Le 25 mai 2020, le gouvernement lance le « Ségur de la santé ». Le délai indiqué pour cette
concertation est fixé à sept semaines. Ce délai est court. Mais, en même temps,
il constitue un défi. Seules les idées bien identifiées, et repérées de longue
date, pourraient surmonter cet obstacle du délai. Relevons qu’à ce jour (13
juin 2020), aucune proposition sérieuse ne semble émerger de cette consultation.
Pour l’instant, nous ne constatons que des conflits entre les parties
censées conduire ce projet : certains auraient été oubliés et réclament une
chaise au tour de la table des négociations, d’autres sont en désaccord avec
les modalités de mise en œuvre de cette consultation, une réunion qui aurait
été annulée la veille d’une rencontre programmée, etc.
Pendant ce temps, et dès le 22 mai 2020, le journal LE POINT publie notre réflexion sous le titre « TRIBUNE. L’hôpital public a besoin d’un choc structurel ». Une réflexion qui fait état du désordre et des
jeux de pouvoir qui règnent dans l’hôpital public. Comme promis dans cette tribune, nous avons avancé dans notre
projet : une liste argumentée de propositions nouvelles et indépendantes
concernant l’hôpital public ; que nous envisageons de soumettre au
président de la République dans le cadre de l’actuel « Ségur de la santé »
(livre à paraître). Cet ouvrage, en
cours de finalisation, développe, argumente et illustre chaque
proposition ; il effectue une articulation entre ces solutions.
Eu égard à l’importance du sujet, à l’urgence de la situation, et
au fait que nous sommes déjà mi-juin (les vacances d’été approchant…), nous
souhaitons révéler, dès maintenant et de
façon sommaire, les 23 axes qui sont actuellement retenus dans notre
projet. Ce point d’étape, provisoire, est ainsi soumis à toute personne qui
souhaite contribuer à la construction de ce plan définitif pour notre hôpital
public (un bien commun). Chaque personne
est donc invitée à formuler ses observations qui ne pourront qu’enrichir le
débat (cf. coordonnées pour nous joindre, à la fin de cet article).
Actuellement, investir (donner encore de l’argent) dans l’hôpital
public sans repenser l’organisation nous semble être une erreur. Pourrait-on
construire un étage sur une fondation en ruine ? Repenser l’organisation
ne se confond pas avec un réarrangement cosmétique des lieux. Il y
a lieu de commencer par mettre de
l’ordre dans l’organisation avant même de débuter la discussion sur les moyens
nécessaires. Car, de façon mécanique, mathématique, cette réorganisation va générer automatiquement des moyens.
Dépoussiérer d’abord cette organisation permet ensuite de localiser le véritable
manque de moyens. C’est l’un des objectifs de notre démarche.
L’hôpital public a besoin d’un choc structurel et non pas d’une nième
réforme de circonstance. Nous souhaitons donc contribuer à cette
réflexion collective en mettant à disposition les enseignements issus de notamment
nos parcours hospitalo-universitaires (pharmacien des hôpitaux, praticien
hospitalier), de notre expérience professionnelle hospitalière ; de notre
formation de juriste en droit de la santé (5 années d’études dans les facultés
de droit). Notre réflexion se fonde sur une expérience acquise sur le terrain
durant plus de vingt ans. Malgré cette longue période d’observation, notre
constat ne prétend à aucune généralisation. Mais, nous ne pensons pas nous
tromper beaucoup en disant que cet état des lieux, et les propositions
subséquentes qui seront formulées dans la présente harangue, pourrait être
partagés par plusieurs personnes exerçant, ou ayant exercé, dans le milieu
hospitalier. Notre retour d’expériences livre des faits crus ; des faits
relevés notamment par des corps d’inspection, en tout premier lieu. Les faits
sont têtus.
Certains syndicats seraient peut-être invités à la table des négociations. Mais, ces
intermédiaires seraient, eux aussi, gangrénés par la loi d’airain oligarchique.
Ils auraient même réussi à infiltrer certains ordres professionnels. Leurs principales préoccupations sont
éloignées de nos inquiétudes quotidiennes. Souvent, les thèmes de leurs
revendications se portent surtout sur les droits, rarement sur les
obligations : les droits à la retraite, aux congés payés, à la réduction
du temps de travail (RTT), à la rémunération, aux primes, à la grève, etc. Ils
savent appeler à la grève. La grève, ce mode de contestation désuet, inefficace
et coûteux ; d’autant plus obsolète que les agents hospitaliers ne peuvent se
mettre réellement en grève (en grève, mais on travaille) : les absences ne
conduisent qu’à alourdir davantage la tâche et amplifier la fatigue des présents.
Dangereux. Et lorsque certains syndicats s’intéressent à la mise en œuvre
effective de telle ou telle loi (au sens large), ils se contentent de donner des directives à
leurs adhérents. Mais, lorsqu’un professionnel de santé se trouve en difficulté
parce qu’il veut respecter la loi et les règles de sa profession, il se
retrouve souvent bien seul. En quelque sorte, un certain syndicalisme
hospitalier allumerait simplement la mèche. Il est resté indifférent, du moins
inefficace, à nos problèmes concrets de travail, à la dégradation de nos
conditions d’exercice. Certains syndicats ne représentent qu’eux-mêmes.
La mission principale d’un hôpital est le soin. L’organisation de l’hôpital se construit donc à partir du besoin des
patients. Ce besoin est relayé par le médecin. Ce dernier prescrit non
seulement les soins, mais également l’organisation. Ce besoin est transmis aux
autres professionnels de santé. La direction se situe à la fin de ce processus ;
elle doit donc faciliter la tâche à ces professionnels de santé qui ne font que
traduire le besoin des patients. Le raisonnement est le même que dans le cadre
d’une relation « client-fournisseur » : le patient est
« client » du médecin, du pharmacien, du préparateur en pharmacie, de l’infirmier, de
l’aide-soignant... ; les professionnels de santé sont « client » de la
direction ; etc. Le « fournisseur » répond donc au besoin du « client » ;
et non l’inverse.
Ces
propositions nouvelles et indépendantes, sommaires, sont les suivantes (elles
sont développées, argumentées, illustrées et articulées dans le livre à
paraître) :
1. Le soin : mission principale du médecin qui ne fait que traduire
et rendre visible le besoin exprimé, de façon implicite ou expresse, par le
patient.
2. La garantie de l’effectivité de l’indépendance professionnelle des professionnels
de santé. Cette indépendance est là pour la protection du public, et non pour le confort du praticien.
3. Suppression des glissements de tâches : chacun son métier.
4. Suppression de deux strates inutiles : fonctions de chef de pôle, et de
chef de service.
5. Développement des responsabilités médicales des unités fonctionnelles :
l’unité fonctionnelle étant l’entité la plus pertinente pour les soins.
6. Remplacement des chefs de pôle et de services par un directeur adjoint :
responsable de l’organisation administrative de plusieurs services indépendants
les uns des autres.
7. Le directeur de l’hôpital, seul et vrai chef administratif, rénové, de
l’hôpital public : rôle de facilitateur, responsable du bon fonctionnement
de la structure et du respect de la loi ; il ne concentre pas tous les
pouvoirs.
8. Les moyens, une réponse à un besoin et non pas à un désir : le
besoin fixe le budget et non l’inverse.
9. Pour tout nouveau projet, un fonctionnement
basé sur la conduite de projets : des Hommes (compétences), des délais (à
respecter) et des coûts (à discuter) ; obligation de résultats et pas
seulement de moyens (l'obligation de résultats ne concerne que la conduite des projets tels que la mise en oeuvre d'une sécurisation d'un circuit, du médicament par exemple ; elle ne peut s'appliquer aux soins).
