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lundi 18 février 2019

Une invitation aux Rencontres INFOCOM’ – Toulouse, 7ème édition : « Les lanceurs d’alertes »


La septième édition des Rencontres INFOCOM’ est prévue le 21 février 2019 à Toulouse.

Cette année, le thème retenu concerne « Les lanceurs d’alerte ».

Une intervention est prévue sur « Les lanceurs d’alerte dans le milieu médical ». Une invitation nous est chaleureusement adressée. Cette table ronde est constituée par les intervenants suivants : Brigitte Sebbah, Annie Notelet (association UPGCS : Union pour la Prévention et la Gestion des Crises Sanitaires), Professeur Romain Gherardi, Docteur Gérard Bapt, Docteur Amine Umlil.

Pour plus d’informations :

Programme : cliquer ici

Article d’Ouest-France du 15 février 2019








vendredi 15 février 2019

Cinéma, documentaire et débat. « Demain, tous crétins ? » : une introduction à la connaissance des perturbateurs endocriniens (un compte-rendu)


Comme annoncé, et notamment par Ouest-France (cf. article ci-dessous), le 12 février 2019, nous nous sommes retrouvés au cinéma de Beaupréau, une petite ville située dans le Maine-et-Loire à quelques kilomètres de Cholet. La séance s’est déroulée en trois temps : la projection du film « Demain, tous crétins ? » ; une intervention ; puis un échange avec le public. Ces quelques lignes viennent résumer les points forts de cette intervention concernant les perturbateurs endocriniens. D’ailleurs, le 15 janvier 2019, la presse faisait état de la stratégie des pouvoirs publics dans ce domaine : les professionnels de santé seraient en premier ligne sur cette question.
Dans ce documentaire, une scientifique affirme notamment ceci : « (…) Nous sommes dans une situation critique où il faut écouter les scientifiques. (…) L’industrie chimique peut s’adapter [aux] régulations. L’industrie peut innover et produire des molécules non toxiques. Sinon ? Sinon, nous allons probablement assister à la disparition de la structure la plus sophistiquée que l’évolution n’a jamais créée : le cerveau humain. (…). »
Ce film aborde aussi le lien entre la carence en iode et le crétinisme (avec une hypothyroïdie et un volumineux goitre).
Pour s’inscrire dans le prolongement de ce documentaire, il y a lieu de souligner que le déficit en iode constitue l’une des causes les plus fréquentes d’hypothyroïdie dans le monde. Dans certains pays d’Afrique et d’Amérique du Sud, certains aliments, tels que le manioc, aggravent cette carence iodée. C’est dire que la nature, elle-même, peut nous réserver parfois quelques surprises. Mais, là, il est question de centaines, voire de milliers, de substances chimiques créées par l’Homme. Des substances qui menacent l’harmonie de la santé humaine notamment.

Le cerveau n’est pas le seul organe menacé

« Sinon, nous allons probablement assister à la disparition de la structure la plus sophistiquée que l’évolution n’a jamais créée : le cerveau humain. (…) » peut-on entendre dans ce documentaire.
Or, les perturbateurs endocriniens menacent d’autres organes. Avec le temps, l’inquiétude s’est étendue aux troubles de la reproduction, à l’obésité, au diabète de type 2, aux troubles du comportement, etc.. Il nous semble important de rappeler certaines étapes qui ont permis l’identification de ce risque toxicologique si particulier. Notre exposé se limite au système reproducteur : le modèle le plus étudié.
Force est de constater que l’Homme n’est pas le seul concerné. Ce risque toxicologique a aussi un impact sur la faune sauvage. La perception de ce risque n’a d’ailleurs été possible que grâce au rapprochement des observations effectuées dans la faune sauvage de celles constatées dans l’espèce humaine.

Des observations dans la faune sauvage

Nous sommes à la première moitié du 20ème siècle. De nombreuses substances chimiques commencent à être utilisées dans l’industrie et dans l’agriculture. Ce que la faune sauvage n’apprécie guère.

Des oiseaux : un « Printemps silencieux »

La première alerte pourrait dater de 1962. Une biologiste américaine (Rachel Carson) publie un livre ainsi titré : Silent spring (Printemps silencieux). Dans plusieurs régions des États-Unis d’Amérique (USA), les oiseaux ne chantaient plus au printemps. Leur disparition alerte. Ce signal est corrélé avec la détection de résidus de pesticides synthétiques dans le sol, les rivières, la faune, chez l’Homme. La biologiste qualifie la menace de « volcan assoupi » dans la mesure où ces substances liposolubles (solubles dans l’huile) ont un pouvoir d’accumulation dans différents organes tels que les glandes surrénales, les testicules, la thyroïde…
La menace atteint d’autres animaux.

