Le 18 mai 2018,
dans le cadre de l’« affaire LÉVOTHYROX® », une mise au point nous
semblait nécessaire suite à la publication, par la presse, de notre hypothèse
émise en 2017. Des références bibliographiques ont été transmises au
laboratoire fabricant et aux autorités ad
hoc. Notre position, décrite dans cette mise au point, est maintenue.
En premier lieu, un
constat est fait : des personnes compétentes semblaient ignorer l’effet
inhibiteur enzymatique du citron vert, de l’orange amère ou de Séville. Seul
celui du Pamplemousse était connu ; et par conséquent, les réponses que
j’ai reçues se basent sur les données relatives au Pamplemousse.
À ces réponses,
nous répliquons par des données publiées notamment par la revue indépendante
Prescrire (La Revue Prescrire 2012 ; Tome 32 ; N°347 ; 674-679).
Première
réponse obtenue : l’effet inhibiteur enzymatique du Pamplemousse est dû
aux furanocoumarines
Notre réponse : En réalité,
de nombreuses substances sont en cause. Le jus de Pamplemousse « contient
de nombreux composés (flavonoïdes, furanocoumarines, sesquiterpènes,
triterpènes) dont la teneur varie considérablement en fonction de la variété du
pamplemousse, de la maturité du fruit, des conditions climatiques, de l’origine
du fruit et des procédés de fabrication du jus de pamplemousse. Aucun de ces composés n’a été impliqué
comme seule cause de l’effet inhibiteur du jus de pamplemousse sur le
métabolisme de certains médicaments. Ainsi, aucun des flavonoïdes ni aucun des
furanocoumarines contenus dans le pamplemousse pris
isolément ne provoque plus de 40% d’inhibition de l’isoenzyme CYP 3A4 du
cytochrome P450. » De même, « il
n’y a pas que le jus à prendre en compte (…) D’autres produits à base de
pamplemousse sont parfois impliqués (…) : fruit frais entier, confiture,
jus du fruit lyophilisé, poudre du pamplemousse entier, extrait de pépins de
pamplemousse, extrait de la peau (zeste et peau) ».
Deuxième
réponse obtenue : Le potentiel effet inhibiteur enzymatique de l’acide
citrique n’est pas confirmé par les études de bioéquivalences qui ont permis de
confirmer la biodisponibilité de la nouvelle formule par rapport à l’ancienne
formule
Notre réponse :
L’équipement enzymatique « varie
largement d’une personne à une autre. Combinée à la variabilité de la
composition du jus de pamplemousse, cette variabilité fait qu’il est difficile de prévoir l’ampleur des effets cliniques des
interactions médicamenteuses avec le jus de pamplemousse ». En matière
d’interactions médicamenteuses, les
études de pharmacocinétique « apportent des données utiles ».
Mais, ces études « montrent une
grande variabilité interindividuelle des effets du jus de pamplemousse sur
les concentrations plasmatiques d’un médicament associé » au jus de
pamplemousse. Il y a lieu de distinguer les études « in vitro » et
celles « in vivo ». Des « dizaines
de médicaments » sont plus ou moins concernés. Les auteurs « d’un
ouvrage britannique de référence dans le domaine des interactions
médicamenteuses » ont listé « environ
40 médicaments (…) Les données vont de la simple observation à 1 à 2 études pharmacocinétiques par principe actif. »
La revue poursuit en indiquant que « des effets indésirables cliniques sont rarement
rapportés dans les comptes rendus des études de pharmacocinétique chez
des volontaires bien portants ».
Troisième
réponse obtenue : seuls les cytochromes sont évoqués dans l’argumentaire
qui nous est opposé
Notre réponse : De plus en
plus de données « impliquent des
transporteurs, tels que les transporteurs d’anions organiques ou la
glycoprotéine P, dans des interactions entre médicaments et jus de
pamplemousse ». En 2012, les effets de ces transporteurs étaient
« encore mal connus ». Plusieurs transporteurs existent : la
glycoprotéine P ; des transporteurs d’anions organiques (OAT) qui assurent
le transport de petites molécules anions ; des polypeptides transporteurs d’anions organiques
(OATP) qui assurent le transport de plus grosses molécules ; et
des transporteurs de cations organiques (OCT). En 2011, dans l’espèce humaine, au moins 11 OATP avaient
été répertoriés et rangés en 6 familles et sous-familles. Dans les reins
humains, au moins 4 types de
transporteurs d’OAT ont été recensés. Selon les ouvrages de référence dans le
domaine des interactions médicamenteuses, une liste « non
exhaustive » des principaux médicaments connus pour être substrats et
inhibiteurs des divers transporteurs a pu être établie. Or, il se trouve que « des hormones
thyroïdiennes sont des médicaments-substrats » de ces
transporteurs (OATP).
Là encore, il existe une « grande
variabilité entre les personnes » en termes d’équipements en ces
différents systèmes de transport. De nombreux organes en sont équipés :
foie, reins, cerveau, placenta, yeux, poumons, intestins. Il n’est pas exclu
que des substrats ou des inhibiteurs « soient communs aux OAT et OATP ». Le jus de pamplemousse est un inhibiteur de ces
transporteurs (OATP et OAT).
Ces OAT et OATP
« contribuent à l’excrétion tubulaire rénale de ces anions, ce qui diminue leur concentration plasmatique.
Cependant, ces transporteurs
anioniques contribuent aussi à
l’absorption intestinale des anions, ce qui au contraire tend à augmenter
leurs concentrations plasmatiques. »… La revue précise
notamment : « sans qu’on
puisse en comprendre le mécanisme » en jeu pour certains médicaments.
Une conclusion de la revue
Prescrire
La revue préconise : « Informer les
patients prenant un médicament à marge thérapeutique étroite ».
Elle ajoute que
« la gravité des quelques
observations publiées est à elle seule une bonne raison
de ne pas consommer de jus de pamplemousse au cours d’un traitement
médicamenteux ; surtout quand il s’agit d’un médicament à marge
thérapeutique étroite… ».
Rappelons que la
lévothyroxine est justement un médicament à marge thérapeutique étroite. La
revue ajoute : « Il n’est pas exclu que d’autres jus (jus d’orange en
particulier) soient aussi à l’origine d’interactions médicamenteuses… ».
Une autre publication évoquant
la « L-thyroxine » et lesdits transporteurs « OATP »
« Grapefruit
juice lowered the oral bioavailability of several medications transported by OATP1A2
(acebutolol, celiprolol, fexofenadine, talinolol, L-thyroxine) wile orange juice did
the same for others (atenolol, celiprolol, ciprofloxacin, fexofenadine) ».
(Fruit juice inhibition of uptake transport : a new
type of food-drug interaction ; David G. Bailey ; British Journal of Clinical Pharmacology ; 70:5 ; 645-655)
La question est donc la suivante
Pourrait-on
transposer ce raisonnement au citron et à ses composés tels que l’acide
citrique ?
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