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samedi 20 juin 2020

Quelques astuces pour présenter un « nouveau » médicament comme une « innovation » : alors que ce produit n’apporte rien de plus


Le 7 juin 2020, le journal LE POINT publie une réflexion proposée sous le titre « TRIBUNE. Ce qui est refusé au professeur Didier Raoult est permis à d’autres ». Dans la continuité de cette réflexion, il y a lieu de rappeler quelques astuces, tirées de la pratique, qui ont été utilisées dans le but de présenter un « nouveau » médicament comme une « innovation » thérapeutique, alors même que ce produit n’apporte rien de plus par rapport à ce qui existe déjà sur le marché : aucune amélioration du service médical rendu (ASMR). Ces astuces sont repérables avant le début d’un essai clinique (chez l’Homme), pendant cet essai, et après cet essai. Ces exemples, ci-dessous proposés, ne sont pas exhaustifs : ce sont simplement quelques indices qui pourraient permettre au public d’appréhender davantage le domaine complexe du médicament et de son évaluation. Comme à l’accoutumée, notre démarche s’inscrit dans un cadre pédagogique poursuivant un objectif d’information et de formation destinées notamment au public.

Évaluation d’un nouveau médicament : une hiérarchie dans les niveaux de preuve en médecine

À l’image de la hiérarchie des normes en droit, il existe une hiérarchie des niveaux de preuve en médecine (médecine fondée sur les preuves). Depuis la nouvelle maladie (Covid-19) liée au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2), qui a notamment opposé les pro-hydroxychloroquine aux anti-hydroxychloroquine, le public a découvert l’existence de l’essai comparatif randomisé en double aveugle. Cet essai occupe le sommet de cette hiérarchie des niveaux de preuve : il est situé juste en-dessous des méta-analyses (des synthèses méthodiques) ; et il surplombe les autres niveaux de preuve tels que les études de cohortes, les études cas-témoins, les enquêtes transversales, les études de cas. Comparatif, car il compare le nouveau produit que l’on teste par rapport au placebo (un produit ne contenant aucun médicament) ; et par rapport à un médicament de référence (si ce dernier existe). Randomisé, cela signifie que les individus, inclus dans l’essai, sont répartis au hasard dans ces deux ou trois groupes (bras) : bras nouveau produit testé, bras placebo, bras médicament de référence. En double aveugle, c’est-à-dire que ni l’évaluateur ni les sujets inclus dans l’essai ne connaissent la nature du produit dispensé dans ces trois bras de l’essai. En principe, ce type d’essai fournit des résultats solides. Mais, parfois, ces résultats sont discutables. Parfois, une étude de cohorte bien menée est préférable à un essai comparatif randomisé en double aveugle effectué de façon inappropriée. Il y a donc lieu de ne pas prendre de haut ces autres niveaux de preuve mis à la disposition de la médecine.

Essai comparatif randomisé en double aveugle : quelques inconvénients et biais cachés

Même l’essai situé au sommet de la pyramide des niveaux de preuve peut présenter quelques inconvénients et des biais cachés. Par exemple, son coût peut être élevé, ce qui limite sérieusement les entités qui sont capables de financer de telles recherches. Il peut aussi nécessiter beaucoup de temps. Par ailleurs, d’autres limites peuvent concerner la taille de l’échantillon, la durée de l’essai, les critères de jugement choisis (des critères simplement intermédiaires au lieu de choisir un effet clinique sur la mortalité et la morbidité (complications liées à la maladie) plus pertinent), la répartition des individus entre les groupes qui peut être réalisée de façon inadéquate, l’exclusion de certains sujets qui remplissent pourtant les critères d’inclusion, le non-respect du double aveugle (connaissance par l’évaluateur de l’appartenance de tel individu à tel bras de l’essai), etc. Quelques exemples supplémentaires permettent de nourrir la réflexion.

Quelques exemples supplémentaires

Le nouveau produit, que l’on souhaite tester, a une structure chimique qui laisse présumer la survenue d’un effet indésirable lors de l’exposition du patient au soleil. L’essai pourrait alors être conduit en période hivernale ou dans un coin du monde moins ensoleillé, ce qui pourrait limiter le risque de cet effet indésirable.
Un médicament de référence existe, mais l’essai ne prévoit pas de comparer le nouveau produit testé avec ce médicament de référence : le nouveau produit n’est comparé qu’au placebo. Et si l’essai prévoit cette comparaison avec le médicament de référence, ce dernier est utilisé à une dose inférieure à celle recommandée : ce qui permet de minimiser l’efficacité du médicament de référence par rapport à celle du nouveau produit testé.
Dans le cas où les groupes ne sont pas comparables, et si les différences sont en faveur du nouveau produit testé, l’ajustement nécessaire n’est pas réalisé.
Les sujets sortis de l’essai, les perdus de vue, les non-répondeurs, les effets indésirables graves, les décès, etc. ne sont pas clairement indiqués.
Les intervalles de confiance, cette fourchette des valeurs qui encadre la valeur moyenne, ainsi que les données brutes, individuelles, ne sont pas accessibles.
Les éléments du protocole de l’essai, qui sont obligatoirement définis et fixés avant le début de cet essai, sont finalement modifiés en cours d’essai : la durée de l’essai est raccourcie ou allongée ; l’analyse est effectuée sur un objectif secondaire avant sa réalisation sur l’objectif principal ; la méthode statistique initialement choisie est rectifiée ; etc.
Si les résultats, portant sur l’objectif principal de l’essai, ne sont pas probants (ne sont pas ceux espérés), l’ordinateur devient un allié : il peut aider à identifier un sous-groupe d’individus chez lequel le nouveau produit testé pourrait avoir un certain intérêt. Et au lieu de refaire un nouvel essai de façon rigoureuse pour tester cette hypothèse, la conclusion est directement rendue en faveur du nouveau produit. L’hypothèse devient une affirmation sans avoir effectué un nouvel essai rigoureux.
Les résultats défavorables au nouveau produit ne sont pas publiés.
Les résultats d’autres études pilotes sont inclus dans l’essai : l’illusion dessine alors un essai qui a été mené sur un grand nombre de sujets.