Des femelles de gastéropodes marins

Dans de nombreuses eaux côtières (USA, Royaume-Uni, France, Alaska, Asie du Sud-Est), les femelles de Gastéropodes marins acquièrent des caractères sexuels masculins. Ce qui provoque un déclin de cette population.
L’agent responsable est identifié en 1980. Il est utilisé dans les peintures anti-salissures pour bateaux : le TBT (tributylétain). Ce TBT a révélé des propriétés anti-estrogéniques.
La question de l’action délétère, sur le système endocrinien, de substances dotées de propriétés hormonales suscite de plus en plus l’intérêt des chercheurs.

Des alligators femelles et mâles

En Floride, trois ans après la contamination du lac Apopka par des effluents agricoles et par des polluants, il est observé une baisse significative du nombre de jeunes alligators peuplant ce lac. Ailleurs, la situation est normale.
Dans ce lac pollué, une concentration d’estradiol élevée et des malformations ovariennes sont relevées chez les femelles. Alors que chez les mâles, des pénis anormalement petits et de faibles taux de testostérone sont observés.
Cette pollution est due notamment au DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane) dont les propriétés insecticides sont révélées dès 1938. C’est le premier de la famille des organo-chlorés utilisés en agroalimentaire.

Des poissons

Dans les eaux polluées par des rejets d’usines de pâte à papier ou de stations d’épuration, il est noté notamment une baisse des fonctions sexuelles, une féminisation des mâles. Dans ces eaux, plusieurs substances sont identifiées :

-     PCB (polychlorobiphényles) : une famille de plus de 200 composés utilisés, dès 1930, dans l’industrie électrique du fait de leur thermo-résistance et leur caractère non inflammable ;
-     Pesticides organo-chlorés (ci-dessus mentionnés) ;
-    Alkylphénols : utilisés dans divers secteurs industriels et dans des produits de grande consommation (cosmétique, nettoyants, peintures, etc.).

Des aigles pêcheurs

Une équipe suédoise démontre un lien entre la capacité de reproduction de ces aigles et le niveau des organo-chlorés mesuré dans leurs œufs.

Des mouettes

Dans différents endroits de la côte Ouest des USA, les mouettes se féminisent. L’agent responsable est le DDT.

Autres populations d’oiseaux

Les pélicans, les cormorans, les faucons, etc. sont également touchés par les effets néfastes du DDE (dichlorodiphényldichloroéthylène).

Des mammifères aussi : des loutres, des visons, des phoques, des ours

Les mammifères ne sont pas épargnés non plus. Des troubles de la reproduction sont enregistrés dans différents endroits : Europe, région des grands lacs d’Amérique du Nord, Mer baltique, région arctique… Les substances identifiées sont : PCB, dioxine, DDT…
Les scientifiques observent un pouvoir élevé de bioaccumulation et de biomagnification (ou bioamplification, ou bioconcentration : la matrice (telle que l’ours) devient plus contaminée que son propre environnement).
Parallèlement à ces constats relevés dans la faune sauvage, plusieurs événements signent l’alerte dans l’espèce humaine.

Parallèlement : des observations dans l’espèce humaine

Dès les années 1970, la nocivité des substances chimiques ayant des propriétés hormonales est découverte. Ces produits peuvent entraîner des maladies chez les hommes, les femmes, les enfants. Ils peuvent altérer les fonctions de reproduction. L’affaire du diéthylstilbestrol (DES ; DISTILBÈNE®) devient le modèle humain témoignant des conséquences graves possibles des substances chimiques dotées d’une activité estrogénique. Nous avons déjà présenté ce médicament, à titre d’exemple historique, lors de la troisième réunion d’information indépendante destinée au public ; réunion organisée le 22 novembre 2018 par le CTIAP du centre hospitalier de Cholet. Pour résumer cette affaire, il s’agit d’un médicament qui était utilisé dans plusieurs indications en gynécologie : fausses couches, acné, pilule du lendemain, cancer de la prostate, etc.. En 1971, une équipe de Boston émet l’hypothèse d’un lien entre ce médicament, pris pendant la grossesse, et la survenue, à l’âge de 15 ans à 22 ans, d’adénocarcinomes du vagin chez les filles nées de ces grossesses. La confirmation d’une fréquence élevée de malformations de l’utérus chez ces jeunes filles sera faite plus tard. Et les garçons ne sont pas épargnés non plus, même si leur cas était moins étudié.
Par ailleurs, d’autres affaires sont enregistrées. Elles concernent deux substances proches du DDT.
Le mirex (toxique sur la faune aquatique, tératogène, cancérogène) est interdit aux USA en 1976.
Un an plutôt, des travailleurs dans une usine de production de la Chlordécone (KEPONE®), usine située en Virginie, développent des atteintes neurologiques et testiculaires. Ce produit révèle, lui aussi, des propriétés estrogéniques. L’usine sera fermée. L’utilisation de ce produit, contre notamment le charançon du bananier, sera interdite en 1977.
Ces observations génèrent une inquiétude qui va s’étendre à toutes les substances chimiques environnementales ayant des propriétés hormonales.
Ce danger commun à la faune et à l’Homme est l’amorce des travaux initiés dans ce domaine.

