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mercredi 10 juin 2020

« Ils m’ont immobilisée dans mon bureau, traînée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mise derrière une porte avec un drap sur la tête. » - une présidente de CME, médecin chef de service de réanimation - en plein Covid-19. Hôpital public. « Ségur de la santé ».



Le 22 mai 2020, le journal LE POINT publie notre réflexion sous le titre « TRIBUNE. L’hôpital public a besoin d’un choc structurel ». Une réflexion qui fait état du désordre et des jeux de pouvoir qui règnent dans l’hôpital public. Comme promis, nous avons avancé dans notre projet : une liste argumentée de propositions nouvelles et indépendantes concernant l’hôpital public ; que nous envisageons de soumettre au président de la République dans le cadre de l’actuel « Ségur de la santé ». En attendant, nous souhaitons illustrer ce désordre et ces jeux de pouvoirs par un nouvel et récent exemple, ci-dessous, qui a été porté à notre connaissance.

« (…) Ils m’ont immobilisé dans mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur la tête. (…) Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui j’avais fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance que je subissais au travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans mon propre bureau ! (…) On m’a juste dit que j’allais être hospitalisée sous contrainte sans aucun entretien médical. (…). »
Une femme,
Médecin,
Chef de service de réanimation,
Présidente de la commission médicale d’établissement (CME),
Hôpital public,
France, 2020.
Extrait d'un écrit (sans correction)



La Covid-19, nouvelle maladie liée au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2), a mis en lumière l’importance des services hospitaliers de réanimation, notamment.

1.  Avant la Covid-19. Un premier chef de service de réanimation destitué et condamné par le tribunal correctionnel

Avant l’émergence de cette maladie, nous sommes informés d’une invraisemblable affaire qui se serait déroulée dans un service de réanimation d’un hôpital public. Un praticien hospitalier, médecin anesthésiste-réanimateur et chef de service de réanimation depuis une vingtaine d’années, aurait découvert la liste. Une liste qui circulerait au sein de l’hôpital, entre les mains de quelques personnes du premier cercle. Cette liste mentionnerait les noms des praticiens qui seraient devenus des cibles, à éliminer. Rapidement, ce chef de service est destitué de la chefferie de service. Il quitte cet hôpital. Plusieurs de ses collègues le suivent. L’un d’eux aurait alerté le maire, de la ville concernée, et président du conseil de surveillance de l’hôpital. Le service de réanimation se vide. Il s’effrite. Se sentant sans doute humilié, ce chef de service propose un rendez-vous au président de la commission médicale d’établissement (CME) de cet hôpital.
Cette CME est l’une des instances représentatives les plus importantes d’un hôpital public. Ses membres sont des médecins, pharmaciens, sages-femmes… élus. Ils sont élus tous les quatre ans. La direction de l’hôpital et les représentants du personnel, notamment, y siègent également.
Le président de la CME aurait accepté la proposition. Les deux hommes se seraient rencontrés donc dans un café situé dans la galerie marchande d’un centre commercial situé à proximité de l’hôpital. La discussion semble amicale et cordiale. Une fois leur entrevue terminée, ces deux praticiens se seraient dirigés vers la sortie de cette galerie marchande. Soudainement, l’anesthésiste-réanimateur aurait sorti un sac remplis de selles, oui d’excréments. Copieusement, il aurait badigeonné le président de la CME. À coup d’étron. Ce président aurait informé la direction du centre hospitalier. Une plainte est déposée. Rapidement, l’anesthésiste-réanimateur est condamné par le tribunal correctionnel.