Certains seraient devenus des vendeurs d’émotions autant que de médicaments

Après les essais cliniques, effectués dans un cadre défini par la loi (au sens large), le nouveau produit peut obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) et être admis au remboursement ; même s’il n’apporte aucune amélioration du service médical rendu (ASMR). Sa promotion peut donc se faire, se poursuivre, selon plusieurs moyens.
L’impact visuel du message est bien préparé par des graphistes. Des brochures colorées n’indiquent ni la signification des axes (abscisses, ordonnées) des graphiques, ni les échelles (linéaire ou logarithmique). Les données de pharmacovigilance (effets indésirables) nationale et internationale ne sont pas clairement précisées à l’interlocuteur. Le discours, centré principalement sur l’efficacité prétendue du nouveau produit, use d’un vocabulaire élogieux du style « le nouveau produit est meilleur que le médicament de référence » alors même que ce nouveau produit n’a été comparé qu’au placebo ; ou alors au médicament de référence administré à une dose inférieure à la dose recommandée. Quelques célébrités médicales, pharmaceutiques, politiques, etc. sont utiles à la promotion de ce nouveau produit. Un communiqué de presse signé par plusieurs personnalités, appartenant éventuellement à telle ou telle société savante ou association de patients voire à des syndicats, aide à la diffusion du bruit commercial. À l’hôpital, des échantillons de ce nouveau produit sont proposés au prescripteur, et parfois même sans en informer le pharmacien. Une rencontre avec des responsables politiques peut accélérer l’affaire. Par exemple, l’expérience montre qu’un ministre de la santé a pu annoncer l’inscription au remboursement d’un nouveau produit avant même que l’autorité ad hoc n’ait rendu son avis sur le rapport bénéfice/risque de ce nouveau produit. La peur, même non fondée, de telle ou telle maladie serait devenue un argument de vente. L’émotion aurait été placée au sommet des pyramides concernant aussi bien la hiérarchie des normes en droit que celle relative aux niveaux de preuve en médecine. Certains seraient devenus des vendeurs d’émotions autant que de médicaments.
                                                                                                                              
Des astuces identifiées avant le début des essais

La part d’argent investie dans le marketing semble supérieure à celle consacrée à la recherche. Alors, si la recherche est en manque d’inspiration, qu’elle éprouve quelques difficultés à trouver une nouvelle et vraie molécule prometteuse qui peut révolutionner le sort d’une maladie, l’imagination n’a point de limites.

Un premier exemple

Citons un premier exemple. Pour suppléer à cette carence de la recherche, certains n’auraient pas hésité à ouvrir le tiroir, celui de la bibliothèque des molécules identifiées et stockées ; et d’en ressortir une vieille substance qui n’a jamais été commercialisée. Celle-ci avait une activité anti-inflammatoire comparable à celle des autres médicaments anti-inflammatoires qui, eux, étaient déjà commercialisés.
Pour présenter cette nouvelle molécule comme une innovation, l’astuce a été de proposer un mécanisme d’action séduisant : une façon d’agir de cette molécule qui la distingue des autres anti-inflammatoires. Cette astuce était la suivante : cette molécule agit de façon sélective sur un récepteur bien particulier, tout en épargnant les autres récepteurs, ce qui la distingue des anti-inflammatoires classiques déjà commercialisés. Ce mécanisme d’action original est réel en théorie ; il tient sur le plan intellectuel et se vérifie au niveau expérimental (sur une paillasse, dans une éprouvette, etc.).
Dès cet instant, un argument de vente jaillit : eu égard à cette sélectivité d’action in vitro vis-à-vis de ce seul récepteur, cette nouvelle molécule n’était pas censée provoquer les graves effets indésirables digestifs connus sous les autres anti-inflammatoires tels que les hémorragies et les perforations digestives. Les prescripteurs n’avaient donc plus besoin d’associer un protecteur gastrique (de l’estomac) pour prévenir ces effets néfastes, ce qui permet à la collectivité (sécurité sociale notamment) de faire des économies. Ces dépenses évitées ont justifié alors la vente de ce « nouveau » anti-inflammatoire à un prix supérieur à celui des anti-inflammatoires classiques. Tout ce raisonnement est vrai, en théorie, au niveau expérimental. Mais, une vérité expérimentale ne se vérifie pas toujours chez les patients.
En pratique clinique, chez les patients, dans la vraie vie, lorsque ce « nouveau » anti-inflammatoire a été prescrit selon les modalités ci-dessus précisées, lorsqu’il a été introduit dans le corps humain, ladite sélectivité d’action ne s’est pas vérifiée : elle n’a été finalement que relative, son caractère absolu s’est évaporé ; les hémorragies et perforations digestives ont été constatées ; les médecins ont dû finalement associer un protecteur gastrique ; le coût s’est envolé ; de nouveaux effets indésirables graves ont été découverts (cardiaques) ; des plaintes ont été déposées par les victimes ou par les familles des patients décédés ; le médicament fut finalement retiré du marché mondial.

Un deuxième exemple

Un deuxième exemple livre une autre astuce. Il y a quelques années, un médicament utile est commercialisé. Mais, au bout d’un certain temps, son brevet arrive à son terme : il tombe dans le domaine public. Il est donc menacé par l’arrivée des médicaments génériques. Que faire pour garder une part du marché ? L’idée est ingénieuse. Ce médicament est, en réalité, un produit racémique ; c’est-à-dire qu’il est composé de deux substances jumelles (images en miroir) : la substance Lévogyre et la substance Dextrogyre. Or, en réalité, ce médicament racémique ne doit son activité (rapport bénéfice/risque) qu’à la seule substance Lévogyre ; l’autre substance (Dextrogyre), elle, est sans intérêt. Alors, il suffit d’extraire et de commercialiser cette substance Lévogyre, la seule active, sous un nouveau nom commercial, en la présentant comme une « innovation » thérapeutique. La part du marché convoitée est préservée ; et le générique est concurrencé.

Pour une évaluation correcte d’un « nouveau » produit

Cette liste n’est pas exhaustive. D’autres astuces existent. Leur compréhension est plus délicate, car elle requiert notamment quelques notions techniques complexes qui sont enseignées en particulier dans le domaine des statistiques appliquées à la médecine. Mais, globalement, la liste proposée ici pourrait suffire à sensibiliser nos lecteurs à ces autres facettes qui concernent le riche et complexe domaine du médicament et de son évaluation. Certains professionnels de santé ont suivi des formations spécifiques qui leur permettent de repérer ces manœuvres. L’analyse du dossier d’un médicament nécessite un temps non négligeable, qui n’est pas toujours pris pour évaluer correctement l’intérêt d’un « nouveau » produit.
En conclusion, une « nouveauté » médicamenteuse n’est pas, nécessairement et systématiquement, une « innovation » thérapeutique.







samedi 13 juin 2020

« Ségur de la santé ». Point d’étape : notre projet de 23 propositions nouvelles et indépendantes pour l’hôpital public de demain