Les perturbateurs endocriniens : un danger commun à la faune sauvage et à l’espèce humaine ; un domaine encore flou

Les connaissances des perturbateurs endocriniens restent encore relativement floues. Une telle incertitude est palpable à travers notamment les multiples définitions qui cherchent à décrire ce qu’est un perturbateur endocrinien ; ce qu’est un perturbateur endocrinien potentiel ; etc. :

« Une substance exogène qui entraîne des effets délétères sur un organisme vivant ou sa descendance résultant de changements dans la fonction endocrine. » 1996

« Un perturbateur endocrinien potentiel est une substance qui possède des propriétés qui pourraient conduire à une perturbation endocrinienne. »

« Une substance exogène qui interfère avec la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles responsables de la maintenance de l’homéostasie et de la régulation des processus de développement. » 1997

Etc.

« Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations. » OMS (organisation mondiale de la santé), 2002

« Un perturbateur endocrinien potentiel est une substance ou un mélange exogène, possédant des propriétés susceptibles d’induire une perturbation endocrinienne dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations. » OMS (organisation mondiale de la santé), 2002

Lors de cette intervention, les mécanismes d’actions possibles, un peu techniques et relativement pointus, des perturbateurs endocriniens ont été expliqués.

La fin de l’exposé a été consacrée à la présentation du cas soulevé, il y a juste quelques jours, par plusieurs mamans qui ont alerté le CTIAP. Cette alerte, transmise à la pharmacovigilance, concerne « Des bébés exposés au BHT ». Notre réflexion sur ce sujet est disponible sur ce même site (article publié le 2 février 2019).

Enfin, cette rencontre s’est poursuivie par un échange avec le public.




Article d’Ouest-France du 24 janvier 2019









mardi 5 février 2019

HYPERTHYROÏDIE. Médicaments contenant du Carbimazole ou du Thiamazole (synonyme : methimazole) : Risque de pancréatite aiguë ; et de malformations congénitales en cas de prise pendant la grossesse


Une « Lettre » est transmise, ce jour (5 février 2019), « aux professionnels de santé » sous l’autorité de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Elle alerte sur deux risques concernant les deux médicaments suivants utilisés dans le traitement des hyperthyroïdies : Carbimazole (NÉO-MERCAZOLE®) et Thiamazole (THYROZOL®).

Le Carbimazole, une fois administré, est métabolisé et donne naissance au Thiamazole. Ce dernier agit en bloquant la production des hormones thyroïdiennes.

Les deux risques signalés sont :

Un risque de pancréatite aiguë

Des cas de pancréatite aiguë ont été rapportés après un traitement par l’un de ces médicaments. L’alerte indique qu’« en cas de pancréatite aiguë, le traitement doit être immédiatement interrompu ». Et « les patients concernés devront bénéficier d’une autre alternative thérapeutique après une évaluation au cas par cas du rapport bénéfice/risque ».
Le CTIAP recommande aux patients concernés de se rapprocher de leurs médecins.
Une nouvelle exposition peut entraîner une récidive de cette pancréatite aiguë, avec un délai d’apparition écourté. Pour cette raison, ces médicaments « ne doivent pas être administrés à des patients ayant des antécédents de pancréatite aiguë suite à la prise de carbimazole/thiamazole » précise cette alerte ; une nouvelle exposition peut menacer « le pronostic vital ». Un « mécanisme immunologique » est suggéré pour tenter d’expliquer la survenue de cet effet indésirable. Bien qu’en réalité, le mécanisme de cet effet indésirable soit « mal connu ».

Un risque de malformations congénitales en cas d’administration pendant la grossesse : recommandation renforcée concernant la contraception

Cette alerte rappelle que « l’hyperthyroïdie chez la femme enceinte doit être traitée de façon adéquate afin d’éviter la survenue de graves complications maternelles et fœtales ».

Cette lettre indique :

- De nouvelles données issues d’études épidémiologiques et de cas rapportés confirment que le carbimazole/Thiamazole est susceptible de provoquer des malformations congénitales en cas d’administration pendant la grossesse, en particulier au cours du premier trimestre et à des doses élevées. Parmi les malformations rapportées figurent : aplasie cutanée congénitale (absence d’une partie de la peau (souvent localisée au niveau de la tête)) ; malformations cranio-faciales (atrésie choanale, dysmorphisme facial) ; anomalies au niveau de la paroi abdominale et du système gastro-intestinal (exomphalocèle, atrésie de l’œsophage, anomalie du canal omphalo-mésentérique) et communication inter-ventriculaire.

- Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace pendant le traitement par carbimazole/Thiamazole.

- Le carbimazole/Thiamazole ne doit être administré pendant la grossesse qu’après une évaluation rigoureuse au cas par cas du rapport bénéfice/risque et uniquement à la plus petite dose efficace possible, sans ajout d’hormones thyroïdiennes. Leur utilisation pendant la grossesse doit être réservée aux situations pour lequelles un traitement définitif (thyroïdectomie, traitement par iode radioactif) de la maladie sous-jacente n’était pas adapté avant la grossesse et en cas d’apparition ou de réapparition de la maladie au cours de la grossesse.

