Cholet,
le 20 décembre 2017
Objet :
Demande de saisine du Conseil constitutionnel (loi, extension de l’obligation
vaccinale de trois à onze vaccins).
Monsieur Le Président de l’Assemblée
nationale
Hôtel de
Lassay
128, rue
de l’Université
75355
PARIS 07 SP
Copie adressée au
Conseil constitutionnel.
Monsieur
Le Président de l’Assemblée nationale,
La France, notre pays, n’a pas encore inventé la
troisième voie de saisine du Conseil constitutionnel. Une voie qui offre à tout
citoyen la possibilité d’un recours effectif direct auprès dudit Conseil. Une
voie intermédiaire d’action-exception qui peut s’opérer avant la promulgation
d’une loi (action) et/ou en dehors de tout litige juridictionnel (exception).
L’exemple que j’entends vous soumettre illustre le besoin et le bien-fondé
d’une telle réflexion. Ce cas récent concerne l’extension, par la loi, de l’obligation
vaccinale (de trois à onze vaccins) et le rôle du Parlement visant à surveiller
l’action du gouvernement.
En formant le vœu de voir naître cette innovation
lors d’une éventuelle prochaine révision constitutionnelle, j’ai l’honneur de
vous soumettre le sujet qui suit, en vous
demandant de bien vouloir saisir le Conseil constitutionnel (Cons. const.).
Dans sa décision du 20 mars 2015 (Cons. const., 20 mars 2015, n°2015-458
QPC, Époux L.) relative à l’obligation des parents de vacciner leurs
enfants mineurs, Le Conseil constitutionnel n’a exercé qu’un contrôle
extrêmement restreint en se limitant à vérifier que l’exigence de protection de
la santé n’est pas privée de garanties légales. Il confirme son autocensure en
considérant notamment qu’« il n’appartient pas au Conseil
constitutionnel (…) de remettre en cause (…) les dispositions prises par le
législateur ». Il renvoie au pouvoir discrétionnaire du
législateur en affirmant « qu’il est loisible au législateur de
définir une politique de vaccination » (Considérant 10).
En l’espèce, la loi consacrant l’extension de
l’obligation vaccinale de 3 à 11 vaccins vient d’être « votée » dans des conditions qui ne peuvent
qu’interroger. En effet, à l’Assemblée nationale, sur un total de 577 députés, seulement 75 auraient été présents lors du vote : 63 voix
pour, 3 contre et 9 abstentions. Serait-ce cela la « démocratie » et notamment la « démocratie sanitaire » ? Quelle légitimité
attribuer à cette loi ?
Ce constat amène à soulever la question du quorum requis pour qu’une loi soit valablement
adoptée par le Parlement auquel Le
Conseil constitutionnel a confié la protection de notre santé. Peut-on
sérieusement considérer que 13% des députés pourrait prétendre constituer ledit
« législateur » ?
Cette loi serait-elle valablement votée alors même que 87% des députés auraient
déserté l’Assemblée nationale ? Quelle est donc la définition de ce
législateur ?
Le contrôle de constitutionnalité a priori qui pourrait être actionné par
60 députés semble exclu. Il est, en effet, difficilement imaginable de voir ces
députés, absents au moment du vote, venir ensuite prendre part à la saisine du
Conseil constitutionnel par voie d’action.
Cette situation prive les citoyens, ayant confié
leurs voix à leurs représentants, d’une possibilité de recours effectif. Elle
fait prendre le risque de voir le corpus juridique irrigué par une disposition inconstitutionnelle latente,
notamment de fait.
Aussi, le potentiel introduit par la décision
fondatrice du 16 juillet 1971 (Cons. const. n°71-44 DC) relatif à la protection
des droits et libertés fondamentaux semble-t-il menacé. La naissance du bloc de
constitutionnalité fait du Conseil constitutionnel le garant essentiel des
droits et libertés des individus. Elle confirme le lien entre le contrôle de la
conformité d’une loi à la Constitution et le renforcement de l’État de droit.
Cette émancipation du Conseil constitutionnel protège les droits et libertés fondamentaux,
le cas échéant à l’encontre du législateur. D’autant plus lorsque ce dernier se
trouve amputé de 87% de ses membres. Le Conseil constitutionnel a déjà
désacralisé la loi et réduit sa souveraineté dogmatique. La loi « n’exprime
la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (Cons.
const. n°85-197 DC, 23 août 1985).
A minima, Le Conseil constitutionnel pourrait opérer un contrôle de proportionnalité en
pareilles circonstances.
La Cour
européenne des droits de l’Homme (CEDH) a, quant à elle, déjà jugé, sur le
fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDHLF), qu’un traitement médical
non volontaire, tel qu’une vaccination obligatoire, constitue « une
ingérence injustifiée dans le droit de l’intégrité physique et morale d’une
personne » (CEDH, 9 juill. 2002, Salvetti c. Italie, req.
n°42197/98). Mais, elle applique le critère
de proportionnalité en tenant compte de l’intérêt général (CEDH, 15 janv.