Le 25 mai 2020, le gouvernement lance le « Ségur de la santé ». Le délai indiqué pour cette concertation est fixé à sept semaines. Ce délai est court. Mais, en même temps, il constitue un défi. Seules les idées bien identifiées, et repérées de longue date, pourraient surmonter cet obstacle du délai. Relevons qu’à ce jour (13 juin 2020), aucune proposition sérieuse ne semble émerger de cette consultation. Pour l’instant, nous ne constatons que des conflits entre les parties censées conduire ce projet : certains auraient été oubliés et réclament une chaise au tour de la table des négociations, d’autres sont en désaccord avec les modalités de mise en œuvre de cette consultation, une réunion qui aurait été annulée la veille d’une rencontre programmée, etc.
Pendant ce temps, et dès le 22 mai 2020, le journal LE POINT publie notre réflexion sous le titre « TRIBUNE. L’hôpital public a besoin d’un choc structurel ». Une réflexion qui fait état du désordre et des jeux de pouvoir qui règnent dans l’hôpital public. Comme promis dans cette tribune, nous avons avancé dans notre projet : une liste argumentée de propositions nouvelles et indépendantes concernant l’hôpital public ; que nous envisageons de soumettre au président de la République dans le cadre de l’actuel « Ségur de la santé » (livre à paraître). Cet ouvrage, en cours de finalisation, développe, argumente et illustre chaque proposition ; il effectue une articulation entre ces solutions.
Eu égard à l’importance du sujet, à l’urgence de la situation, et au fait que nous sommes déjà mi-juin (les vacances d’été approchant…), nous souhaitons révéler, dès maintenant et de façon sommaire, les 23 axes qui sont actuellement retenus dans notre projet. Ce point d’étape, provisoire, est ainsi soumis à toute personne qui souhaite contribuer à la construction de ce plan définitif pour notre hôpital public (un bien commun). Chaque personne est donc invitée à formuler ses observations qui ne pourront qu’enrichir le débat (cf. coordonnées pour nous joindre, à la fin de cet article).
Actuellement, investir (donner encore de l’argent) dans l’hôpital public sans repenser l’organisation nous semble être une erreur. Pourrait-on construire un étage sur une fondation en ruine ? Repenser l’organisation ne se confond pas avec un réarrangement cosmétique des lieux. Il y a lieu de commencer par mettre de l’ordre dans l’organisation avant même de débuter la discussion sur les moyens nécessaires. Car, de façon mécanique, mathématique, cette réorganisation va générer automatiquement des moyens. Dépoussiérer d’abord cette organisation permet ensuite de localiser le véritable manque de moyens. C’est l’un des objectifs de notre démarche.
L’hôpital public a besoin d’un choc structurel et non pas d’une nième réforme de circonstance. Nous souhaitons donc contribuer à cette réflexion collective en mettant à disposition les enseignements issus de notamment nos parcours hospitalo-universitaires (pharmacien des hôpitaux, praticien hospitalier), de notre expérience professionnelle hospitalière ; de notre formation de juriste en droit de la santé (5 années d’études dans les facultés de droit). Notre réflexion se fonde sur une expérience acquise sur le terrain durant plus de vingt ans. Malgré cette longue période d’observation, notre constat ne prétend à aucune généralisation. Mais, nous ne pensons pas nous tromper beaucoup en disant que cet état des lieux, et les propositions subséquentes qui seront formulées dans la présente harangue, pourrait être partagés par plusieurs personnes exerçant, ou ayant exercé, dans le milieu hospitalier. Notre retour d’expériences livre des faits crus ; des faits relevés notamment par des corps d’inspection, en tout premier lieu. Les faits sont têtus.
Certains syndicats seraient peut-être invités à la table des négociations. Mais, ces intermédiaires seraient, eux aussi, gangrénés par la loi d’airain oligarchique. Ils auraient même réussi à infiltrer certains ordres professionnels. Leurs principales préoccupations sont éloignées de nos inquiétudes quotidiennes. Souvent, les thèmes de leurs revendications se portent surtout sur les droits, rarement sur les obligations : les droits à la retraite, aux congés payés, à la réduction du temps de travail (RTT), à la rémunération, aux primes, à la grève, etc. Ils savent appeler à la grève. La grève, ce mode de contestation désuet, inefficace et coûteux ; d’autant plus obsolète que les agents hospitaliers ne peuvent se mettre réellement en grève (en grève, mais on travaille) : les absences ne conduisent qu’à alourdir davantage la tâche et amplifier la fatigue des présents. Dangereux. Et lorsque certains syndicats s’intéressent à la mise en œuvre effective de telle ou telle loi (au sens large), ils se contentent de donner des directives à leurs adhérents. Mais, lorsqu’un professionnel de santé se trouve en difficulté parce qu’il veut respecter la loi et les règles de sa profession, il se retrouve souvent bien seul. En quelque sorte, un certain syndicalisme hospitalier allumerait simplement la mèche. Il est resté indifférent, du moins inefficace, à nos problèmes concrets de travail, à la dégradation de nos conditions d’exercice. Certains syndicats ne représentent qu’eux-mêmes.
La mission principale d’un hôpital est le soin. L’organisation de l’hôpital se construit donc à partir du besoin des patients. Ce besoin est relayé par le médecin. Ce dernier prescrit non seulement les soins, mais également l’organisation. Ce besoin est transmis aux autres professionnels de santé. La direction se situe à la fin de ce processus ; elle doit donc faciliter la tâche à ces professionnels de santé qui ne font que traduire le besoin des patients. Le raisonnement est le même que dans le cadre d’une relation « client-fournisseur » : le patient est « client » du médecin, du pharmacien, du préparateur en pharmacie, de l’infirmier, de l’aide-soignant... ; les professionnels de santé sont « client » de la direction ; etc. Le « fournisseur » répond donc au besoin du « client » ; et non l’inverse.

Ces propositions nouvelles et indépendantes, sommaires, sont les suivantes (elles sont développées, argumentées, illustrées et articulées dans le livre à paraître) :

1.  Le soin : mission principale du médecin qui ne fait que traduire et rendre visible le besoin exprimé, de façon implicite ou expresse, par le patient.

2.  La garantie de l’effectivité de l’indépendance professionnelle des professionnels de santé. Cette indépendance est là pour la protection du public, et non pour le confort du praticien.

3.  Suppression des glissements de tâches : chacun son métier.

4.  Suppression de deux strates inutiles : fonctions de chef de pôle, et de chef de service.

5.  Développement des responsabilités médicales des unités fonctionnelles : l’unité fonctionnelle étant l’entité la plus pertinente pour les soins.

6.  Remplacement des chefs de pôle et de services par un directeur adjoint : responsable de l’organisation administrative de plusieurs services indépendants les uns des autres.

7.  Le directeur de l’hôpital, seul et vrai chef administratif, rénové, de l’hôpital public : rôle de facilitateur, responsable du bon fonctionnement de la structure et du respect de la loi ; il ne concentre pas tous les pouvoirs.

8.  Les moyens, une réponse à un besoin et non pas à un désir : le besoin fixe le budget et non l’inverse.

9.   Pour tout nouveau projet, un fonctionnement basé sur la conduite de projets : des Hommes (compétences), des délais (à respecter) et des coûts (à discuter) ; obligation de résultats et pas seulement de moyens (l'obligation de résultats ne concerne que la conduite des projets tels que la mise en oeuvre d'une sécurisation d'un circuit, du médicament par exemple ; elle ne peut s'appliquer aux soins).