- Si le carbimazole/Thiamazole est administré au cours de la grossesse une surveillance étroite de la mère, du fœtus et du nouveau-né doit être mise en place.

Cette alerte informe que le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et la notice des spécialités pharmaceutiques contenant du Carbimazole/Thiamazole seront modifiés en conséquence.








samedi 2 février 2019

Perturbateurs endocriniens. Des bébés exposés au BHT : le CTIAP saisi par des mamans inquiètes


« (…) Nous sommes donc un groupe de mamans dont les bébés ont réagi à Adrigyl [colécalciférol ou vitamine D3] prescrit dès la maternité. (…). »
Des mamans, habitant le Sud de la France, saisissent le CTIAP car elles n’auraient pas eu de « réponse de la part du corps médical ». Elles ont « besoin de soutien de personnes du monde médical et scientifique pour rechercher des solutions pour [leurs] bébés. » Elles ont « le sentiment que [leurs] bébés ont été intoxiqués ». Elles se posent beaucoup de questions, qui nous ont été énumérées, tout en ayant « conscience de la difficulté de cette affaire » : « Comment soigner nos bébés ? Comment les aider à éliminer au mieux cette molécule ? Est-il possible de vérifier les dosages d’Adrigyl, notamment celui du BHT ? Que sait-on sur le BHT ? Pourquoi le BHT est-il interdit dans certains pays comme l’Australie, le Japon, la Roumanie ? Comment trouver les documents en attestant ? Pourquoi le BHT est-il utilisé dans un médicament à ingérer pour bébé alors qu’il existe d’autres solutions ? Etc. ? ».
Dans leurs témoignages, ces mamans soulignent une régression des effets indésirables constatés après l’arrêt - souvent par oubli - du médicament suspect d’une part ; ces effets indésirables reviennent dès la reprise du traitement d’autre part. La pharmacovigilance ne pourrait rester insensible à une telle chronologie dans la survenue des effets indésirables notifiés.
Ces mamans souhaitent « alerter les autorités sanitaires ». Elles ne remettent pas en cause le principe actif (colécalciférol ou vitamine D3) d’ADRIGYL®. Elles suspectent notamment l’un des excipients qui composent cette spécialité pharmaceutique : le butylhydroxytoluène (BHT). Ces mamans s’interrogent « vivement sur ses effets sur [leurs] bébés qui présentent les mêmes symptômes ». Leur inquiétude concerne la santé de leurs enfants à court et à long terme : « Nous nous inquiétons sur la santé à venir de nos enfants au vu de ce que nous avons lu sur cet antioxydant » qui est le BHT.
Le BHT est utilisé comme antioxydant dans l’alimentation humaine et animale en tant qu’additif. Il est également présent dans le domaine de la cosmétique et des produits de soin et d’hygiène, dans des huiles végétales et animales et dans des savons. Il se retrouve aussi dans des médicaments, produits phytopharmaceutiques, parfums, cires, produits d’entretien, biocides (désinfectants), peintures, caoutchoucs, plastifiants. Il évite l’oxydation des matériaux pendant un stockage prolongé.

Retour de l'ADRIGYL® sur le marché français : une nouvelle formulation

En 2007, l'ADRIGYL® avait cessé d’être commercialisé. En 2011, il a fait son retour sur le marché français avec deux changements : une présentation actuelle en flacon compte-gouttes de 10 ml ; et une formulation qui ne contient plus d’alcool.

Présence du BHT dans d’autres médicaments

Il y a lieu de préciser que l’ADRIGYL® n’est pas le seul médicament contenant du BHT. En effet, ce dernier fait partie de la liste des excipients composant d’autres médicaments et notamment d’autres médicaments à base de vitamine D.

BHT : inscrit sur la liste des excipients à effets notoires

Un excipient à effet notoire est un excipient qui est susceptible de générer un risque d’effets indésirables.
Selon la liste des excipients à effet notoire, mise à jour en 2009 par l’Afssaps (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; actuellement ANSM : agence nationale de sécurité du médicament) suite au Guideline européen de 2003, le BHT est bien un excipient à effet notoire.
En principe, un tel effet notoire devrait être mentionné dans notamment le RCP (résumé des caractéristiques du produit), version VIDAL®.

L’effet notoire du BHT non mentionné dans le RCP et dans la notice patient

La liste des excipients à effet notoire a été remise à jour par la Commission européenne (Guideline de juillet 2003) avec des propositions de libellés pour les annexes des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments concernés. Sur la base de ce Guideline, l’Afssaps a élaboré un document dans le but de traduire les libellés européens et d’intégrer lesdites propositions de libellés dans les AMM.
Les mentions concernant les excipients à effets notoires doivent être notées notamment dans le RCP au niveau des rubriques « composition qualitative et quantitative » et « mises en garde spéciales et précautions d’emploi » ; dans l’étiquetage au niveau de la « liste des excipients » ; et dans la notice dans la rubrique « Liste des excipients à effet notoire ».

Un exemple est donné par la lecture du RCP, version VIDAL®2018, d’un médicament à base, lui aussi, de vitamine D : UN-ALFA® (alfacalcidol). La rubrique « Composition » indique : « Excipients à effet notoire : huile de ricin, parahydroxybenzoate de méthyle (E218) ». La rubrique « Mises en garde/précautions d’emploi » précise : « Ce médicament contient de l’huile de ricin et peut provoquer des troubles digestifs (effet laxatif léger, diarrhée) ; Ce médicament contient du parahydroxybenzoate de méthyle (E218) et peut provoquer des réactions allergiques (éventuellement retardées). »

Mais, concernant l’objet de la réclamation de ces mamans, le RCP, version VIDAL®2018 et version disponible sur le site de l’ANSM (mise à jour le 31/10/2016), d’ADRIGYL® ne mentionne aucun effet notoire du BHT. De même, dans la notice, version disponible sur le site de l’ANSM (mise à jour le 31/10/2016), il est même indiqué : « Liste des excipients à effet notoire : Sans objet. »

Pourtant, le BHT figure bien dans la liste mise à jour par l’Afssaps (actuellement ANSM) depuis au moins 2009 :
« Excipient 12 : HYDROXYTOLUENE BUTYLE (E321)
Voie (topique) ; Seuil (Zéro) ; Information Notice « Peut provoquer des réactions cutanées locales (par exemple : eczéma) ou une irritation des yeux et des muqueuses. » ; etc. »

Le BHT suspecté dans l’« affaire LÉVOTHYROX® » en cours : suspecté d’être « un perturbateur endocrinien »

Dans un document de l’ANSM, datant du 4 octobre 2018, intitulé « Analyse de la qualité pharmaceutique des spécialités LEVOTHYROX et EUTHYROX, comprimés sécables », l’ANSM rappelle les « pistes » qui « ont été évoquées, notamment par les associations de patients, que les Laboratoires de l’ANSM se sont employés de vérifier ». Le BHT figure parmi ces pistes.
L’ANSM soutient que ce BHT est un « antioxydant couramment utilisé mais suspecté d’être un perturbateur endocrinien, bien que celui-ci ne soit pas déclaré dans l’AMM de la nouvelle formulation » du LÉVOTHYROX®.

Le BHT : avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

Dans un avis, en date du 8 avril 2016, rendu par l’ANSES, le BHT figure parmi les six substances évaluées en vue d’identifier leurs éventuels effets néfastes pour la santé de l’Homme et des espèces présentes dans l’environnement, en lien avec une perturbation endocrinienne.
Concernant les dangers pour l’Homme, l’ANSES indique notamment que « les études prénatales et postnatales disponibles jugées peu fiables (études anciennes, études avec une faible puissance statistique, …) montrent des altérations du comportement et des retards de croissance chez les rats et les souris. Le BHT traverse la paroi placentaire et est également retrouvé dans le lait maternel, ce qui soulève des inquiétudes sur le développement des jeunes rats ».
L’ANSES ajoute : « Concernant un potentiel effet perturbateur endocrinien, sur la base de deux études in vitro présentant des limites méthodologiques, il apparaît que le BHT peut agir comme un œstrogène et un anti-androgène. Il n’y a pas de données animales pour évaluer ce mode d’action PE. Des études montrent que le BHT a une action sur la thyroïde du rat avec des modifications hormonales de la concentration des hormones thyroïdiennes, une hyperplasie et des tumeurs de la thyroïde. À ces modifications histologiques est associée une augmentation de la demi-vie biologique de thyroxine mais sans modification du taux de Thyréostimuline (TSH). Il y a donc une convergence d’éléments de preuve suggérant que le BHT peut agir sur la thyroïde du fait d’une augmentation du catabolisme hépatique des hormones thyroïdiennes. Néanmoins, en l’état actuel des connaissances, il n’y a aucune preuve directe de ce mode d’action. Par ailleurs, le BHT entraine une augmentation du poids des glandes surrénales dans différentes espèces de rat.
Les incertitudes décrites ci-dessus ont conduit le CES (comité d’experts spécialisé) à proposer d’inscrire le BHT au CoRAP 2016 (CoRAP : Community Rolling Action Plan ; auprès de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques)).

Ces observations effectuées chez l’animal soulèvent la question de leur extrapolation à l’Homme ; et notamment pour des expositions à de faibles niveaux de concentration.

Le BHT sur la « liste des vigilances » de la Directive-cadre sur l’eau

Le BHT est inclus dans la « liste de vigilance » de la Directive-cadre sur l’eau depuis mars 2015. Cette liste concerne des substances soumises à surveillance à l’échelle de l’Union dans le domaine de la politique de l’eau. Elle contient 10 substances dont les informations disponibles indiquent qu’elles peuvent présenter un risque important, au niveau de l’Union Européenne, ou via le milieu aquatique. Mais, les données de surveillance seraient insuffisantes pour arriver à une conclusion sur les risques réels potentiels.

