Le 22
mai 2020, le journal LE POINT publie notre réflexion sous le titre « TRIBUNE. L’hôpital public a besoin d’un choc structurel ». Une réflexion qui fait état du désordre et des
jeux de pouvoir qui règnent dans l’hôpital public. Comme promis, nous avons
avancé dans notre projet : une liste argumentée de propositions nouvelles
et indépendantes concernant l’hôpital public ; que nous envisageons de
soumettre au président de la République dans le cadre de l’actuel « Ségur
de la santé ». En attendant, nous souhaitons illustrer ce désordre et ces
jeux de pouvoirs par un nouvel et récent exemple, ci-dessous, qui a été porté à notre
connaissance.
« (…) Ils m’ont
immobilisé dans mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur
un brancard de la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur
la tête. (…) Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui
j’avais fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance
que je subissais au travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans
mon propre bureau ! (…) On m’a juste dit que j’allais être hospitalisée
sous contrainte sans aucun entretien médical. (…). »
Une femme,
Médecin,
Chef de service de réanimation,
Présidente de la commission médicale
d’établissement (CME),
Hôpital public,
France, 2020.
Extrait d'un écrit (sans correction)
La Covid-19, nouvelle maladie liée au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2),
a mis en lumière l’importance des services hospitaliers de réanimation,
notamment.
1. Avant la
Covid-19. Un premier chef de service de réanimation destitué et condamné par le
tribunal correctionnel
Avant l’émergence de cette maladie, nous sommes informés d’une
invraisemblable affaire qui se serait déroulée dans un service de réanimation
d’un hôpital public. Un praticien hospitalier, médecin anesthésiste-réanimateur
et chef de service de réanimation depuis une vingtaine d’années, aurait
découvert la liste. Une liste qui circulerait au sein de l’hôpital, entre les
mains de quelques personnes du premier cercle. Cette liste mentionnerait les
noms des praticiens qui seraient devenus des cibles, à éliminer. Rapidement, ce
chef de service est destitué de la chefferie de service. Il quitte cet hôpital.
Plusieurs de ses collègues le suivent. L’un d’eux aurait alerté le maire, de la
ville concernée, et président du conseil de surveillance de l’hôpital. Le
service de réanimation se vide. Il s’effrite. Se sentant sans doute humilié, ce
chef de service propose un rendez-vous au président de la commission médicale
d’établissement (CME) de cet hôpital.
Cette CME est l’une des instances représentatives les plus importantes
d’un hôpital public. Ses membres sont des médecins, pharmaciens, sages-femmes…
élus. Ils sont élus tous les quatre ans. La direction de l’hôpital et les
représentants du personnel, notamment, y siègent également.
Le président de la CME aurait accepté la proposition. Les deux hommes
se seraient rencontrés donc dans un café situé dans la galerie marchande d’un
centre commercial situé à proximité de l’hôpital. La discussion semble amicale
et cordiale. Une fois leur entrevue terminée, ces deux praticiens se seraient
dirigés vers la sortie de cette galerie marchande. Soudainement,
l’anesthésiste-réanimateur aurait sorti un sac remplis de selles, oui
d’excréments. Copieusement, il aurait badigeonné le président de la CME. À coup
d’étron. Ce président aurait informé la direction du centre hospitalier. Une
plainte est déposée. Rapidement, l’anesthésiste-réanimateur est condamné par le
tribunal correctionnel.
Une nouvelle CME : une
nouvelle présidente de la CME
Le mandat de ce président de la CME arrivant à son terme, de nouvelles
élections se préparent. Elles s’organisent selon des modalités qui passent
outre la loi en vigueur. Un décalage ouvertement assumé. Le nouveau président
de la CME semble déjà choisi, bien avant la tenue de ces élections. C’est une
femme. Elle est chef de pôle ; et a donc autorité fonctionnelle sur
notamment les chefs de services composant ce pôle dont le chef du service de
réanimation. Elle avait donc autorité sur l’ancien chef de service qui a été
destitué et condamné. Elle a pris sa place : elle est la nouvelle chef de
service de réanimation, alors qu’elle n’aurait pas encore la qualification
requise dans cette discipline. Elle exerce également au service de radiologie.