10.  Des commissions provisoires, souples et volatiles voire à distance, composées en temps réel et selon le besoin (durée de vie limitée au traitement de la question soulevée) : en lieu et place des commissions permanentes qui prolifèrent au sein de l’hôpital public ; suppression des élections.

11.  Suppression de l’avatar de la qualité.

12.  Un seul syndicat par profession : sièges dans chaque hôpital.

13. Un conseil de surveillance présidé par un magistrat de la chambre régionale des comptes : le maire de la ville, le véritable représentant des usagers ; les autres membres de droit (directeur, directeurs adjoints, syndicats, notamment).

14.  Suppression de l’agence régionale de santé (ARS) - un géant administratif ; un nain fonctionnel - et le retour du préfet : pour faire cesser le gaspillage des compétences des femmes et des hommes qui composent ces ARS, tels que les médecins et pharmaciens inspecteurs de santé publique qui ont vocation à être plutôt sur le terrain (conseils, inspections, etc.) et non pas dans un bureau ; et le directeur de l’hôpital n’aura ainsi plus tendance à faire le bon élève devant son maître. La structure ne crée pas la fonction.

15. Création d’une autorité publique indépendante : avec une personnalité morale (et donc autonomie financière) ; pouvoirs de contrôle, d’injonction et de sanction ; statut des membres garantissant une indépendance absolue vis-à-vis du milieu hospitalier (y compris le ministère de la santé) ; traitement effectif des alertes ascendantes émanant des agents publics hospitaliers et des usagers ; obligation de saisir le ministère public en cas de délit ou de crime.

16.  L’évaluation effective des pratiques.

17.  La sanction des règles : effectivité des normes.

18. Une sanction relevant du droit commun : pôle santé dans les tribunaux en charge des affaires concernant les hôpitaux publics et les cliniques privées ; des magistrats formés au domaine de la santé, assistés par des professionnels de santé ayant une formation juridique ; distinction entre l’erreur et la faute (surtout celle d'un comportement individuel déviant et récalcitrant malgré des tentatives de rappel à l'ordre).

19. L’arrêt de la « psychiatrisation » des professionnels de santé souhaitant exercer leur métier dans le respect de la loi, et en toute indépendance.

20.  Assurer l’effectivité de la protection fonctionnelle des professionnels de santé hospitaliers : praticiens de bonne foi, qui respectent la loi, qui alertent ; la décision d’octroi de cette protection ne doit plus relever du directeur de l’hôpital.

21.  La loi régissant le fonctionnement de l’hôpital : cette loi est stable, sa lettre est de nature publique, son esprit est d’essence privée ; arrêt de l’inflation législative.

22. Un rapport public annuel d’activités : une place particulière pour les vigilances sanitaires.

23. Une place pour les médias, par exemple au sein du conseil de surveillance de l’hôpital.


Dans le domaine de la santé, pour les besoins de la démonstration, nous avons l’habitude d’utiliser de façon anonyme des cas cliniques, de pharmacovigilance, des accidents médicamenteux, etc. Le but s’inscrit dans un cadre pédagogique, de sensibilisation, de formation, etc. C’est ainsi que lors de notre actuel et présent travail qui s’intéresse, cette fois, à l’organisation de l’hôpital public, nos propositions sont notamment illustrées (dans l’ouvrage à paraître) par des exemples (anonymes) comme cela est déjà lisible dans l’article du POINT du 22 mai dernier. Le 10 juin 2020, nous avons révélé un nouvel exemple, récent et édifiant (voire inédit, et le plus invraisemblable de notre ouvrage), qui décrit les conséquences de ce désordre et des luttes des pouvoirs notamment ; que nous essayons de résoudre par ces propositions.

Dans l’attente de vos éventuelles observations, nous poursuivons l’ajustement de notre réflexion. Les coordonnées du CTIAP sont disponibles : cliquer ici.







mercredi 10 juin 2020

« Ils m’ont immobilisée dans mon bureau, traînée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mise derrière une porte avec un drap sur la tête. » - une présidente de CME, médecin chef de service de réanimation - en plein Covid-19. Hôpital public. « Ségur de la santé ».



Le 22 mai 2020, le journal LE POINT publie notre réflexion sous le titre « TRIBUNE. L’hôpital public a besoin d’un choc structurel ». Une réflexion qui fait état du désordre et des jeux de pouvoir qui règnent dans l’hôpital public. Comme promis, nous avons avancé dans notre projet : une liste argumentée de propositions nouvelles et indépendantes concernant l’hôpital public ; que nous envisageons de soumettre au président de la République dans le cadre de l’actuel « Ségur de la santé ». En attendant, nous souhaitons illustrer ce désordre et ces jeux de pouvoirs par un nouvel et récent exemple, ci-dessous, qui a été porté à notre connaissance.

« (…) Ils m’ont immobilisé dans mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur la tête. (…) Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui j’avais fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance que je subissais au travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans mon propre bureau ! (…) On m’a juste dit que j’allais être hospitalisée sous contrainte sans aucun entretien médical. (…). »
Une femme,
Médecin,
Chef de service de réanimation,
Présidente de la commission médicale d’établissement (CME),
Hôpital public,
France, 2020.
Extrait d'un écrit (sans correction)



La Covid-19, nouvelle maladie liée au nouveau coronavirus (SARS-CoV-2), a mis en lumière l’importance des services hospitaliers de réanimation, notamment.

1.  Avant la Covid-19. Un premier chef de service de réanimation destitué et condamné par le tribunal correctionnel

Avant l’émergence de cette maladie, nous sommes informés d’une invraisemblable affaire qui se serait déroulée dans un service de réanimation d’un hôpital public. Un praticien hospitalier, médecin anesthésiste-réanimateur et chef de service de réanimation depuis une vingtaine d’années, aurait découvert la liste. Une liste qui circulerait au sein de l’hôpital, entre les mains de quelques personnes du premier cercle. Cette liste mentionnerait les noms des praticiens qui seraient devenus des cibles, à éliminer. Rapidement, ce chef de service est destitué de la chefferie de service. Il quitte cet hôpital. Plusieurs de ses collègues le suivent. L’un d’eux aurait alerté le maire, de la ville concernée, et président du conseil de surveillance de l’hôpital. Le service de réanimation se vide. Il s’effrite. Se sentant sans doute humilié, ce chef de service propose un rendez-vous au président de la commission médicale d’établissement (CME) de cet hôpital.
Cette CME est l’une des instances représentatives les plus importantes d’un hôpital public. Ses membres sont des médecins, pharmaciens, sages-femmes… élus. Ils sont élus tous les quatre ans. La direction de l’hôpital et les représentants du personnel, notamment, y siègent également.
Le président de la CME aurait accepté la proposition. Les deux hommes se seraient rencontrés donc dans un café situé dans la galerie marchande d’un centre commercial situé à proximité de l’hôpital. La discussion semble amicale et cordiale. Une fois leur entrevue terminée, ces deux praticiens se seraient dirigés vers la sortie de cette galerie marchande. Soudainement, l’anesthésiste-réanimateur aurait sorti un sac remplis de selles, oui d’excréments. Copieusement, il aurait badigeonné le président de la CME. À coup d’étron. Ce président aurait informé la direction du centre hospitalier. Une plainte est déposée. Rapidement, l’anesthésiste-réanimateur est condamné par le tribunal correctionnel.