1998, Boffa c. Saint-Marin, (irrecev.), n°26536/95, non publié). La CEDH devra
aussi se prononcer dans une autre affaire concernant des parents Tchèques qui
ont refusé la vaccination de leur enfant (CEDH, requête du 7 septembre 2015,
affaire Pavel VAVRICKA et autres c. République Tchèque, n°47621/13).
La Cour de
justice de l’union européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle
relative à la vaccination obligatoire des mineurs, s’est, elle, déclarée
incompétente (17 juill. 2014, aff. C-459/13, Milica Siroka).
Par ailleurs, le
gouvernement et le législateur ne devraient-ils pas s’imposer les mêmes obligations qu’ils font peser sur les
professionnels de santé envers les patients ? Il s’agit notamment d’une
obligation d’« information loyale, claire et appropriée » (article R.4127-35 du code de la santé
publique) visant à recueillir un « consentement libre et éclairé » d’une part ; et d’une obligation de
déclarer ses liens et conflits d’intérêts (article L.4113-13 du code de la
santé publique) d’autre part.
En droit médical,
l’information du patient et le respect de son consentement libre et éclairé à
l’acte sont consacrés par une base juridique particulièrement forte :
article L.1111-2, article L.1111-4, article R.4127-36 du Code de la santé
publique, notamment. C’est la garantie du respect du principe constitutionnel
de sauvegarde de la dignité de la
personne humaine (Cons. Const. n°94-343/344 DC du 27 juillet 1994).
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de
santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements
ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence
éventuelle, leurs conséquences, les
risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi
que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas
de refus (…) » (article L.1111-2 du Code de la santé
publique).
« (…) Le médecin a l’obligation
de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des
conséquences de ses choix et de leur gravité (…) Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans
le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment (…) »
(article L.1111-4 du Code de la santé publique).
« Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas
(…) » (article R.4127-36 du Code de la santé
publique).
Une position
d’équilibre conciliant la protection des droits et libertés fondamentaux et
celle de la santé publique appelle notamment une évaluation indépendante, et actualisée, du rapport bénéfice/risque
de chaque médicament, y compris le vaccin, aussi bien à l’échelon de la population qu’au niveau de chaque individu.
Rappelons qu’en
l’espèce, le destinataire final, de cette loi relative à l’extension de
l’obligation vaccinale, est une personne vulnérable qui n’est, a priori, même pas malade.
La question
divise. Ce qui prouve l’existence d’un litige. Cette question n’est pas
dépourvue de caractère sérieux. Les citoyens ne veulent plus seulement croire.
Ils veulent surtout comprendre.
Injecter à leurs enfants et
petits-enfants des vaccins par la
contrainte ne reviendrait-il pas à avouer l’échec de la méthode pédagogique ? Au niveau
européen, quels sont les pays qui ont choisi l’option de l’obligation vaccinale ?
La compétence du
Conseil constitutionnel est d’ordre public. Son contrôle, en sa qualité d’autorité
constituée indépendante, semble vital d’autant plus que la volonté
parlementaire ne se confond plus avec la volonté générale, que l’opposition
paraît effritée, et que le législateur contemple ses membres endormis. Les sécurités juridique et sanitaire en
dépendent. La priorité du contrôle de constitutionnalité sur le contrôle de
conventionalité le commande. L’efficience des soins et de la justice le
réclame.
Dans le cadre du
contrôle de constitutionnalité, imposer des filtres aux citoyens peut apparaître
discutable. L’Allemagne et l’Autriche auraient d’ailleurs abandonné un tel
principe ; ce qui contribue à parfaire
l’État de droit.
Une telle saisine
pourrait éviter au Conseil constitutionnel une série de questions prioritaires
de constitutionnalité (QPC) qui ne manqueraient pas de surgir à l’avenir sur le
fondement de circonstances nouvelles et aussi différentes les unes que les
autres. Le corpus juridique a besoin d’être purgé de ses dispositions
contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. Faisant en
sorte de prévenir l’introduction, en amont, de telles éventuelles distorsions.
En tant que
détenteur d’une parcelle de souveraineté, je tenais donc à vous alerter en
vous demandant de bien vouloir saisir le Conseil constitutionnel.
En vous
remerciant de l’intérêt que vous voudriez bien porter à ces quelques lignes, et
en restant à votre disposition,
Dans l’attente
d’une éventuelle réponse de votre part, que j’espère favorable,
Je vous prie de
bien vouloir recevoir, Monsieur Le Président de l’Assemblée nationale, l’expression
de mon profond respect.
Amine
UMLIL
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