Elle a la faveur de l’ancien président de la CME et du directeur de cet
hôpital. Il reste donc à convertir ce choix en donnant l’illusion d’une vraie
élection démocratique. Durant la campagne électorale, des tensions palpables
sont enregistrées. Des manœuvres à bas bruit sont notées. Plusieurs praticiens
renoncent à présenter leurs candidatures. Malgré tout, les élections ont lieu.
Les résultats tombent. L’« élue »,
préalablement choisie, ne passe pas : la radiologue, chef de service de
réanimation et chef de pôle, n’est pas élue comme membre titulaire de la
nouvelle CME. Elle figure uniquement sur la liste des suppléants. Elle ne peut
donc prétendre au poste de président de la CME. Mais, l’imagination n’a point
de limites. Des médecins, élus sur la liste des titulaires, auraient été
invités à démissionner. Ils s’exécutent, sans doute en échange de quelques
prébendes. La voie se dégage alors pour cette femme désavouée : elle
bascule ainsi de la liste des suppléants vers celle des titulaires élus. C’est
magique. La nouvelle CME se réunit. Un vote est organisé. Comme prévu, la
radiologue devient la nouvelle présidente de cette nouvelle CME. Et alors que
la loi exige une composition équilibrée de la CME où toutes les disciplines
sont représentées, cette nouvelle CME se retrouve avec des disciplines
fortement représentées pendant que d’autres ne se voient attribuées aucun
siège.
La nouvelle présidente de
la CME : toujours chef de service de réanimation
La nouvelle présidente de la CME est toujours chef de service de
réanimation. Mais, elle n’est plus chef de pôle. Par contre, en sa qualité de
présidente de la CME, il lui appartient de proposer une liste au
directeur : une liste des nouveaux chefs de pôles à nommer pour les quatre
années à venir. Les nouveaux chefs de pôles désignés sont toutes des femmes.
2. Pendant la
Covid-19. En plein confinement : une étrange nouvelle
Puis, en plein confinement lié à la Covid-19, les praticiens de cet
hôpital sont informés de l’« arrêt
de travail » de la nouvelle présidente de la CME. Ce n’est pas tant
cette information qui intrigue les destinataires de cette information, mais la
demande de « discrétion »
qui accompagne ce bref message. Une situation brutale. Soudaine. Surprenante.
Inattendue. La veille, de cette annonce, la direction de l’hôpital semblait
reconnaître l’engagement de ce médecin dans sa nouvelle fonction de présidente
de la CME. La veille de cet « arrêt
de travail », tout semblait donc aller pour le mieux. Cet « arrêt » est, peut-être, une
simple coïncidence. Un hasard. Cette présidente aurait peut-être été atteinte,
comme d’autres personnalités dans le monde, par la Covid-19. Mais,
l’explication serait ailleurs.
Il y aurait eu un gros clash. Quelques jours après, le médecin du
travail se serait rendu dans le bureau de cette présidente de la CME. Et, alors
que cette présidente de la CME prenait un café avec ce médecin, des infirmiers
auraient surgi. Ils l’auraient immobilisée, trainée de force par terre. Ils
l’auraient attachée sur un brancard de la tête aux pieds. Ils l’auraient mise
derrière une porte avec un drap sur la tête. Ensuite, ils l’auraient
hospitalisée, sous contrainte, dans un hôpital psychiatrique situé dans un
autre département. Ils l’auraient internée, sans son consentement, sans
entretien médical préalable. Dans l’un des documents qu’elle aurait rédigés et
transmis à certains de ses collègues (dont une copie nous a été envoyée par l'un de ses collègues ; des extraits sont cités dans la présente, sans correction), elle
raconte (nous relatons un extrait tel qu’il figure sur ce document) :
« (…) J’étais en train
de partir vers mon bureau, quand j’ai vu…[le
médecin du travail, une femme] au bout du
couloir d’imagerie. J’ai commencé à lui raconter mais difficultés techniques et
pourquoi ma présence s’est prolongée en début d’après-midi.