Une nouvelle CME : une nouvelle présidente de la CME

Le mandat de ce président de la CME arrivant à son terme, de nouvelles élections se préparent. Elles s’organisent selon des modalités qui passent outre la loi en vigueur. Un décalage ouvertement assumé. Le nouveau président de la CME semble déjà choisi, bien avant la tenue de ces élections. C’est une femme. Elle est chef de pôle ; et a donc autorité fonctionnelle sur notamment les chefs de services composant ce pôle dont le chef du service de réanimation. Elle avait donc autorité sur l’ancien chef de service qui a été destitué et condamné. Elle a pris sa place : elle est la nouvelle chef de service de réanimation, alors qu’elle n’aurait pas encore la qualification requise dans cette discipline. Elle exerce également au service de radiologie. Elle a la faveur de l’ancien président de la CME et du directeur de cet hôpital. Il reste donc à convertir ce choix en donnant l’illusion d’une vraie élection démocratique. Durant la campagne électorale, des tensions palpables sont enregistrées. Des manœuvres à bas bruit sont notées. Plusieurs praticiens renoncent à présenter leurs candidatures. Malgré tout, les élections ont lieu. Les résultats tombent. L’« élue », préalablement choisie, ne passe pas : la radiologue, chef de service de réanimation et chef de pôle, n’est pas élue comme membre titulaire de la nouvelle CME. Elle figure uniquement sur la liste des suppléants. Elle ne peut donc prétendre au poste de président de la CME. Mais, l’imagination n’a point de limites. Des médecins, élus sur la liste des titulaires, auraient été invités à démissionner. Ils s’exécutent, sans doute en échange de quelques prébendes. La voie se dégage alors pour cette femme désavouée : elle bascule ainsi de la liste des suppléants vers celle des titulaires élus. C’est magique. La nouvelle CME se réunit. Un vote est organisé. Comme prévu, la radiologue devient la nouvelle présidente de cette nouvelle CME. Et alors que la loi exige une composition équilibrée de la CME où toutes les disciplines sont représentées, cette nouvelle CME se retrouve avec des disciplines fortement représentées pendant que d’autres ne se voient attribuées aucun siège.

La nouvelle présidente de la CME : toujours chef de service de réanimation

La nouvelle présidente de la CME est toujours chef de service de réanimation. Mais, elle n’est plus chef de pôle. Par contre, en sa qualité de présidente de la CME, il lui appartient de proposer une liste au directeur : une liste des nouveaux chefs de pôles à nommer pour les quatre années à venir. Les nouveaux chefs de pôles désignés sont toutes des femmes.

2.  Pendant la Covid-19. En plein confinement : une étrange nouvelle

Puis, en plein confinement lié à la Covid-19, les praticiens de cet hôpital sont informés de l’« arrêt de travail » de la nouvelle présidente de la CME. Ce n’est pas tant cette information qui intrigue les destinataires de cette information, mais la demande de « discrétion » qui accompagne ce bref message. Une situation brutale. Soudaine. Surprenante. Inattendue. La veille, de cette annonce, la direction de l’hôpital semblait reconnaître l’engagement de ce médecin dans sa nouvelle fonction de présidente de la CME. La veille de cet « arrêt de travail », tout semblait donc aller pour le mieux. Cet « arrêt » est, peut-être, une simple coïncidence. Un hasard. Cette présidente aurait peut-être été atteinte, comme d’autres personnalités dans le monde, par la Covid-19. Mais, l’explication serait ailleurs.
Il y aurait eu un gros clash. Quelques jours après, le médecin du travail se serait rendu dans le bureau de cette présidente de la CME. Et, alors que cette présidente de la CME prenait un café avec ce médecin, des infirmiers auraient surgi. Ils l’auraient immobilisée, trainée de force par terre. Ils l’auraient attachée sur un brancard de la tête aux pieds. Ils l’auraient mise derrière une porte avec un drap sur la tête. Ensuite, ils l’auraient hospitalisée, sous contrainte, dans un hôpital psychiatrique situé dans un autre département. Ils l’auraient internée, sans son consentement, sans entretien médical préalable. Dans l’un des documents qu’elle aurait rédigés et transmis à certains de ses collègues (dont une copie nous a été envoyée par l'un de ses collègues ; des extraits sont cités dans la présente, sans correction), elle raconte (nous relatons un extrait tel qu’il figure sur ce document) :
« (…) J’étais en train de partir vers mon bureau, quand j’ai vu…[le médecin du travail, une femme] au bout du couloir d’imagerie. J’ai commencé à lui raconter mais difficultés techniques et pourquoi ma présence s’est prolongée en début d’après-midi.
Je l’ai invitée dans mon bureau qui est à l’étage du service de réanimation, je lui avais préparé un café.
Pour ceux qui connaissent les lieux, elle a regardé les palmiers en me disant « tu es bien ici » on discutait de mes 2 mois de vacances par an, quand dans seul coup, des infirmiers ont pénétré dans mon bureau.
Ils m’ont immobilisé dans mon bureau, trainée de force par terre, ils m’ont attachée sur un brancard de la tête aux pieds, m’ont mis derrière une porte avec un drap sur la tête.
Je vous laisse vous imaginez le choc, l’incompréhension !
Discuter avec le médecin du travail autour d’un café, à qui j’avais fait part de la situation conflictuelle avec (…) [Monsieur X] et de la maltraitance que je subissais au travail, 2 jours auparavant et me retrouvée ligotée dans mon propre bureau !
Il n’y a pas eu 1 minute dans mon emploi du temps sans témoins donc forcément tout propos ou comportement anormal qu’on essaye de me mettre sur le dos ne serait pas passé inaperçu.
On m’a juste dit que j’allais être hospitalisée sous contrainte sans aucun entretien médical.
Je n’ai jamais eu d’entretien individuel le jours même ou avant avec la collègue psychiatre qui a signé le certificat !
Je précise que je n’ai jamais eu de proposition d’arrêt de travail de la part d’un collègue (médecine de travail ou collègues qui ont signés les certificats), si jamais quelqu’un était inquiet pour moi !
Une ambulance est venue me chercher et j’ai atterri à…[un hôpital psychiatrique situé dans un autre département].
J’ai eu une prise de sang pour un bilan biologique sans être informée.
Tout ce que j’ai subie est d’une violence extrême.
Lors de la prise en charge à…[ledit hôpital psychiatrique situé dans un autre département], le chef de service, responsable de mon séjour n’a pas constaté d’anomalie particulière d’ordre psychologique pendant la période d’observation. Une expertise réalisée avec un psychiatre, professeur universitaire par la suite ne retrouvait pas non plus d’anomalie d’ordre psychologique. Aucun traitement ou suivi nécessaire.
J’ai été déclaré en accident de travail vue la situation conflictuelle et les conditions très violentes de sa survenue.
A la place, un certain nombre de collègues m’ont fait part du fait que (…) [Monsieur Y] transmet aux collègues médecins un tout autre discours en me peignant un tableau peu glorieux de malade comme s’il était au-dessus des spécialistes et experts !
Je vous rassure, je n’ai pas de problème particulier de santé.
(…) ».

Pendant que cette femme était internée, son mari, ne pouvant retenir ses larmes au téléphone, demande de l’aide :
« (…) Ils ont interné mon épouse. Ils l’ont enlevée. Ils ne veulent rien me dire. Je ne sais pas comment la joindre pour lui parler. Je suis désespéré. Je ne sais pas quoi dire aux enfants. Je croyais que nous étions dans le pays des droits de l’homme. (…) ».

Présidente de la CME et chef de service de réanimation : en « garde à vue psychiatrique » durant huit jours

Cette présidente de la CME aurait donc subi ce qu’un juriste pourrait qualifier de « garde à vue psychiatrique ». Le certificat, qui aurait justifié cette hospitalisation sous contrainte, aurait été fait sans examen médical préalable. À notre connaissance, traiter un médecin de cette façon paraît être une situation inédite ; d’autant plus que ce médecin a été investi de grandes responsabilités.
En principe, selon la loi, en cas d’hospitalisation complète sans consentement, la situation est évaluée dans les vingt-quatre heures, puis dans les soixante-douze heures suivant cette hospitalisation. Et surtout, l’hôpital psychiatrique d’accueil est obligé de saisir le juge des libertés et de la détention au plus tard le « huitième jour » suivant l’internement.
Or, cette présidente de la CME aurait été libérée le « huitième jour » suivant son hospitalisation. Le juge des libertés et de la détention n’aurait donc pas été saisi. Son contrôle aurait ainsi été évité.

Présidente de la CME et chef de service de réanimation : sa messagerie professionnelle coupée

Cette présidente de la CME, et chef de service de réanimation, n’aurait plus accès à sa messagerie professionnelle. L’un de ses écrits soutient : « (…) [Monsieur X] a supprimé l’accès à ma messagerie ce qui est loin d’être normal ! ».
Elle ne peut donc plus communiquer avec ses collègues. Elle est contrainte de s’adresser à eux par d’autres moyens. C’est ainsi que dans un autre écrit, elle appelle à l’aide :
« Chers collègues,
(…) [Monsieur X] m’a bloqué l’accès à la messagerie de l’hôpital ce qui n’est pas normal.
Je tiens à vous préciser que je ne suis pas en arrêt maladie. Les collègues médecins qui m’ont pris en charge en toute indépendance et neutralité m’ont déclaré en accident de travail par rapport au litige qui m’oppose à (…) (on essaie de véhiculer des fausses rumeurs de maladie me concernant).
J’ai hâte de vous voir tous sans exception et reprendre mon travail car j’ai des enfants et une famille à charge.
Merci d’avance pour votre aide afin que les choses s’accélèrent pour ma reprise et faites suivre l’info. »

3.  Un cas qui dépasse cette femme, médecin ; qui ne lui appartient plus : de la dignité de la personne humaine

Pour se débarrasser d’un praticien hospitalier, la psychiatrisation est un moyen qui semble devenu une coutume, en particulier dans cet hôpital.
Cette femme, médecin, chef de service de réanimation et présidente de la CME n’est pas le premier praticien hospitalier à subir de telles méthodes : « psychiatrisation », privation de moyens professionnels de communication, isolement, perte significative de revenus, etc. Mais, à notre connaissance, une telle expédition à l’asile psychiatrique nous semble inédite.
Face à cette atteinte à notamment la fonction de président de la CME et du chef de service de réanimation, à la légitimité d’une élection, et surtout à la dignité de la personne humaine, l’indifférence semble se manifester avec éclat.
Dans l’un de ses écrits, cette présidente de la CME et chef de service de réanimation explique :
« Depuis le début de la crise sanitaire, j’ai eu une relation présidente de la CME/[Monsieur X] qui est devenue petit à petit compliquée et de plus en plus conflictuelle dans un contexte ou l’implication du PCME [président de la CME] dans l’organisation des prises en charges et des soins est importante et nécessaire.
(…)
En même temps, on m’a sorti des plannings de la réa [service de réanimation] dès que les premiers patients COVID-19 positifs sont arrivés sans avoir eu des explications formelles avec perte de revenus significative. (…) »

Le maire, de la ville concernée, et président du conseil de surveillance de cet hôpital, ainsi qu’un député notamment seraient informés de cette situation.

4.  Une communication vers l’extérieur cherchant à embellir l’image de la structure

Et pendant ce temps, la caméra tourne. La presse écrit. Plusieurs membres du personnel sont interrogés par des journalistes. Les images et les informations, diffusées auprès du public, montrent un service de réanimation structuré et engagé dans la lutte contre la Covid-19, des équipes solidaires, etc.
Mais, personne ne pense à questionner le chef de service de réanimation et la présidente de la CME.

5.  Un constat et une alerte

L’hôpital public souffrirait-il uniquement d’un manque de moyens ? Vraiment ?
Cette femme médecin, un être humain, semble en souffrance. Elle demande de l’aide. Elle appelle au secours. Certains de ses collègues paraissent terrorisés.
C’est l’omerta.
Nous alertons donc de cette situation : effectuons notre devoir et soulageons notre conscience.
Enfin, quelle que soit la vérité, le trouble dans l'hôpital public est là ; et c'est peu dire. Un tel désordre ne devrait exister dans aucun hôpital, aucune clinique, aucune entreprise, aucune structure.








samedi 6 juin 2020

Covid-19 et Hydroxychloroquine : ce qui est refusé au professeur Didier Raoult est permis à d’autres