Une nouvelle CME : une nouvelle présidente de la CME

Le mandat de ce président de la CME arrivant à son terme, de nouvelles élections se préparent. Elles s’organisent selon des modalités qui passent outre la loi en vigueur. Un décalage ouvertement assumé. Le nouveau président de la CME semble déjà choisi, bien avant la tenue de ces élections. C’est une femme. Elle est chef de pôle ; et a donc autorité fonctionnelle sur notamment les chefs de services composant ce pôle dont le chef du service de réanimation. Elle avait donc autorité sur l’ancien chef de service qui a été destitué et condamné. Elle a pris sa place : elle est la nouvelle chef de service de réanimation, alors qu’elle n’aurait pas encore la qualification requise dans cette discipline. Elle exerce également au service de radiologie. Elle a la faveur de l’ancien président de la CME et du directeur de cet hôpital. Il reste donc à convertir ce choix en donnant l’illusion d’une vraie élection démocratique. Durant la campagne électorale, des tensions palpables sont enregistrées. Des manœuvres à bas bruit sont notées. Plusieurs praticiens renoncent à présenter leurs candidatures. Malgré tout, les élections ont lieu. Les résultats tombent. L’« élue », préalablement choisie, ne passe pas : la radiologue, chef de service de réanimation et chef de pôle, n’est pas élue comme membre titulaire de la nouvelle CME. Elle figure uniquement sur la liste des suppléants. Elle ne peut donc prétendre au poste de président de la CME. Mais, l’imagination n’a point de limites. Des médecins, élus sur la liste des titulaires, auraient été invités à démissionner. Ils s’exécutent, sans doute en échange de quelques prébendes. La voie se dégage alors pour cette femme désavouée : elle bascule ainsi de la liste des suppléants vers celle des titulaires élus. C’est magique. La nouvelle CME se réunit. Un vote est organisé. Comme prévu, la radiologue devient la nouvelle présidente de cette nouvelle CME. Et alors que la loi exige une composition équilibrée de la CME où toutes les disciplines sont représentées, cette nouvelle CME se retrouve avec des disciplines fortement représentées pendant que d’autres ne se voient attribuées aucun siège.

La nouvelle présidente de la CME : toujours chef de service de réanimation

La nouvelle présidente de la CME est toujours chef de service de réanimation. Mais, elle n’est plus chef de pôle. Par contre, en sa qualité de présidente de la CME, il lui appartient de proposer une liste au directeur : une liste des nouveaux chefs de pôles à nommer pour les quatre années à venir. Les nouveaux chefs de pôles désignés sont toutes des femmes.

2.  Pendant la Covid-19. En plein confinement : une étrange nouvelle

Puis, en plein confinement lié à la Covid-19, les praticiens de cet hôpital sont informés de l’« arrêt de travail » de la nouvelle présidente de la CME. Ce n’est pas tant cette information qui intrigue les destinataires de cette information, mais la demande de « discrétion » qui accompagne ce bref message. Une situation brutale. Soudaine. Surprenante. Inattendue. La veille, de cette annonce, la direction de l’hôpital semblait reconnaître l’engagement de ce médecin dans sa nouvelle fonction de présidente de la CME. La veille de cet « arrêt de travail », tout semblait donc aller pour le mieux. Cet « arrêt » est, peut-être, une simple coïncidence. Un hasard. Cette présidente aurait peut-être été atteinte, comme d’autres personnalités dans le monde, par la Covid-19. Mais, l’explication serait ailleurs.
Il y aurait eu un gros clash. Quelques jours après, le médecin du travail se serait rendu dans le bureau de cette présidente de la CME. Et, alors que cette présidente de la CME prenait un café avec ce médecin, des infirmiers auraient surgi. Ils l’auraient immobilisée, trainée de force par terre. Ils l’auraient attachée sur un brancard de la tête aux pieds. Ils l’auraient mise derrière une porte avec un drap sur la tête. Ensuite, ils l’auraient hospitalisée, sous contrainte, dans un hôpital psychiatrique situé dans un autre département. Ils l’auraient internée, sans son consentement, sans entretien médical préalable. Dans l’un des documents qu’elle aurait rédigés et transmis à certains de ses collègues (dont une copie nous a été envoyée par l'un de ses collègues ; des extraits sont cités dans la présente, sans correction), elle raconte (nous relatons un extrait tel qu’il figure sur ce document) :
« (…) J’étais en train de partir vers mon bureau, quand j’ai vu…[le médecin du travail, une femme] au bout du couloir d’imagerie. J’ai commencé à lui raconter mais difficultés techniques et pourquoi ma présence s’est prolongée en début d’après-midi.
Je l’ai invitée dans mon bureau qui est à l’étage du service de réanimation, je lui avais préparé un café.
Pour ceux qui connaissent les lieux, elle a regardé les palmiers en me disant « tu es bien ici » on discutait de mes 2 mois de vacances par an, quand dans seul coup, des infirmiers ont pénétré dans mon bureau.
Ils m’ont immobilisé dans mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur la tête.
Je vous laisse vous imaginez le choc, l’incompréhension !
Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui j’avais fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance que je subissais au travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans mon propre bureau !
Il n’y a pas eu 1 minute dans mon emploi du temps sans témoins donc forcément tout propos ou comportement anormal qu’on essaye de me mettre sur le dos ne serait pas passé inaperçu.
On m’a juste dit que j’allais être hospitalisée sous contrainte sans aucun entretien médical.
Je n’ai jamais eu d’entretien individuel le jours même ou avant avec la collègue psychiatre qui a signé le certificat !
Je précise que je n’ai jamais eu de proposition d’arrêt de travail de la part d’un collègue (médecine de travail ou collègues qui ont signés les certificats), si jamais quelqu’un était inquiet pour moi !
Une ambulance est venue me chercher et j’ai atterri à…[un hôpital psychiatrique situé dans un autre département].
J’ai eu une prise de sang pour un bilan biologique sans être informée.
Tout ce que j’ai subie est d’une violence extrême.
Lors de la prise en charge à…[ledit hôpital psychiatrique situé dans un autre département], le chef de service, responsable de mon séjour n’a pas constaté d’anomalie particulière d’ordre psychologique pendant la période d’observation. Une expertise réalisée avec un psychiatre, professeur universitaire par la suite ne retrouvait pas non plus d’anomalie d’ordre psychologique. Aucun traitement ou suivi nécessaire.
J’ai été déclaré en accident de travail vue la situation conflictuelle et les conditions très violentes de sa survenue.
A la place, un certain nombre de collègues m’ont fait part du fait que (…) [Monsieur Y] transmet aux collègues médecins un tout autre discours en me peignant un tableau peu glorieux de malade comme s’il était au-dessus des spécialistes et experts !
Je vous rassure, je n’ai pas de problème particulier de santé.
(…) ».

Pendant que cette femme était internée, son mari, ne pouvant retenir ses larmes au téléphone, demande de l’aide :
« (…) Ils ont interné mon épouse. Ils l’ont enlevée. Ils ne veulent rien me dire. Je ne sais pas comment la joindre pour lui parler. Je suis désespéré. Je ne sais pas quoi dire aux enfants. Je croyais que nous étions dans le pays des droits de l’homme. (…) ».

Présidente de la CME et chef de service de réanimation : en « garde à vue psychiatrique » durant huit jours

Cette présidente de la CME aurait donc subi ce qu’un juriste pourrait qualifier de « garde à vue psychiatrique ». Le certificat, qui aurait justifié cette hospitalisation sous contrainte, aurait été fait sans examen médical préalable. À notre connaissance, traiter un médecin de cette façon paraît être une situation inédite ; d’autant plus que ce médecin a été investi de grandes responsabilités.
En principe, selon la loi, en cas d’hospitalisation complète sans consentement, la situation est évaluée dans les vingt-quatre heures, puis dans les soixante-douze heures suivant cette hospitalisation. Et surtout, l’hôpital psychiatrique d’accueil est obligé de saisir le juge des libertés et de la détention au plus tard le « huitième jour » suivant l’internement.
Or, cette présidente de la CME aurait été libérée le « huitième jour » suivant son hospitalisation. Le juge des libertés et de la détention n’aurait donc pas été saisi. Son contrôle aurait ainsi été évité.

Présidente de la CME et chef de service de réanimation : sa messagerie professionnelle coupée

Cette présidente de la CME, et chef de service de réanimation, n’aurait plus accès à sa messagerie professionnelle. L’un de ses écrits soutient : « (…) [Monsieur X] a supprimé l’accès à ma messagerie ce qui est loin d’être normal ! ».
Elle ne peut donc plus communiquer avec ses collègues. Elle est contrainte de s’adresser à eux par d’autres moyens. C’est ainsi que dans un autre écrit, elle appelle à l’aide :
« Chers collègues,
(…) [Monsieur X] m’a bloqué l’accès à la messagerie de l’hôpital ce qui n’est pas normal.
Je tiens à vous préciser que je ne suis pas en arrêt maladie. Les collègues médecins qui m’ont pris en charge en toute indépendance et neutralité m’ont déclaré en accident de travail par rapport au litige qui m’oppose à (…) (on essaie de véhiculer des fausses rumeurs de maladie me concernant).
J’ai hâte de vous voir tous sans exception et reprendre mon travail car j’ai des enfants et une famille à charge.
Merci d’avance pour votre aide afin que les choses s’accélèrent pour ma reprise et faites suivre l’info. »

3.  Un cas qui dépasse cette femme, médecin ; qui ne lui appartient plus : de la dignité de la personne humaine

Pour se débarrasser d’un praticien hospitalier, la psychiatrisation est un moyen qui semble devenu une coutume, en particulier dans cet hôpital.
Cette femme, médecin, chef de service de réanimation et présidente de la CME n’est pas le premier praticien hospitalier à subir de telles méthodes : « psychiatrisation », privation de moyens professionnels de communication, isolement, perte significative de revenus, etc. Mais, à notre connaissance, une telle expédition à l’asile psychiatrique nous semble inédite.
Face à cette atteinte à notamment la fonction de président de la CME et du chef de service de réanimation, à la légitimité d’une élection, et surtout à la dignité de la personne humaine, l’indifférence semble se manifester avec éclat.
Dans l’un de ses écrits, cette présidente de la CME et chef de service de réanimation explique :
« Depuis le début de la crise sanitaire, j’ai eu une relation présidente de la CME/[Monsieur X] qui est devenue petit à petit compliquée et de plus en plus conflictuelle dans un contexte ou l’implication du PCME [président de la CME] dans l’organisation des prises en charges et des soins est importante et nécessaire.
(…)
En même temps, on m’a sorti des plannings de la réa [service de réanimation] dès que les premiers patients COVID-19 positifs sont arrivés sans avoir eu des explications formelles avec perte de revenus significative. (…) »

Le maire, de la ville concernée, et président du conseil de surveillance de cet hôpital, ainsi qu’un député notamment seraient informés de cette situation.

4.  Une communication vers l’extérieur cherchant à embellir l’image de la structure

Et pendant ce temps, la caméra tourne. La presse écrit. Plusieurs membres du personnel sont interrogés par des journalistes. Les images et les informations, diffusées auprès du public, montrent un service de réanimation structuré et engagé dans la lutte contre la Covid-19, des équipes solidaires, etc.
Mais, personne ne pense à questionner le chef de service de réanimation et la présidente de la CME.

5.  Un constat et une alerte

L’hôpital public souffrirait-il uniquement d’un manque de moyens ? Vraiment ?
Cette femme médecin, un être humain, semble en souffrance. Elle demande de l’aide. Elle appelle au secours. Certains de ses collègues paraissent terrorisés.
C’est l’omerta.
Nous alertons donc de cette situation : effectuons notre devoir et soulageons notre conscience.
Enfin, quelle que soit la vérité, le trouble dans l'hôpital public est là ; et c'est peu dire. Un tel désordre ne devrait exister dans aucun hôpital, aucune clinique, aucune entreprise, aucune structure.








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