Je l’ai invitée dans mon
bureau qui est à l’étage du service de réanimation, je lui avais préparé un
café.
Pour ceux qui connaissent
les lieux, elle a regardé les palmiers en me disant « tu es bien
ici » on discutait de mes 2 mois de vacances par an, quand dans seul coup,
des infirmiers ont pénétré dans mon bureau.
Ils m’ont immobilisé dans
mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de
la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur la tête.
Je vous laisse vous imaginez le choc, l’incompréhension !
Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui j’avais
fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance que je subissais au
travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans mon propre
bureau !
Il n’y a pas eu 1 minute
dans mon emploi du temps sans témoins donc forcément tout propos ou
comportement anormal qu’on essaye de me
mettre sur le dos ne serait pas passé inaperçu.
On m’a juste dit que
j’allais être hospitalisée sous contrainte sans aucun entretien médical.
Je n’ai jamais eu d’entretien individuel le jours même ou avant avec la
collègue psychiatre qui a signé le certificat !
Je précise que je n’ai
jamais eu de proposition d’arrêt de travail de la part d’un collègue (médecine
de travail ou collègues qui ont signés les certificats), si jamais quelqu’un était inquiet pour moi !
Une ambulance est venue me
chercher et j’ai atterri à…[un hôpital psychiatrique
situé dans un autre département].
J’ai eu une prise de sang
pour un bilan biologique sans être informée.
Tout ce que j’ai subie est d’une violence extrême.
Lors de la prise en charge
à…[ledit hôpital psychiatrique situé dans un autre
département], le chef de service,
responsable de mon séjour n’a pas constaté d’anomalie particulière d’ordre
psychologique pendant la période d’observation. Une expertise réalisée avec un
psychiatre, professeur universitaire par la suite ne retrouvait pas non plus
d’anomalie d’ordre psychologique. Aucun traitement ou suivi nécessaire.
J’ai été déclaré en accident de travail vue la situation conflictuelle
et les conditions très violentes de sa survenue.
A la place, un certain
nombre de collègues m’ont fait part du fait que (…) [Monsieur Y] transmet aux
collègues médecins un tout autre discours en me peignant un tableau peu
glorieux de malade comme s’il était au-dessus des spécialistes et
experts !
Je vous rassure, je n’ai
pas de problème particulier de santé.
(…) ».
Pendant que cette femme était internée, son mari, ne pouvant retenir
ses larmes au téléphone, demande de l’aide :
« (…) Ils ont interné
mon épouse. Ils l’ont enlevée. Ils ne veulent rien me dire. Je ne sais pas
comment la joindre pour lui parler. Je suis désespéré. Je ne sais pas quoi dire
aux enfants. Je croyais que nous étions dans le pays des droits de l’homme. (…) ».
Présidente de la CME et
chef de service de réanimation : en « garde
à vue psychiatrique » durant huit
jours
Cette présidente de la CME aurait donc subi ce qu’un juriste pourrait
qualifier de « garde à vue
psychiatrique ». Le certificat, qui aurait justifié cette
hospitalisation sous contrainte, aurait été fait sans examen médical préalable.
À notre connaissance, traiter un médecin de cette façon paraît être une
situation inédite ; d’autant plus que ce médecin a été investi de grandes
responsabilités.
En principe, selon la loi, en cas d’hospitalisation complète sans
consentement, la situation est évaluée dans les vingt-quatre heures, puis dans
les soixante-douze heures suivant cette hospitalisation. Et surtout, l’hôpital
psychiatrique d’accueil est obligé de saisir le juge des libertés et de la
détention au plus tard le « huitième
jour » suivant l’internement.
Or, cette présidente de la CME aurait été libérée le « huitième jour » suivant son hospitalisation. Le juge
des libertés et de la détention n’aurait donc pas été saisi. Son contrôle
aurait ainsi été évité.