L’actuelle affaire Hydroxychloroquine appelle plusieurs observations. Nous proposons la réflexion suivante.
En l’an 2020, un nouveau coronavirus (sars-cov-2) est identifié comme étant à l’origine d’une nouvelle maladie (covid-19). L’affaire Hydroxychloroquine se déclenche alors suite à la révélation du protocole Hydroxychloroquine-Azithromycine. Ce protocole est utilisé par l’institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille dans le traitement de cette nouvelle maladie. Cet IHU est dirigé par le professeur Didier Raoult. De façon légitime, des scientifiques reprochent à l’équipe marseillaise de ne pas avoir respecté la méthodologie habituelle qui permet d’établir la preuve clinique de l’efficacité de son protocole. Les échanges se déroulent publiquement, et de façon transparente, à travers les médias notamment. Ils permettent au public de mieux comprendre les difficultés auxquelles sont confrontés les scientifiques ; ils contribuent à l’information et la formation des populations dans le domaine complexe du médicament.
Dès le début de cette affaire, nous avions proposé un moyen qui aurait permis de sortir de cette impasse : associer le principal concerné, c’est-à-dire les patients et le public (patients potentiels), au choix de l’attitude à adopter mais sous deux conditions cumulatives : une information claire, loyale et appropriée sur le rapport bénéfice/risque de ce médicament en vue de recueillir le consentement libre et éclairé des patients ; et l’administration éventuelle de ce traitement dans un cadre contrôlé tel que celui des essais cliniques ou celui des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) de cohorte ou nominative.
En 2020, l’Hydroxychloroquine a été inscrite sur liste. Cela signifie que ce médicament ne peut plus être dispensé sans prescription médicale. Cette décision n’est pas une anomalie, elle est au contraire une correction d’anomalie. De même, réserver cette prescription à certains spécialistes n’est pas une décision inédite ciblant spécifiquement et uniquement l’Hydroxychloroquine : la prescription restreinte concerne d’autres médicaments dont certains sont, en plus, réservés uniquement à l’usage hospitalier. Il y a lieu de rappeler ces faits.

Une différence de traitement

Mais, l’exigence et la rigueur opposées à l’Hydroxychloroquine contraste terriblement avec les libertés accordées à d’autres médicaments. La différence de traitement est saisissante.

Un vaccin promu avant même sa naissance : avant la connaissance de son rapport bénéfice/risque

En premier lieu, remarquons que le vaccin attendu, censé protéger contre cette maladie, est déjà promu, vendu, dans les médias ; pourtant, nous n’avons encore aucune donnée validée et vérifiable sur son rapport bénéfice/risque : sur ladite preuve clinique réclamée avec insistance, et c’est peu dire, à l’équipe marseillaise.

Un cas d’école

En deuxième lieu, nous souhaitons rappeler quelques faits marquants, non exhaustifs, concernant un autre médicament censé prévenir la survenue d’un type de cancer chez les femmes ; un cas d’école. Un ministre de la santé annonce son remboursement alors même que la commission de la transparence de la haute autorité de santé (HAS) n’a pas encore rendu son avis sur le rapport bénéfice/risque. Une fois rendu, l’avis de cette autorité affirme que la preuve clinique de l’efficacité de ce médicament, dans la prévention du cancer en question, n’est pas apportée et que des incertitudes demeurent ; que ce cancer a commencé à diminuer avant l’arrivée de ce médicament. Une revue indépendante confirme que cette efficacité n’est pas démontrée, qu’elle est simplement hypothétique. Ce médicament obtient pourtant l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Lors de la publicité faite pour ce produit, une manipulation de l’information est relevée par l’agence française de sécurité sanitaire ; puis notée dans le journal officiel de la République française (JORF). Cette publicité est interdite. Mais, la promotion de ce produit se poursuit par d’autres moyens : certaines célébrités médicales, sociétés savantes, etc. qui oublient de signaler, au public, leurs liens et conflits d’intérêts. Parmi ces personnalités, figure un pédiatre qui a déjà été condamné par la chambre de discipline de la première instance de l’ordre des médecins (nous ignorons s’il a interjeté appel de cette décision). Le juge ordinal a prononcé « la sanction de l’avertissement » à son encontre : il considère qu’en violation des obligations de l’article L.4113-13 du code de la santé publique, ce médecin « n’a pas fait mention de ses liens d’intérêt, qui sont patents » avec plusieurs laboratoires pharmaceutiques. L’association qui a porté plainte auprès de l’ordre reprochait aussi à ce médecin d’avoir « tenu des propos mensongers » sur les produits dont il faisait la promotion, mais le juge ordinal considère « qu’à supposer même qu’ils seraient mensongers, ainsi qu’il est prétendu, les propos en cause ne sauraient être regardés comme constitutifs d’un manquement déontologique susceptible d’être sanctionné disciplinairement ». Un groupe de médecins et pharmacien indépendants tente de répondre de façon utile et contradictoire, en exigeant notamment cette même preuve clinique réclamée, avec acharnement, au directeur de l’IHU et en sollicitant un moratoire ainsi qu’une enquête parlementaire. Seuls quelques médias acceptent de parler de cette réponse contradictoire. Un journaliste ose même qualifier ces praticiens indépendants de « terroristes ». Pis encore, une autre commission de ladite HAS, distincte de la commission de la transparence, décide de généraliser l’administration de ce médicament aux garçons ; elle lance alors une consultation publique, mais les professionnels de santé sont exclus : ils n’ont pas le droit de participer directement à cette consultation en donnant leur avis sur le rapport bénéfice/risque de ce produit alors même qu’ils engagent leur responsabilité. Dans son communiqué publié à cette occasion, lorsqu’elle évoque le bénéfice escompté de ce médicament, cette HAS utilise le conditionnel : un signe de doute et de prudence. L’organisation mondiale de la santé (OMS) appelle les États à suspendre ce projet chez les garçons. Mais, ce produit continue de prospérer. Des expérimentations sont même menées en milieu scolaire. L’obligation d’une information claire, loyale et appropriée ainsi que celle du recueil d’un consentement libre et éclairé des destinataires de ce médicament ne sont pas respectées. L’information délivrée au public n’est pas équilibrée.

Pour le surplus

En troisième lieu, de nombreux autres médicaments sont régulièrement mis sur le marché, parfois selon une procédure accélérée devenue de plus en plus fréquente, alors qu’ils n’apportent rien de nouveau ; alors que le rapport bénéfice/risque n’est pas suffisamment évalué. Certains de ces produits sont même plus dangereux qu’utiles. La revue indépendante Prescrire publie chaque année la liste de ces médicaments à écarter. Pourtant, ces produits continuent de sévir.
Oui, ce qui est refusé à l’IHU de Marseille est permis, toléré, accepté pour d’autres.