Une première proposition du CTIAP : déclaration de toute suspicion d’effets indésirables à la pharmacovigilance

La pharmacovigilance comporte notamment le signalement des effets indésirables « suspectés » d’être dus à un médicament.
Les cas des bébés, qui nous ont été signalés par ces mamans, ont fait l’objet d’une notification, par le CTIAP, au centre régional de pharmacovigilance (CRPV).
En France, il existe 31 CRPV. Ils ont une compétence territoriale. Les parents des bébés concernés sont donc invités notamment à se rapprocher de leur médecin et/ou leur pharmacien pour que ces derniers puissent effectuer la déclaration obligatoire, légale, de pharmacovigilance qui pèse sur eux.
Rappelons qu’au centre hospitalier de Cholet, des « Consultations effets indésirables médicamenteux et pharmacovigilance » sont possibles.

Une deuxième proposition : analyse de quelques données supplémentaires

Contrairement à ce qui est soutenu dans notamment la conclusion d’un article publié, en 2006, dans la Revue française d’allergologie et d’immunologie clinique sous le titre « Intolérances et allergies aux colorants et additifs » et selon lequel :

« En 1996, le titre d’une revue générale sur l’intolérance aux additifs évoquait la difficulté d’appréhender le sujet : « Intolérance aux additifs alimentaires chez l’enfant : mythe ou réalité ? » (…). En 2004, que reste-t-il de l’allergie aux additifs alimentaires ? C’est très certainement une réalité, bien étayée chez l’adulte, mais plus difficile à prouver en pratique courante chez l’enfant en raison de la lourdeur des explorations à mettre en œuvre. (…)
Malgré la tendance actuelle, dans les civilisations occidentales, du retour à la nature, pouvant déboucher au maximum sur « l’orthorexie nerveuse », nouveau trouble du comportement alimentaire décrit par les nutritionnistes, où la crainte de toute contamination des aliments (colorants et conservateurs compris) touche à la psychiatrie, les avantages qu’apporte en termes de protection anti-infectieuse la préservation des aliments par les additifs sont largement supérieurs aux réactions d’intolérance. Même la récente théorie hygiéniste ne justifie pas une alimentation sans ces substances, inoffensives en général et, pour la plupart des sujets, sans danger. »

En 2017, l’ANSES, elle, observe - et le CTIAP serait de cet avis – qu’« au cours des dernières décennies, diverses études scientifiques ont mis en évidence une évolution de la fréquence de pathologies (…). La compréhension du rôle joué par ces substances, dites « perturbateurs endocriniens », leurs modalités d’action, comme la part attribuable de leurs effets dans l’accroissement de ces pathologies, fait l’objet de controverses scientifiques et sociétales. (…) Les travaux réalisés montrent, en outre, que la sensibilité aux perturbateurs endocriniens peut varier selon les périodes de la vie. C’est notamment le cas de la période du développement foeto-embryonnaire, des nourrissons et des jeunes enfants, qui présentent une sensibilité accrue à ces substances ».

Concernant le BHT, Dans un ouvrage de référence en pharmacovigilance (Meyler’s Side Effects of Drugs ; The International Encyclopedia of Adverse Drug Reactions and Interactions ; Fifteenth Edition), il est noté notamment ceci :

« (…) Immunologic : It is impossible to decide from experimental findings in animals what the result will be of prolonged human exposure to low concentrations of such substances. Butylated hydroxytoluene causes various allergies ; symptoms of hay fever and asthma have been reported. Chewing gum should be considered as a possible cause of unexplained food allergy.
Butylated hydroxytoluene in chewing gum caused disseminated urticarial eruption in a young woman. An adverse drug reactions was ruled out, and the only recent dietary change had been regular use of chewing-gum containing Butylated hydroxytoluene. The skin lesions showed signs of vasculitis, with a perivascular cellular infiltrate, heavy extravascular deposition of fibrinogen, and intraendothelial deposits of IgM, C’9, C3, and C9. She stopped using the gum and within a week the eruption had subsided. An oral provocation test confirmed that Butylated hydroxytoluene was responsible, the cutaneous signs returning within several hours of rechallenge. »

D’autres publications sont disponibles. Citons notamment un article paru en 2018 : « Estrogenic and anti-estrogenic activity of butylparaben, butylated hydroxyanisole, butylated hydroxytoluene and propyl gallate and their binary mixtures on two estrogen responsive cell lines (T47D-Kbluc, MCF-7) » (J Appl Toxicol. 2018 Jul;38(7):944-957)

Une troisième proposition : l’approche toxicologique classique devrait-elle être remise en question ?

C’est l’ANSES, elle-même, qui ose écrire ce que certains scientifiques pensent : « Face à cette complexité, la connaissance des effets des perturbateurs endocriniens aux niveaux de concentration observés dans l’environnement se heurte aux limites de la toxicologie classique et des méthodes d’évaluation des risques. La question est donc d’en développer de nouvelles, adaptées aux spécificités de ces composés » que sont les perturbateurs endocriniens.
Il nous semble utile d’interroger notamment le concept de « la dose » et celui de la relation linéaire « dose-effet ». Selon son fondateur Paracelse : « Tout est poison et rien n’est sans poison ; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison »… Ce principe ne serait, peut-être, plus aussi universel qu’il semble le prétendre. Peut-être que des effets plus intenses pourraient s’exprimer à une faible dose ? Et si l’effet d’un perturbateur endocrinien pouvait se manifester à une faible dose et disparaître à une plus forte dose ? Les études, souvent coûteuses et donc financées par des industriels, menées chez l’animal reflèteraient-elles réellement l’exposition chronique chez l’Homme à de faibles doses ? Les valeurs seuils fixées seraient-elles arbitraires ? Et comment interpréter les données lorsque les personnes sont exposées, par exemple au BHT, mais à d’autres substances chimiques en même temps ? Faudrait-il examiner les effets des substances une par une, ou les effets de leur combinaison : « l’effet cocktail » ? Etc.

Une quatrième proposition : intégrer les déterminants de la santé au système de santé en adoptant une approche globale, multidimensionnelle et interministérielle de la santé

Il nous semble donc nécessaire de prendre en compte également les déterminants de la santé tels que l’environnement, l’alimentation, les habitudes de vie, la culture, l’éducation, le développement de la petite enfance, le niveau de revenu, l’emploi et les conditions de travail, le patrimoine génétique, les services de santé et les services sociaux, etc.
L’ANSES considère que « la compréhension des effets des perturbateurs endocriniens demande ainsi d’adopter une vision intégrative en replaçant l’Homme dans son environnement, mais également de prendre en compte l’exposition de l’individu à un mélange de substances chimiques et de comprendre leurs interactions au sein de l’organisme humain sur le long terme, dès la période du développement foeto-embryonnaire ».

Conclusion

Enfin, le CTIAP poursuit ses recherches dans ce domaine des perturbateurs endocriniens. D’autant plus que la presse a relaté, le 15 janvier 2019, la stratégie des pouvoirs publics qui envisage de mettre les professionnels de santé en première ligne sur ce dossier relatif aux perturbateurs endocriniens.
D’ailleurs, nous rappelons qu’une intervention sur ce sujet est prévue le 12 février 2019 : « Demain,tous crétins ? » : documentaire suivi d’un débat ».








Déserts médicaux. La proposition de loi Garot rejetée : l’Assemblée nationale mépriserait-elle l’intérêt général ?


L’un des enjeux actuels de la réforme du système de santé français consiste à répondre à la question suivante : la liberté de choix permet-elle une égalité d’accès aux soins ; et est-elle le moyen le plus approprié en pareilles périodes de contraintes budgétaires ?
Selon la presse, et notamment l’article d’Ouest-France paru le 2 février 2019 sous le titre « Déserts médicaux : la proposition de loi Garot rejetée », la proposition de loi contenant « des mesures d’urgence contre la désertification médicale » a été rejetée par l’Assemblée nationale. Le texte rejeté concerne notamment la régulation et l’installation des médecins. L’idée du député Mayennais, et ancien Ministre, Guillaume Garot, porteur de ce texte, consiste à « réguler l’installation de médecins et de les répartir harmonieusement sur le territoire national ». Une telle régulation s’impose déjà, et depuis de très nombreuses années, aux pharmaciens par exemple ; ce qui assure un maillage territorial adapté aux besoins de la population. Le député constate que cette « proposition de loi a été dépecée par la majorité et vidée de son contenu ». Un autre journal, France Bleu, titre son article ainsi : « "Les lobbys corporatistes" ont encore gagné face à la "détresse de citoyens sans médecin" » et précise que le député Mayennais « accuse le gouvernement d’irresponsabilité ».
Un tel échec n’est pas nouveau. Souvenons-nous, par exemple, de la mobilisation des internes en 2007 et des obstacles contre la régulation de cette installation initialement prévue dans la loi Bachelot de 2009.
Afin de saisir les conséquences d’un tel vote à l’Assemblée nationale, des éléments de compréhension sont nécessaires. Le CTIAP propose donc à ses lecteurs les quelques explications, non exhaustives, suivantes. Elles concernent notamment l’organisation de l’offre de soins en France. Car la régulation de cette offre est la première mesure à mettre en place avant même d’envisager l’augmentation des cotisations maladie ou la baisse du niveau de remboursement. Car il s’agit d’un bel exemple qui démontre que la pratique de l’espace peut générer des inégalités.

Contrairement à l’idée souvent véhiculée, il n’y a pas de pénurie de médecins en France

En France, la densité médicale, c’est-à-dire le nombre de médecins par habitant est de 3,3 médecins pour 1 000 habitants selon les données 2012 de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Dans les pays développés, la moyenne se situe à 3,2. Ce nombre est de 2,2 au Japon ; 2,5 aux États-Unis et au Canada ; 2,8 au Royaume-Uni. Ce chiffre atteint 3,8 en Espagne ; 3,9 en Suède et en Italie ; 4,0 en Allemagne.
Le problème réside dans la répartition de cette offre médicale au niveau du territoire.