Présidente de la CME et
chef de service de réanimation : sa messagerie professionnelle coupée
Cette présidente de la CME, et chef de service de réanimation, n’aurait
plus accès à sa messagerie professionnelle. L’un de ses écrits soutient : « (…) [Monsieur X] a supprimé l’accès à ma messagerie ce qui
est loin d’être normal ! ».
Elle ne peut donc plus communiquer avec ses collègues. Elle est
contrainte de s’adresser à eux par d’autres moyens. C’est ainsi que dans un autre
écrit, elle appelle à l’aide :
« Chers collègues,
(…) [Monsieur X] m’a bloqué l’accès à
la messagerie de l’hôpital ce qui n’est pas normal.
Je tiens à vous préciser
que je ne suis pas en arrêt maladie. Les collègues médecins qui m’ont pris en
charge en toute indépendance et neutralité m’ont déclaré en accident de travail
par rapport au litige qui m’oppose à (…) (on essaie de véhiculer des fausses
rumeurs de maladie me concernant).
J’ai hâte de vous voir tous
sans exception et reprendre mon travail car j’ai des enfants et une famille à
charge.
Merci d’avance pour votre
aide afin que les choses s’accélèrent pour ma reprise et faites suivre
l’info. »
3. Un cas qui
dépasse cette femme, médecin ; qui ne lui appartient plus : de la dignité de la personne humaine
Pour se débarrasser d’un praticien hospitalier, la psychiatrisation est
un moyen qui semble devenu une coutume, en particulier dans cet hôpital.
Cette femme, médecin, chef de service de réanimation et présidente de
la CME n’est pas le premier praticien hospitalier à subir de telles
méthodes : « psychiatrisation »,
privation de moyens professionnels de communication, isolement, perte
significative de revenus, etc. Mais, à notre connaissance, une telle expédition
à l’asile psychiatrique nous semble inédite.
Face à cette atteinte à notamment la fonction de président de la CME et
du chef de service de réanimation, à la légitimité d’une élection, et surtout à
la dignité de la personne humaine, l’indifférence semble se manifester avec
éclat.
Dans l’un de ses écrits, cette présidente de la CME et chef de service
de réanimation explique :
« Depuis le début de
la crise sanitaire, j’ai eu une relation présidente de la CME/[Monsieur X] qui est devenue
petit à petit compliquée et de plus en plus conflictuelle dans un contexte ou
l’implication du PCME [président de la CME] dans l’organisation des prises en charges et des soins est importante
et nécessaire.
(…)
En même temps, on m’a sorti
des plannings de la réa [service de réanimation] dès que les premiers patients COVID-19
positifs sont arrivés sans avoir eu des explications formelles avec perte de revenus
significative. (…) »
Le maire, de la ville concernée, et président du conseil de
surveillance de cet hôpital, ainsi qu’un député notamment seraient informés de cette
situation.
4. Une
communication vers l’extérieur cherchant à embellir l’image de la structure
Et pendant ce temps, la caméra tourne. La presse écrit. Plusieurs
membres du personnel sont interrogés par des journalistes. Les images et les informations, diffusées
auprès du public, montrent un service de réanimation structuré et engagé dans
la lutte contre la Covid-19, des équipes solidaires, etc.
Mais, personne ne pense à questionner le chef de service de réanimation
et la présidente de la CME.
5. Un constat et
une alerte
L’hôpital public souffrirait-il uniquement d’un manque de moyens ?
Vraiment ?
Cette femme médecin, un être humain, semble en souffrance. Elle demande de
l’aide. Elle appelle au secours. Certains de ses collègues paraissent terrorisés.
C’est l’omerta.
Nous alertons donc de cette situation : effectuons notre devoir et soulageons
notre conscience.
Enfin, quelle que soit la vérité, le trouble dans l'hôpital public est là ; et c'est peu dire. Un tel désordre ne devrait exister dans aucun hôpital, aucune clinique, aucune entreprise, aucune structure.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire