielle et en post infarctus du myocarde récent ».

Affaire Valsartan : rappel du contexte actuel

Le 6 juillet 2018, l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié un point d’information, sous le titre « Rappel de certains médicaments à base de valsartan », révélant la présence d’un « (…) défaut qualité affectant certaines spécialités à base de valsartan et de valsartan/hydrochlorothiazide. Il s’agit d’une impureté retrouvée dans la substance active fabriquée par la société chinoise Zhejiang Huahai Pharmaceuticals. Cette impureté est la N-nitrosodiméthylamine (NDMA), substance classée comme probablement cancérogène chez l’homme (…) ».

Dans un document « questions/réponses à destination des patients sur le rappel de certains médicaments » daté du 22 août 2018, l’ANSM informe : « (…) Suite à une évaluation préliminaire, l’EMA [agence européenne des médicaments] estime qu’il pourrait y avoir un cas supplémentaire de cancer pour 5 000 patients ayant pris les médicaments concernés par le défaut de qualité (…) ».

Le 22 août 2018, l’ANSM publie également sur son site internet la « Conduite à tenir dans un contexte de tensions d’approvisionnement des médicaments à base de valsartan – Point d’information ». Cette publication nous permet d’accéder au dossier « Valsartan : priorisation des prescriptions et dispensations dans un contexte de fortes tensions d’approvisionnement – Lettre aux professionnelsde santé » ; et de lire que « les professionnels de santé concernés ont reçu le courrier ci-joint (21/08/2018) ». Ce courrier est destiné aux « médecins généralistes, cardiologues, néphrologues, internistes, urgentistes, gériatres, pédiatres, endocrinologues, pharmaciens d’officine et pharmaciens hospitaliers ».

Cette lettre du 21 août 2018 (cf. pièce jointe ci-dessous) nous transmet notamment les « recommandations de la HAS et de la SFHTA (voir logigramme au verso) ». Ce logigramme, daté de septembre 2016, est intitulé : « Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte, hors grossesse ».

Recommandations de la HAS et de la SFHTA diffusées par l’ANSM : des interrogations

Ces recommandations de la HAS (haute autorité de santé) et de la SFHTA (société française d’hypertension artérielle) appellent quelques interrogations que nous soumettons à l’ANSM.

Quelle place accorder aux sartans (valsartan notamment) au sein de l’arsenal thérapeutique ?

Il est, par exemple, surprenant de voir la place accordée à ces médicaments de la famille des sartans au sein de l’arsenal thérapeutique. En effet, ces recommandations placent ces sartans (tel que le valsartan) au même niveau que les « inhibiteurs de l’enzyme de conversion » (IEC) : « IEC ou ARA2 ». Or, et sauf erreur de notre part, il nous semble que aussi bien la logique du raisonnement pharmacologique que les données d’évaluation clinique plaideraient pour proposer l’affirmation suivante : les sartans (ou ARA2) sont moins bien évalués que les IEC. Et par conséquent, ces sartans devraient être prescrits en deuxième intention.

En 1998, la revue Prescrire soutenait d’ailleurs que « le valsartan est un antihypertenseur de seconde intention sans "Plus" » ; que sa capacité « à prévenir les complications de l’hypertension artérielle n’est pas démontrée, et son utilisation est donc moins bien validée que celle des diurétiques et des bêtabloquants ». Elle ajoute que « dans le traitement antihypertenseur de seconde intention (échec des diurétiques et des bêtabloquants, toux gênante sous IEC), le valsartan (TAREG®, NISIS®) n’a pas d’avantage démontré sur le losartan (COZAAR®) qui appartient au même groupe pharmacologique ».

Des recommandations qui ne concernent que « l’hypertension artérielle chez l’adulte, hors grossesse »

Que disent les recommandations de la HAS et de la SFHTA quant à la place du valsartan dans la prise en charge de l’hypertension chez « les enfants et les adolescents âgés de 6 à 18 ans » ?

Que disent les recommandations quant à la place du valsartan dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et du post infarctus récent ? Les mentions légales (résumé des caractéristiques du produit (RCP), version du VIDAL® 2018) du valsartan confirment que ce médicament doit être utilisé en seconde intention en cas d’insuffisance cardiaque : « Traitement des patients adultes présentant une insuffisance cardiaque symptomatique en cas d’intolérance aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), en cas d’intolérance aux bêtabloquants, comme traitement additionnel à un IEC quand les antagonistes de l’aldostérone ne peuvent pas être utilisés (…). » En 2010, la revue Prescrire affirmait que « dans l’insuffisance cardiaque et le post-infarctus récent, le valsartan est une option après les IEC ».

Des « essais cliniques truqués » et des « publications rétractées par les revues concernées » : « un auteur japonais mis en cause » a « démissionné »

En 2013, nous avons appris, en lisant notamment la revue Prescrire, qu’« en raison de fraudes sur les données cliniques, plusieurs publications d’essais portant sur le valsartan (TAREG® (de Novartis) ou autre) ont été rétractées par les revues concernées (…) Les résultats publiés en 2009 d’un essai (…) Début 2013, cet article (et d’autres du même auteur japonais) a été rétracté par la revue European Heart Journal de la Société européenne de cardiologie, en raison de « problèmes cruciaux » (…) L’université japonaise, dont l’auteur mis en cause a démissionné, a révélé après enquête que des données brutes avaient été falsifiées pour augmenter les bénéfices en prévention de l’angor et des AVC (accidents vasculaires cérébraux). L’enquête a révélé aussi qu’une des personnes impliquées dans l’essai travaillait pour Novartis, ce que ne précisait pas l’article lors de sa publication (…) Suite à cette première affaire, le Lancet a rétracté un article portant sur un autre essai réalisé au Japon sur le valsartan, encore avec l’implication non révélée d’une personne travaillant pour la firme Novartis (…) ».

Le risque de cancer serait-il lié uniquement à ce défaut qualité identifié dans certaines spécialités à base de valsartan ? Ou serait-il lié aux sartans en général ?

En juin 2018, soit avant la révélation de la présence de ladite « impureté (…) substance classée comme probablement cancérogène chez l’homme » dans certaines spécialités à base de valsartan, la revue Prescrire a informé qu’ « un surcroît de cancers est apparu dans une méta-analyse d’essais cliniques ayant évalué des sartans » ; cette revue parle de « sartans » sans préciser lesquels…

Lettre aux professionnels de santé du 21 août 2018 : non signée par l’Ordre national des pharmaciens

Ledit courrier du 21 août 2018 précise notamment « (…) l’ANSM, en lien avec les sociétés savantes et les ordres nationaux concernés, a mis en place un contingentement selon les recommandations de la HAS et de la SFHTA (…) ».

Or, force est de constater que seul l’Ordre national des Médecins est associé à la signature de cette lettre. Il aurait été utile d’associer également l’Ordre national des pharmaciens.

Conclusion

Il serait souhaitable que les recommandations des autorités ad hoc soient concordantes d’une part avec les mentions légales disponibles dans le RCP des médicaments (version VIDAL®), et d’autre part (et surtout) avec les analyses effectuées notamment par des revues indépendantes telles que la revue Prescrire.

La solution auxdites « tensions d’approvisionnement des médicaments à base de valsartan » annoncées se trouve, peut-être et simplement, dans la lecture critique et indépendante des données d’évaluation clinique et dans le respect de la logique du raisonnement pharmacologique.

Rappel aux patients

Enfin, il est rappelé aux patients qu’il ne faut pas arrêter son traitement sans l’accord du médecin.



Pièce jointe : lettre aux professionnels de santé du 21 août 2018 « Valsartan : priorisation des prescriptions et dispensations dans un contexte de fortes tensions d’approvisionnement » - 2 pages -










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