Le système de santé français basé sur au moins cinq libertés

L’organisation et le fonctionnement du système de santé français est fondé sur notamment cinq libertés.
La première est la liberté du choix du médecin par le patient. Elle génère le nomadisme médical.
La deuxième est l’entente directe entre le médecin et le patient. Le paiement des honoraires se fait directement au médecin. Cela rend possible les dépassements d’honoraires (secteur 2) et crée, par conséquent, une inégalité d’accès aux soins.
La troisième concerne le paiement à l’acte qui augmenterait les dépenses de santé d’environ 11% par rapport aux autres modes de rémunération tels que le salariat, le forfait, ou la capitation voire à la performance. Pourtant, les médecins généralistes français, payés à l’acte, ont un revenu moyen moins élevé que celui des médecins généralistes britanniques payés à la capitation et au forfait : environ 71 300 euros par an et 140 000 euros par an respectivement (année 2010).
La quatrième est la liberté de prescription.
Enfin, la cinquième porte justement sur la liberté d’installation des médecins à l’origine des inégalités de densité médicale sur le territoire national.

Une liberté d’installation des médecins : une rupture d’égalité dans l’accès aux soins ; une influence sur les conditions de travail et sur les dépenses de santé

L’offre de soins est inégalement répartie sur le territoire français. Dans les zones dites « sur-denses », la facilité d’accès aux soins et la concurrence entre les praticiens stimulent la consommation des soins, et donc favorisent l’augmentation des dépenses de santé qui ne sont pas toujours justifiées. À l’inverse, dans les zones « sous-denses », moins bien dotées, les conditions de travail des médecins et de l’accès à certains soins se dégradent.
Ces inégalités sont la conséquence directe de l’incapacité de l’État à réguler l’implantation des médecins libéraux notamment.

Un accès aux soins primaires défaillant : un report de la charge sur les urgences des hôpitaux publics

Lorsque l’offre de soins primaires, de premier recours, est défaillante, le citoyen, notamment vulnérable, n’a d’autres choix que de se rendre aux urgences de l’hôpital public le plus proche. Un tel contournement des soins primaires contrevient au respect du parcours de soins coordonné par le médecin traitant, encombre les urgences hospitalières, et génère une augmentation des dépenses de santé car les soins hospitaliers sont plus coûteux que les soins ambulatoires.

Le paradoxe français

En Allemagne, la régulation de l’offre de soins utilise la négociation. Aux États-Unis, elle emprunte les mécanismes d’ajustement de l’offre et de la demande. En Grande-Bretagne, c’est l’État qui régule.
En France, cette régulation semble très difficile du fait notamment des cinq libertés ci-dessus mentionnées, de la confusion des rôles, de la dilution des responsabilités entre l’État et l’Assurance maladie, et de la prolifération des strates administratives à tous les échelons du système.
Ce vote de l’Assemblée nationale encourage donc les inégalités territoriales. En favorisant la concurrence pour réguler l’offre et la demande, il contribue à l’augmentation des dépenses de santé en créant une rupture d’égalité au détriment des plus vulnérables. Cette position est tout à fait paradoxale. D’autant plus, et sous l’impulsion des organismes internationaux (tels que l’OMS (Organisation mondiale de la santé), le FMI (Fonds monétaire international), la Banque mondiale, l’OCDE), que les politiques s’orientent plutôt vers l’adaptation des systèmes de protection sociale à des politiques économiques qui ne sont plus Keynésienne. Désormais, ces politiques sont focalisées sur l’offre de soins et non plus sur la demande des soins. Elles sont basées sur une logique budgétaire et sur la chasse aux déficits publics.

Ce vote de l’Assemblée nationale : une aggravation des inégalités sociales de santé

L’absence chronique de régulation de l’offre de soins ne peut que venir aggraver les inégalités sociales de santé. Elle creuse les écarts entre les sous-groupes d’une même population. Elle crée un gradient social territorial en plongeant une partie des citoyens dans un état de précarité et de pauvreté : ils ne peuvent pas accéder de la même manière à un médecin. Ils n’ont pas la même égalité dans les opportunités d’accéder à ces soins selon leurs besoins. Il s’agit bien d’une iniquité en santé. Elle viendra s’ajouter à la liste des autres déterminants de la santé à l’origine d’une rupture d’égalité concernant pourtant un bien supérieur : la santé.

Conclusion

L’égalité d’accès aux soins semble contradictoire avec la liberté des acteurs.
Malgré la connaissance de l’impact déterminant de la répartition de l’offre de soins sur la qualité des soins et sur la maîtrise des deniers publics, l’Assemblée nationale fait obstacle à la mise en place d’une mesure, portée par ce député Mayennais, poursuivant un but d’intérêt général.
Parallèlement, cette même Assemblée nationale n’a pas hésité à prendre des mesures coercitives plaçant la santé des citoyens sous tutelle ; tout en culpabilisant ces mêmes citoyens.
Cette Assemblée nationale semble protéger un intérêt général de circonstances.