10. Des commissions
provisoires, souples et volatiles voire à distance, composées en temps réel et selon
le besoin (durée de vie limitée au traitement de la question soulevée) : en
lieu et place des commissions permanentes qui prolifèrent au sein de l’hôpital
public ; suppression des élections.
11. Suppression de l’avatar de
la qualité.
12. Un seul syndicat par
profession : sièges dans chaque hôpital.
13. Un conseil de surveillance
présidé par un magistrat de la chambre régionale des comptes : le maire de
la ville, le véritable représentant des usagers ; les autres membres de
droit (directeur, directeurs adjoints, syndicats, notamment).
14. Suppression de l’agence
régionale de santé (ARS) - un géant administratif ; un nain fonctionnel -
et le retour du préfet : pour faire cesser le gaspillage des compétences
des femmes et des hommes qui composent ces ARS, tels que les médecins et
pharmaciens inspecteurs de santé publique qui ont vocation à être plutôt sur le terrain
(conseils, inspections, etc.) et non pas dans un bureau ; et le directeur
de l’hôpital n’aura ainsi plus tendance à faire le bon élève devant son maître. La structure ne crée pas la fonction.
15. Création d’une autorité publique indépendante :
avec une personnalité morale (et donc autonomie financière) ; pouvoirs de
contrôle, d’injonction et de sanction ;
statut des membres garantissant une indépendance absolue vis-à-vis du milieu
hospitalier (y compris le ministère de la santé) ; traitement effectif des
alertes ascendantes émanant des agents publics hospitaliers et des
usagers ; obligation de saisir le ministère public en cas de délit ou de
crime.
16. L’évaluation effective des
pratiques.
17. La sanction des règles :
effectivité des normes.
18. Une sanction relevant du
droit commun : pôle santé dans les tribunaux en charge des affaires
concernant les hôpitaux publics et les cliniques privées ; des magistrats formés
au domaine de la santé, assistés par des professionnels de santé ayant une
formation juridique ; distinction entre l’erreur et la faute (surtout celle d'un comportement individuel déviant et récalcitrant malgré des tentatives de rappel à l'ordre).
19. L’arrêt de la « psychiatrisation »
des professionnels de santé souhaitant exercer leur métier dans le respect de
la loi, et en toute indépendance.
20. Assurer l’effectivité de la
protection fonctionnelle des professionnels de santé hospitaliers :
praticiens de bonne foi, qui respectent la loi, qui alertent ; la décision d’octroi de
cette protection ne doit plus relever du directeur de l’hôpital.
21. La loi régissant le fonctionnement
de l’hôpital : cette loi est stable, sa lettre est de nature publique, son esprit est
d’essence privée ; arrêt de l’inflation législative.
22. Un rapport public annuel d’activités
: une place particulière pour les vigilances sanitaires.
23. Une place pour les médias, par
exemple au sein du conseil de surveillance de l’hôpital.
Dans le domaine de la santé, pour les besoins de la démonstration,
nous avons l’habitude d’utiliser de façon anonyme des cas cliniques, de
pharmacovigilance, des accidents médicamenteux, etc. Le but s’inscrit dans un
cadre pédagogique, de sensibilisation, de formation, etc. C’est ainsi que lors
de notre actuel et présent travail qui s’intéresse, cette fois, à
l’organisation de l’hôpital public, nos propositions sont notamment illustrées (dans
l’ouvrage à paraître) par des exemples (anonymes) comme cela est déjà lisible
dans l’article du POINT du 22 mai dernier. Le 10 juin 2020, nous avons révélé
un nouvel exemple, récent et édifiant (voire inédit, et le plus invraisemblable de notre ouvrage), qui décrit les
conséquences de ce désordre et des luttes des pouvoirs notamment ; que nous
essayons de résoudre par ces propositions.
Dans l’attente de vos éventuelles observations, nous poursuivons l’ajustement
de notre réflexion. Les coordonnées du CTIAP sont disponibles : cliquer ici.
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