Le contexte : un élément constitutif du médicament

Mais, contrairement aux autres qui prennent quelques libertés avec la santé des gens alors qu’ils se trouvent dans un cadre de fonctionnement normal, de paix, qui ne requiert aucune urgence, l’équipe du professeur Raoult, elle, à sa décharge, peut prétendre à des éléments pour le moins exceptionnels : nous voulons parler du contexte qui a conduit cette équipe à emprunter une telle voie inhabituelle. Nier ce contexte reviendrait à amputer la définition même d’un médicament de l’un de ses éléments essentiels. Nous savons qu’un médicament va de pair avec son environnement : la contextualisation du traitement proposé au patient semble presque aussi déterminante que le principe actif lui-même. Qui peut oser contester l’efficacité du placebo et remettre en cause l’effet nocebo dans certaines situations ?
Le contexte concernant l’Hydroxychloroquine mérite donc d’être rappelé : un microbe invisible et jusqu’alors inconnu, une alerte mondiale, une situation d’« urgence », même de « guerre » selon les termes du président de la République lui-même, une communication au ton macabre de façon quotidienne, des centaines de morts par jour, un État dépourvu des moyens élémentaires de protection, des professionnels de santé exposés au risque et insuffisamment protégés, des informations contradictoires voire inexactes diffusées, une incertitude, une peur injectée dans les esprits, la peur de la mort, le refus même de la mort, mais uniquement de cette mort liée à la covid-19, un confinement généralisé, une garde à vue sanitaire de toute la population, des atteintes à certaines libertés fondamentales, presque toutes les activités sont mises en berne, tous les calendriers sont perturbés, une méconnaissance des autres déterminants de la santé, l'oubli de ce qu'est la définition de la santé selon l'organisation mondiale de la santé (OMS) : un « état de complet bien-être physique, psychologique et social », le corps humain est vidé de son âme et isolé de son environnement social, les savants dictent le rythme de la vie, notre corps appartiendrait à la nation, une activité antivirale in vitro et un effet anti-inflammatoire de cette molécule (principe actif), une présomption simple d'efficacité sur ce nouveau virus et un commencement de preuve, une absence de solutions autres, une information déjà effectuée auprès du principal concerné : le patient, le public.

Un exemple pédagogique de pharmacologie sociale : peut-être le lieu d’une conciliation possible

Le ressenti du patient compte. Il a même été réhabilité par la HAS lors de l’autre et récente affaire : celle concernant le Lévothyrox®. Ce ressenti est devenu l’un des critères d’évaluation du médicament. La personnalité du professeur Raoult, sa conviction affichée et sa volonté mise en œuvre de façon énergique jouent un rôle significatif aux yeux des patients, dont certains élus.
Au fond, cette affaire Hydroxychloroquine vient révéler ce qu’est la pharmacologie sociale. La prise en compte de cette nouvelle dimension de la pharmacologie pourrait contribuer à la conciliation entre les pro-Hydroxychloroquine et les anti-hydroxychloroquine. La pharmacologie sociale prend en compte la perception que le public se fait de tel ou tel médicament. Cette perception comprend une part d’irrationnel d’un point de vue scientifique. Cette pharmacologie sociale vient concurrencer les autres dimensions, plus classiques, de la pharmacologie : pharmacologie fondamentale, pharmacologie clinique, pharmacovigilance, pharmacogénétique, pharmacologie boursière… Cette nouveauté est là, sous nos yeux. Elle devient de plus en plus macroscopique, de plus en plus visible, dans le paysage sanitaire à travers plusieurs affaires concernant tel ou tel médicament. Cette dimension est créée, exprimée de façon implicite ou expresse, par le principal concerné : le patient. Il y a lieu de ne pas la négliger, et encore moins la mépriser. La situation amène donc à s’interroger sur la place de cette nouvelle donnée : de son interaction avec les autres pharmacologies. L’entre-soi semble relever d’une époque révolue.

Un filtre académique et des autorités ad hoc discrédités

Il est reproché à l’IHU de Marseille de ne pas avoir respecté le filtre académique. Il y a lieu de s’interroger sur l’efficacité, la sécurité et le coût d’un tel filtre. L’exemple suivant est édifiant. Il date de quelques jours. The Lancet, l’une des revues scientifiques les plus prestigieuses avec comité de lecture, et elle n’est pas la seule, vient de publier une étude censée démontrer un rapport bénéfice/risque défavorable pour l’Hydroxychloroquine. Sur la base de cette publication, le ministre des solidarités et de la santé, qui est aussi médecin, saisit un groupe d’experts. Ces derniers sont invités à rendre un avis au ministre sur le contenu de cette publication internationale. La décision tombe rapidement : la prescription de ce médicament doit cesser. Les médecins sont avertis voire menacés de sanctions. L’organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’arrêt des essais cliniques en cours ; l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) suit. Ces essais sont stoppés. Mais, quelques jours après, suite aux observations formulées par des experts d’en bas, ladite revue The Lancet dénonce, elle-même, ce qu’elle vient de publier. Alors, les suiveurs suivent à nouveau, mais dans l’autre sens cette fois : les essais cliniques peuvent reprendre. Il y a donc lieu de soulever les deux questions suivantes : ces experts d’en haut, placés dans toutes ces hautes instances, qui dictent au monde entier ce qui est bien et ce qui est mal pour notre santé, ont-ils lu l’étude publiée avant de rendre leur décision ? Si oui, ces experts seraient soit incompétents soit de mauvaise foi, soit les deux à la fois. Si non, pourquoi avoir accepté cette publication sans lecture sérieuse préalable ? Dans ces quatre cas, c’est, pour le moins, inquiétant pour la sécurité des populations. Le 4 juin 2020, nous apprenons que trois des quatre auteurs de cette publication, eux-mêmes, se rétractent. Un trou dans le filtre académique ? En réalité, la lecture critique d’une étude, d’un essai clinique, d’une publication… n’est pas accessible à tous les professionnels de santé, fussent-ils médecins, pharmaciens, experts désignés, etc. Par ailleurs, nous connaissons certains aspects, étrangers à la science, qui influencent sur la décision de publier des travaux de telle ou telle équipe dans telle ou telle revue.

L’éthique, la morale et la loi

Une autre question, d’ordre éthique, se pose : un médecin, qui bénéficie d’une indépendance professionnelle dans l’exercice de son art, doit-il respecter ce filtre académique incertain de façon absolue et quelles que soient les circonstances ?
Par ailleurs, ce protocole devrait-il être administré à toute la population alors que seulement une faible partie de cette population, avec des facteurs de risque et plus fragile, peut développer une forme grave de la covid-19 voire décéder à la suite de cette nouvelle maladie ?
L’éthique relève d’une sensibilité individuelle ; la morale, elle, s’inscrit dans une appréciation collective et notamment professionnelle. Par contre, la loi est générale et impersonnelle ; c’est elle qui régule les rapports dans une société.

Une conclusion

Une célébrité médicale, un expert d’en haut, une prestigieuse revue scientifique, un filtre académique, une voix d’autorité, un sondage d’opinions, une pluralité d’utilisateurs… ne sauraient être des critères sérieux d’évaluation indépendante d’un médicament. Nous le disons et nous l’écrivons de longue date, bien avant cette affaire hydroxychloroquine. À nouveau, la preuve est apportée. Cette fois, elle est visible et comprise par le principal concerné : le patient, le public. Pour l’instant, la preuve clinique attendue, permettant d’apprécier rigoureusement le rapport bénéfice/risque du protocole marseillais dans cette nouvelle maladie, n’est toujours pas livrée. Mais, le traitement spécial réservé à l’IHU de Marseille diffère de la souplesse habituelle accordée à d’autres ; et les comportements ciblant la personne de Didier Raoult nous semblent inappropriés.